(Agence Ecofin) - En cette année 2021 de relance post-covid-19, les marchés financiers américains font face à une incertitude. Un dollar très fort est susceptible de provoquer une bulle boursière. Une relance très audacieuse fera grimper la monnaie américaine. L’une ou l’autre situation aura un impact sur l’Afrique
Les investisseurs actifs sur les marchés financiers américains suivent attentivement l’évolution du dollar et celle des sociétés cotées en bourse. Le destin des deux produits des marchés boursiers semble lié. Une légère amélioration de la valeur du dollar en début de semaine a été suivie d’une baisse de celle des actions et indices boursiers.
Les commentateurs et analystes ne manquent pas d’arguments face à cette évolution des choses. Par expérience sur les bourses américaines, chaque fois que le dollar prend de la valeur, les investisseurs interprètent cela comme un risque sur les bénéfices des entreprises, notamment celles qui ont une exposition au niveau international. Alors qu’un dollar plus faible est perçu comme positif pour les bénéfices nets des entreprises à travers les gains de change.
Il peut donc sembler logique qu’un dollar en hausse se traduise par des baisses sur les valeurs boursières, car les investisseurs ajustent les perspectives de gain et par conséquent, les placements qu’ils font sur les actions des sociétés cotées. Ces arbitrages se font alors qu’on est déjà en 2021, année présentée comme étant celle de la relance post-covid-19. Un vaccin a été trouvé, la deuxième vague inquiète, mais cause moins de panique, et pourtant des inquiétudes demeurent.
Entre un dollar faible et fort, les choix sont difficiles.
Concernant le marché boursier américain, on note que son principal indice de référence, le S&P 500, a progressé de 37,4% en 2020.
Normalement, les valeurs boursières reflètent les perspectives de flux de revenus futurs qu’attendent les investisseurs d’une société ou d’un groupe de sociétés. La performance de ces sociétés est elle-même en partie tributaire de la croissance économique globale.
Or, le consensus des analystes fait remarquer que le produit intérieur brut (somme des valeurs ajoutées dans une économie) américain progressera de 3,5% en 2021, et que cela lui permettra juste de retrouver le niveau d’avant la pandémie.
Même en incluant l’année 2022, on n’aura pas une progression de valeurs à la hauteur de ce qu’ont anticipé les marchés financiers. Cela est révélateur d’une situation de déconnexion entre les marchés boursiers américains et l’économie réelle du pays.
De même, selon une analyse produite par la plateforme Data Trek, les moments de relance post-crise ont très souvent eu besoin ou réussi dans un contexte de dollar plus faible. Il se trouve que si la monnaie américaine a atteint son niveau le plus bas depuis deux ans, il y a quelques semaines, elle reste bien élevée par rapport à 2009, lorsque le monde sortait péniblement de la crise financière de 2008.
Il n’est pas exclu que l’économie ait besoin d’un dollar plus faible encore aujourd’hui pour vivre une vraie relance avec de solides bénéfices pour les entreprises.
Il est évident que toutes les entreprises américaines ne sont pas exposées de la même manière aux revenus extérieurs, et donc à un bénéfice suite à la baisse du dollar. Mais si on regarde les grands ensembles, 40 des sociétés du S&P 500 seraient bénéficiaires d’un dollar faible et surtout les sociétés technologiques qui pèsent pour 27% de la valeur des sociétés cotées américaines, selon la plateforme Capital IQ.
Une incertitude que devra surveiller l’Afrique
C’est donc un moment de grandes incertitudes pour les investisseurs de l’économie américaine et les politiciens. La nouvelle équipe dirigeante des USA entrera en fonction (si tout se passe sans heurts) le 20 janvier 2021. Joe Biden, le président élu, a déjà annoncé des couleurs, avec un stimulus massif.
Sa ministre des Finances, Janet Yellen, une ancienne présidente du conseil des gouverneurs de la Banque centrale américaine sera aux premières loges de ce grand moment de l’économie mondiale.
Avec un taux de chômage qui se maintient à 6,7%, soit près de 9 millions d’Américains en âge de travailler, une relance rapide est requise. Mais cela se traduira par une hausse du dollar qui à son tour provoquera une explosion de bulle sur les valeurs technologiques qui ont tiré les bourses américaines, ces derniers mois. Les arbitrages seront dans ce contexte, très difficiles.
En Afrique, cette évolution des choses ne fait pas l’objet de débats publics, ou même dans les médias. Et pourtant, comme pour beaucoup de pays dans le monde, les situations qui affectent la valeur du dollar ont un impact sur les économies de la région.
Un dollar plus fort est mauvais pour la balance commerciale, car il faut payer plus cher la facture des importations. Cela se traduit par une perte de valeur des monnaies locales.
Mais un dollar faible implique une baisse des revenus d’exportation et donc une plus faible capacité d’investissement pour les entreprises et les gouvernements locaux.
Idriss Linge
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.