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L’Afrique du Nord n’a pas intérêt à exporter l'hydrogène vert vers l’Europe (Transnational Institute)

  • Date de création: 23 mai 2022 17:01

(Agence Ecofin) - Alors que le Maroc, l’Algérie et l’Egypte ont noué des partenariats avec plusieurs pays européens pour produire et exporter l’hydrogène vers le Vieux Continent, une étude menée par deux centres de recherche occidentaux révèle les incohérences et les dangers de cette option pour les pays de la rive sud de la Méditerranée.

Eldorado ou mirage ? Capitalisant sur leur proximité géographique de l’Europe et leurs grandes ressources en énergies renouvelables à bas coût, les pays d’Afrique du Nord se positionnent comme le partenaire idéal de l’Union européenne (UE) dans le domaine de la production et de l’hydrogène vert, et rêvent d’engranger des sommes mirobolantes grâce à l’exportation de cette énergie décarbonée vers la rive Nord de la Méditerranée. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Dans une étude publiée le dimanche 15 mai, le think tank néerlandais Transnational Institute et l’Observatoire de l’Europe industrielle (Corporate Europe Observatory /CEO), un centre de recherche basé à Bruxelles qui surveille la manière dont les lobbies des grandes entreprises influencent les politiques publiques européennes ont douché les espoirs de ces pays.

Intitulée « Assessing EU Plans to Import Hydrogen from North Africa » (Evaluation des projets de l'UE visant à importer de l'hydrogène d'Afrique du Nord), cette étude a estimé que les programmes d’exportation d’hydrogène vert élaborés par trois pays d’Afrique du Nord ne sont pas économiquement viables.

« Les projets d’exportation d'hydrogène du Maroc, de l’Algérie et de l’Egypte - les trois nations d'Afrique du Nord qui prévoient de développer des filières locales d'hydrogène vert - sont potentiellement non viables économiquement », souligne l’étude. Et d’ajouter : « utiliser de l'électricité renouvelable (solaire et éolienne) au niveau local et la partager avec les pays voisins d'Afrique et éventuellement du Moyen-Orient par le biais d'interconnexions serait une option beaucoup plus efficace que de tenter de créer un marché d'exportation pour des produits chimiques très coûteux ».

11 fois plus cher que le gaz naturel !

Les auteurs de l’étude émettent également des doutes sur la « possibilité d’exporter un jour l'hydrogène vert à des prix suffisamment attractifs », au regard de ses coûts de production et de transport élevés. « L'hydrogène vert pourrait coûter jusqu'à 11 fois plus cher que le gaz naturel par unité d'énergie aux prix d'avant l'invasion de l'Ukraine, même avant le stockage et le transport... et encore trois fois plus cher que les prix [du gaz] les plus élevés d'aujourd'hui par unité d'énergie », argumentent-ils.

Transnational Institute et l’Observatoire de l’Europe industrielle notent d’autre part que la ruée de l’Afrique du Nord sur l’hydrogène vert n’obéit pas à la logique de la rentabilité.

« Il est peu logique que le Maroc, l'Algérie ou l'Egypte utilisent leur électricité renouvelable pour fabriquer de l'hydrogène et des produits à base d'hydrogène, puis les expédient en Europe en perdant beaucoup d'énergie, afin que l'UE puisse réaliser des réductions d'émissions climatiques », s’étonnent-ils, rappelant que ces pays produisent l’essentiel leurs besoins en électricité à partir de sources d’énergies fossiles. Le Maroc tire l’écrasante majorité de son électricité du charbon, tandis que près de 100 % de l'électricité de l'Algérie est produite à partir de gaz naturel, et plus de 90 % de celle de l'Egypte provient du pétrole et du gaz.

Au cours des derniers mois, plusieurs mégaprojets d’hydrogène vert ont été dévoilés en Afrique du Nord. L’entreprise française Total Eren a annoncé la construction d’une installation de 10,7 milliards de dollars sur un site géant de 170 000 hectares au Maroc, tandis que le groupe norvégien Scatec a signé un accord pour construire une usine d’hydrogène vert en Egypte pour un investissement de 5 milliards de dollars.

L’Allemagne a, de son côté, affecté 2 milliards d’euros de fonds publics à des partenariats dans la filière de l’hydrogène vert au Maroc, en Namibie, en République démocratique du Congo (RDC) et en Afrique du Sud.

Le géant allemand Siemens a également signé en 2021 un protocole d’accord avec l’Egypte pour développer des projets d’hydrogène vert à grande échelle dans le pays, pour un investissement global estimé à 23 milliards de dollars.