(Agence Ecofin) - Dans un contexte macroéconomique difficile où la dégringolade constante du cedi, observée depuis le début de l’année, a fait fondre les réserves de change, cette levée de fonds en dollars est quasiment un nouveau souffle pour l’économie ghanéenne, déjà en proie à une inflation galopante.
Signé le lundi 03 octobre dernier, l’accord de prêt syndiqué de 1,13 milliard $ obtenu par le Cocobod, l’organisme en charge du secteur du cacao au Ghana, est un coup double pour le pays, confronté à une forte détérioration de sa balance des paiements.
Le financement mobilisé auprès d’une vingtaine d’institutions financières est assorti d'un taux d'intérêt de 1,75 %. S’il est en baisse cette année par rapport à l’autre campagne, c’est parce que la saison 2021-2022 a été peu performante. La production est en baisse à 689 000 tonnes, la plus faible depuis 12 ans. Chaque année, le Ghana, deuxième producteur mondial de cacao derrière son voisin ivoirien - les deux représentant 60% du marché mondial - mobilise auprès d’institutions financières internationales des « crédits de campagne » pour financer l’achat des récoltes cacaoyères auprès des producteurs. Seulement, cette année est spéciale.
COCOBOD has signed a USD1.13 billion Receivables-Backed Trade Finance Facility (Syndicated Loan) to purchase cocoa and finance other industry costs within the 2022/2023 crop year. 1/3 pic.twitter.com/2s5KX5Gb3R
— Ghana Cocoa Board (@ghcocobod) October 3, 2022
Dans le contexte ghanéen actuel, ce concours financier est un précieux matelas de sécurité. D’autant que le pays qui fait face à une conjoncture macroéconomique difficile, a vu sa monnaie, le cedi, perdre plus de 30% de sa valeur depuis janvier. Cette dégringolade a fait fondre les réserves de change, grimper le service de la dette et l’inflation. Les avoirs en devises étrangères ont ainsi chuté de près de 30%, à 5,9 milliards $ à la fin du premier semestre 2022 (4,5 mois d’importation), contre 8,4 milliards $ au début de l'année.
En plus d’avoir la deuxième devise la moins performante au monde derrière la roupie srilankaise, d’être une des 10 économies les plus touchées par l’inflation (34%), le pays doit faire face à un service de la dette qui pourrait atteindre 58% de ses recettes publiques, en raison de la baisse du cedi face au billet vert. Selon Moody’s, qui vient de dégrader les notes du pays, la dette publique pourrait augmenter de 26% à 104% du PIB d’ici la fin de l’année, alors que les dettes libellées en devises, plus sensibles aux fluctuations, représentent déjà 37% du PIB.
Dans ce contexte de casse-tête, cette sortie internationale du Cocobod est une bouffée d’oxygène pour la Banque centrale qui a été contrainte, cette année, de relever plusieurs fois ses principaux taux directeurs.
Concrètement, la sortie du Cocobod sur le marché international fournit des devises étrangères à la Banque centrale du Ghana. Ainsi, elle devrait retirer les fonds en dollars de la Ghana International Bank basée à Londres, son principal arrangeur attitré pour fournir l'équivalent en cedi au Cocobod en vue des achats de cacao pour la saison. Cette opération de correspondance devrait doper les réserves en dollars de la Banque centrale, et lui permettre de soutenir le cedi.
D’autre part, cette réponse à la chute de la monnaie locale pourrait s’accompagner, dans les prochaines semaines, d’un appui multilatéral. En effet, le Ghana est en discussion avec le FMI pour décrocher un programme triennal de 3 milliards $. La ressource devrait venir renforcer les réserves de change du pays, une fois les DTS du FMI échangés contre des devises fortes, des dollars américains notamment.
Mais, jusque-là, rien n’est gagné d’avance. Selon le ministre des Finances, Ken Ofori-Atta, les négociations avec l’institution de Bretton Woods, en mission en territoire ghanéen depuis le 26 septembre, n’ont toujours pas abouti et devraient se poursuivre dans les tout prochains jours à Washington, lors des rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale.
Dans tous les cas, les agences de notation financière sont passées très vite à l’action en dégradant les notes de crédit du Ghana, le reléguant désormais à la catégorie « ultra-spéculatif », tout en mettant en garde contre toute restructuration de la dette contractée auprès des investisseurs privés internationaux.
Fiacre E. Kakpo
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.