(Agence Ecofin) - Le Parlement du Cameroun a autorisé, le 16 juin, la ratification de la convention de l’OMS pour la lutte anti-tabac. Un nouveau dispositif de traçabilité sera mis en place dans ce cadre. Mais l’industrie locale craint la mainmise des multinationales sur ce système si l’Etat n’assume pas son rôle.
Le Parlement camerounais vient de donner au chef de l’Etat, Paul Biya, le quitus pour ratifier le Protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits du tabac, qui découle de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la Santé pour la lutte anti-tabac.
A en croire le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, la ratification de ce protocole permettra « de muscler » le dispositif local de lutte contre la contrebande et le commerce illicite des produits tabacoles, phénomènes qui font perdre au Trésor public environ 10 milliards FCFA chaque année.
En clair, pour le gouvernement, l’adhésion à ce protocole à caractère supranational, qui consiste en un arrimage du Cameroun à un dispositif informatique international de traçage des produits tabacoles, est plus que salutaire. Ceci dans la mesure où cette innovation devrait permettre à l’Etat camerounais de gagner tout ou partie des 10 milliards de FCFA perdus chaque année du fait de la contrebande et du commerce illicite des produits du tabac.
Cependant, les espoirs du gouvernement camerounais dans l’application de ce protocole ne semblent pas partagés par la filière tabacole nationale, qui nourrit certaines appréhensions. Le 16 juin 2020, lors de la défense du projet de loi autorisant le chef de l’Etat à ratifier le protocole susmentionné, c’est la députée de l’opposition, Rolande Ngo Issi, qui a été la première à révéler ces appréhensions.
Les inquiétudes de la filière locale
« Autre aspect important sur la mise en œuvre de ce protocole, l’industrie du tabac ne doit être impliquée ni influencer le choix pour l’acquisition et l’installation du système de contrôle. Car, au Cameroun, il existe des industries du tabac qui s’organisent, avec le soutien de certains compatriotes, pour influencer le choix de ce mécanisme de contrôle. Comment peut-on être juge et partie ? », s’est-elle interrogée.
A en croire cette élue, dans le cadre de la définition des politiques de santé publique, la convention-cadre de l’OMS sur la lutte anti-tabac exige « que les gouvernements ne soient pas influencés par les industries du tabac ». Et de poursuivre : « L’Etat du Cameroun doit mettre en place un système de traçabilité, quel que soit le coût. En réalité, il est question que l’Etat s’assume comme le Kenya, qui a un système de traçabilité efficace à copier et à suivre, contrairement à la Côte d’Ivoire qui a utilisé le système qui lui a été proposé par l’industrie du tabac, sous le prétexte qu’il est moins coûteux ».
Au sein de la filière elle-même, où les opérateurs redoutent que les multinationales n’imposent au gouvernement un système de traçage et usent de ce dispositif pour « éliminer les petits industriels du marché », le sujet est qualifié « de déterminant pour l’avenir de la filière nationale ». « Le système de traçage des cigarettes doit préserver la production locale », martèle Patrice Yantho, un conseil en investissement proche des milieux du tabac.
A en croire cet expert, dans le cadre de l’application du protocole sur l’élimination des produits du tabac, le Cameroun doit pouvoir mettre en place un système de traçage interne, « dont il a la maîtrise de bout en bout, pour pouvoir contrôler les recettes fiscales induites », et n’utiliser le dispositif international baptisé « Trace & Track », uniquement que pour les exportations des produits locaux vers l’étranger, et des importations des produits tabacoles sur le marché local.
Brice R. Mbodiam
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.