Facebook est depuis longtemps un des espaces d’expression de ceux qui s’intéressent à la vie politique congolaise : du grand public aux hommes politiques en passant par la société civile. Il n’en était pas de même pour le réseau social Twitter jusqu’à la période 2015-2016. Deux événements majeurs ont contribué à faire de Twitter un des vecteurs privilégiés de l’information politique : la nomination d’un nouveau Conseiller en communication à  la Primature et la déclaration de candidature de Moïse Katumbi. Retour sur une des révolutions de la modernité congolaise.

Primature : Et pourtant rien n’était prévu

Par une aube humide, Alain Claude Christian Djaté pose son doigt sur le lecteur d'empreinte de l'entrée du bâtiment Tshisekedi.  Il balaie d’un revers de la main la fine couche aqueuse qui recouvre son pardessus, la porte s'ouvre dans un bruit légèrement feutré et le tout nouveau Conseiller en charge de la communication et des relations extérieures du Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon entre dans la Primature. Nous sommes en mars 2015 et la présence numérique de l’institution remplit le minimum syndical : un beau site web mais peu fourni, une audience en berne sur les réseaux sociaux et plus précisément sur Twitter,...

Rien ne prédestine cet homme d’une quarantaine d’année au poste qu’il occupe : journaliste de presse écrite, présentateur sportif à la télévision, directeur de programmes de radios dans des missions de la paix des Nation Unions, chargé de l’appui à la société civile congolaise  pour le compte d’une ONG internationale, il se définit comme un homme de terrain et pas un bureaucrate. Et pourtant, c’est sa solide expérience qu’il va mettre au service d’une nouvelle narration politique.

Primature : Aller à l’essentiel

Confrontée à la méthode Matata Ponyo, il va devoir vite s’adapter et par exemple arriver au bureau avant que le coq ne chante pour délivrer ses revues de presse. Qu’à cela ne tienne, de cette méthode, il accueille avec bonheur la rigueur et l’absence de fioritures. En outre, la méthode Matata a un autre effet sur lui : elle accentue son goût de la préparation « afin de se presser sans se hâter ».

Et cela lui va : il est de la radio comme de la politique, il faut aller à l’essentiel. Et pour le Conseiller Djaté, cela passe par la réduction de la distance entre le citoyen et l’Etat, entre l’abonné et celui qui tweete. Il faut avant tout captiver l’attention de l’abonné à travers une narration obéissant à des règles précises : le texte d’un tweet est toujours accompagné d’une image ; un événement (visite, audience,...) est de préférence raconté en direct, le live tweet ; le récit doit toujours répondre aux questions non formulées de l’abonné... Ainsi, les tweets de la visite des immeubles en rénovation du quartier administratif  ne se limitent pas à des prises de vue du Premier ministre déambulant, ils font des immeubles photographiés sous tous les angles des témoins de l’action gouvernementale et des acteurs du développement.  Le tweet installe l’abonné au coeur de l’appareil étatique en action.

Le temps du récit politique se conjugue au présent et le public ne s’y trompe pas. Les résultats suivent: le nombre d’abonnés du compte personnel du Premier Ministre sera multiplié par 22 à la fin de son mandat soit environ 67.000  et par 10 pour le compte officiel à raison de  34.000.

Moi, président...

Le 20 septembre un homme est attendu. Ancien gouverneur de la région la plus riche du Congo, président du club de football qui a rendu ses lettres de noblesse au sport le plus populaire du pays, il a la parole rare depuis son départ de la majorité présidentielle. Ses détracteurs comme ses fidèles ne connaissent pas sa position. Moïse Katumbi est un homme attendu qui a pris le parti de s’exprimer sur Twitter depuis mai 2015 mais jusqu’à présent il ne dit presque rien. Et le 20 septembre de la même année, il va s’exprimer.

#AskMoise : cet hashtag pourrait résumer la méthode Katumbi. L’abonné est en dialogue permanent avec le Chairman. Il faut d’ailleurs féliciter le travail exceptionnel de l’agence de relations publiques qui est derrière cette campagne. Des séances de questions/réponses sont proposées en direct sur Twitter et avec #AskMoise, les interrogations des abonnés trouvent des réponses en différé. Cette proximité Moïse Katumbi l’appuie avec des vidéos adressées à ses abonnées ou des photos de ses visites auprès d’autres acteurs politiqes ou des audiences qu’il accorde.

Moïse Katumbi occupe assez bien l’espace public. Au-delà des interactions avec les abonnés, il agit comme un véritable homme d’Etat en parlant de politique générale, en adressant des félicitations à d’autres personnalités du monde politique et en rendant compte de manière succincte, 144 caractères obligent, des différentes actions qu’il entreprend. Les résultats sont probants : aujourd’hui @moise_katumbi compte plus de 166.000 abonnés à raison d’une progression  moyenne de 11.182 abonnés par mois.

Quel est le profil de l’abonné des acteurs poltiques congolais ? Qui suit-il ?

La majorité des abonnés sont des hommes ayant plus de 35 ans, ils reprèsentent près de  70% de la twittosphère politique congolaise. La répartition de ces abonnés est assez contingente de l’histoire des migrations congolaises. les abonnés proviennent d’abord de la RDC puis de l’Afrique : Rwanda et Burundi (pays limitrophes), Afrique du Sud, Afrique de l’Ouest et Maghreb (terres d’émigration).  Ensuite, la répartition des abonnés suit les lieux d’implantation de la diaspora congolaise : France, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, USA et Canada. La présence d’abonnés dans les autres pays est relativement faible.

Les stars incontestés de la politique congolaise sont Moise Katumbi (161.845 abonnés), Olivier Kamitatu (90.317), Martin Fayulu (70.174) et Matata Ponyo Mapon (68.098). Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale, compte 35.864 abonnés, Felix Tshisekedi, ténor de l’UDPS, en réunit 18.255, et Henry Mova, Secrétaire général du parti au pouvoir, comptabilise 16.286 abonnés. Malheureusement, comme dans la vie réelle, nous nous retrouvons la même discrimination envers les femmes politiques et elles atteignent rarement les 5000 abonnés.

Si les scores des hommes et femmes politiques congolais semblent relativement faibles en comparaison à ceux de Barack Obama (79,6 millions d’abonnés), Jacob Zuma (414.500 abonnés) ou Charles Michel (115.500 abonnés), il faut savoir qu’au 5 octobre 2015 Moïse Katumbi, Matata Ponyo Mapon et Lambert Mende comptabilisait plus ou moins 15 000 abonnés chacun. De l’eau est passée sur les ponts depuis.

A suivre