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Plaidoyer pour la mise en place d’une régulation régionale du secteur de l’électricité en Afrique centrale

Au regard de son importance dans divers domaines d’activités, l’énergie demeure un défi majeur à relever dans la perspective du développement économique et social des Etats Africains en général et ceux de l’Afrique centrale en particulier. Pour relever le défi, les Etats de la sous-région ont opté pour une coopération dans ce secteur. C’est pourquoi, L’intégration énergétique constitue un des objectifs majeurs à atteindre par les Etats de l’Afrique centrale réunis au sein de la CEEAC. En effet, aux termes du chapitre XI article 54 du traité de Libreville[1], les Etats s’engagent à harmoniser leurs plans de développement énergétiques et à mettre en place une politique énergétique commune particulièrement en matière d’exploitation, de production et de distribution, créer un cadre adéquat de concertation et de coordination permettant de résoudre en commun les problèmes que pose le développement énergétique de la communauté (…).

En vue de concrétiser ces dispositions conventionnelles, les Etats membres les Etats ont crée en 2003 le PEAC (Pool Energétique de l’Afrique Centrale). Le PEAC est l'organe spécialisé de la CEEAC chargé de la mise en œuvre et de la coordination de la politique énergétique, de l'expansion des infrastructures communautaires, de l'établissement des conditions commerciales, juridiques et techniques favorables aux investissements et aux activités d'échanges d'énergie électrique dans la région. Le PEAC est la réponse institutionnelle à la sous électrification et aux déficits chroniques d'énergie électrique enregistrés en Afrique Centrale. Cet organe entend favoriser l'exploitation du formidable potentiel hydroélectrique de la sous-région aux fins de satisfaire toutes les formes de demande d'énergie électrique par le biais de boulevards énergétiques et d'un marché régional de l'électricité.

Il apparait alors nécessaire de construire un réseau régional intégrant le maximum des Etats de la sous-région, et qui leur permette de bénéficier de l’important potentiel énergétique dont ils disposent. Dans le cadre du PEAC, plusieurs projets d’électrification transfrontalière ont été retenus. Seulement, vu la diversité des systèmes juridiques et techniques la question des interactions entre les différents acteurs et systèmes se pose avec acuité. Comment assurer le bon fonctionnement du marché de l’énergie électrique ? Un code du marché de l’électricité de l’Afrique centrale a été mis sur pied en vue de la mise en place d'un cadre juridique attractif et sécurisant régissant les investissements et les échanges transfrontaliers d'énergie électrique[2]. Cela a constitué une première étape, qui toutefois ne couvre pas l’objectif de régulation.

En outre l’accord-cadre intergouvernemental de constitution du PEAC prévoit la constitution de l’organe de régulation du PEAC, dont les attributions sont : d’organiser le marché de l’électricité dans le PEAC, veiller à l’application des règles de jeu entre membres participant aux échanges et aux enchères concurrentielles dans le PEAC (…). Seulement, des manquements notables apparaissent : l’accord ne prévoit pas les pouvoirs de l’autorité de régulation,  et son fonctionnement. Ce qui par ailleurs explique pourquoi cet organe n’est pas encore opérationnel en Afrique centrale. Pourtant, considérant que la régulation est au centre de la réussite des échanges énergétiques et du marché de l’énergie dont elle contrôle le respect des règles qui le régissent, n’est-il pas nécessaire, voire urgent de doter la communauté d’un véritable mécanisme de coopération entre les autorités de régulation nationale, en vue d’instaurer de bonnes pratiques contractuelles en matière d’échanges transfrontaliers d’énergie électrique ? Comment mettre sur pied un tel organe ? Quelle serait sa structuration et ses pouvoirs dans le contexte de l’Afrique centrale ? Mais avant de répondre à ce questionnement, il convient de rappeler quelques enjeux de la régulation sous régionale de l’électricité.

Parmi les enjeux de la régulation l’on peut relever :

  1. la création des conditions favorables au développement des investissements

La mise en œuvre d’une régulation sous régionale du secteur de l’électricité, parce qu’elle harmonise et règlemente les pratiques, les lois et exerce un contrôle sur le développement des échanges du secteur de l’électricité,  crée de facto les conditions favorables au développement des investissements, notamment par l’instauration d’un cadre attractif pour les investisseurs. En effet, dans un contexte sous régional marqué par la disparité des normes et la kyrielle de lois, il est difficile d’assister à une ruée des investisseurs qui ne trouveraient évidemment pas en cet état de choses un motif encourageant pour investir dans le secteur. La mise en place d’une régulation a donc cet avantage de présenter un environnement de confiance car elle confirme la sécurité juridique et judiciaire des investisseurs, de créer des conditions favorables au développement des investissements, d’attirer des investisseurs.

  1. La construction effective du marché de l’électricité

Les Etats de l’Afrique centrale ont pour ambition de construire un marché de  l’électricité comme cela transparait dans l’avènement du code du marché de l’électricité. La construction effective d’un marché de l’électricité est un élément essentiel  de la sécurité énergétique en Afrique centrale. Les Etats, surtout ceux dotés d’une faible capacité énergétique se trouvent rassurés de la disponibilité de manière permanente d’une énergie pour soutenir ou impulser leur développement économique.

  1. La garantie de l’exécution, le suivi et le contrôle des échanges transfrontaliers

Les Etats de la sous-région sont fortement engagés dans l’élaboration des projets d’échanges transfrontaliers d’électricité. Dans ce contexte, il est nécessaire de mettre sur pied une instance qui veille à garantir l’exécution, le suivi et le contrôle des échanges transfrontaliers, au vu des risques de problèmes qui existent quant à la conduite et à la réalisation des projets régionaux.

  1.  l’harmonisation tant au niveau institutionnel que technique des structures nationales d’électricité au sein de l’Afrique centrale

Le contexte actuel des échanges d’énergie électrique est marqué par le problème de la disparité des normes techniques et juridiques. La régulation constitue ici un cadre pour l’harmonisation des usages pratiques et normes en cours dans les différents Etats de l’Afrique centrale.

  1. Le développement des échanges transfrontaliers dans le secteur de l’électricité dans l’espace Afrique centrale

C’est un objectif majeur de la mise en place d’une régulation du secteur de l’électricité. Comme nous avons pu le constater, l’Afrique centrale est la sous-région la moins connectée, alors qu’elle est dotée d’un potentiel naturel unique. Plusieurs raisons inhérentes à la dynamique d’intégration expliquent ce retard, qui a pour conséquence  de laisser la sous-région dans la pauvreté, reculer le taux d’alphabétisation, tirer les économies de la sous-région vers le bas du fait de la faible fourniture en énergie. Le défi est donc de taille et exige que les Etats mettent en œuvre des mécanismes à même de faciliter et d’encadrer ce dessein. La régulation apparait alors comme fondamentale du fait qu’elle constitue un élément de confiance qui rassure les acteurs nationaux, sous régionaux et internationaux qui interviennent dans le développement des échanges transfrontaliers du secteur de l’électricité. Seulement, comment la mettre véritablement en marche en vue d’atteindre les objectifs qu’elle vise ?

La problématique de la régulation régionale de l’énergie n’est pas nouvelle. Plusieurs communautés intégrées ont suscité le débat, et développé des modèles de régulation régionale de l’électricité. Les principes et pratiques de régulation régionale à travers le monde ont inspirés deux types d’organisation : des organes institués au niveau gouvernemental ou intergouvernemental qui disposent d’une véritable autorité dans les domaines régulés en terme de prise de décision, de suivi et de contrôle (c’est le cas de la Commission Régionale de l’Interconnexion Electrique de l’Amérique centrale -SIEPAC-, et de l’Autorité de Régulation Régionale du secteur de l’électricité de la CEDEAO -ARREC-)  et des organes issus d’accords d’association entre régulateurs nationaux qui généralement ont un pouvoir consultatif (La Regional Electricity Regulators Association of South Africa (RERA SAPP). Alors, entendu que l’on ne peut créer ex-nihilo, l’Afrique centrale pourrait s’inspirer d’une des expériences de régulation régionale rencontrées à travers le monde. Cela peut se faire si la coopération énergétique se débarrasse des tares congénitales du processus d’intégration en Afrique centrale que sont le souci de conciliation des engagements communautaires et les contraintes nationales, et l’affirmation des égoïsmes nationaux.

En Afrique centrale, les acteurs sous régionaux ont déjà abordé la question dans l’accord-cadre de constitution du PEAC, il reste à peaufiner le modèle de régulation et à le mettre effectivement sur pied, car il ne saurait exister de coopération énergétique sans la régulation. Aussi, nous  dressons quelques contours importants d’un  organe de régulation sous régionale, en en proposant les missions (1), les pouvoirs (2),  l’organisation (3)  et les moyens à attribuer (4).

 

1-     LES MISSIONS

La  question des missions de l’organe de régulation a été abordée dans l’accord-cadre de constitution du PEAC, qui prévoit la création d’un organe de régulation. Cet accord confère des attributions qui laissent entrevoir les missions confiées à l’Organe Régional Régulation  (ORR). Ainsi, les missions de l’organe de régulation sont :

-        Organiser le marché de l’électricité dans le PEAC

-        Veiller à l’application des règles de jeu entre membres participant aux échanges et aux enchères concurrentielles dans le PEAC

-        Exiger la séparation comptable et de gestion des comtes des unités de production intégrées participant au PEAC

-        Harmoniser les tarifs d’accès au réseau pour les sociétés membres du sous comité Exploitation

-        Harmoniser les procédures comptables et de facturation des échanges énergétiques

 

2-     LES POUVOIRS DE L’ORR

La question des pouvoirs à accorder à l’organe de régulation sous régionale est sensible. En effet, elle dépend de la volonté des Etats membres puisque le modèle d’intégration en Afrique centrale est fortement marqué par l’inter gouvernementalisme. Il s’agit donc de se donner les moyens pour avoir un organe de régulation fort, et qui puisse réellement avoir une influence dans l’organisation du marché de l’électricité. Pour ce faire l’on pourrait accorder des pouvoirs de :

-Ediction, fixation ou interprétation des règles techniques et commerciales organisant les échanges transfrontaliers d’énergie électrique.

Donner le pouvoir d’édiction des règles à l’organe de régulation n’a rien de mauvais, puisque ce sont des experts en la matière qui produiront ces règles. Il en est de même pour leur interprétation.

-Pouvoir de contrôle et d’approbation 

L’ORR intervient sur les contrats d’échanges et notamment sur les termes et conditions dans lesquels ces contrats doivent être signés.

Il  approuve les tarifs proposés par les opérateurs nationaux ou régionaux en s’assurant qu’ils sont justes et raisonnables.

-Le pouvoir d’assurer le respect des règles de la concurrence

Un aspect important de la surveillance du marché est lié à la gouvernance et aux intérêts croisés des compagnies d’électricité intervenantes. Les pouvoirs de l’ORR lui permettront de veiller et de contrôler le respect des règles de la concurrence sur le marché dont les opérateurs ont l’obligation de lui fournir tous documents nécessaires à sa compréhension des tarifs.

-le pouvoir d’injonction

L’ORR peut demander à un ou des opérateurs de modifier les termes et clauses contractuelles ou de mettre fin à un certain comportement sur le marché. Il peut également suspendre ou mettre fin à toute opération qu’il juge illégale, qu’il ait constaté par lui-même ou sur saisine d’une tierce personne.

-Le pouvoir de résolution des litiges

Au niveau du règlement des litiges, l’ORR intervient dans la résolution des litiges entre l’ensemble des acteurs publics ou privés, qui naissent des échanges d’énergie entre Etats. Cette mission prend la forme de la médiation, la conciliation, la facilitation, ou l’arbitrage. Dans l’exercice de sa fonction de résolution de litiges, l’ORR pourra prendre des décisions ayant force exécutoire envers ceux à qui elles sont destinées.

Le choix qui est celui de conférer des pouvoirs réels à l’organe de régulation n’est pas gratuit.  Il s’agit en effet d’un secteur stratégique qui est celui de l’énergie, et donc il est nécessaire d’instaurer une réelle surveillance multilatérale du marché qui risquerait subir les soubresauts de la pluralité des acteurs et son corollaire.

3-     L’ORGANISATION DE L’ORR

a) Le statut

S’agissant du statut de l’ORR, il est important de dire que le règlement de la question a été en partie fait dans l’accord-cadre intergouvernemental de constitution du PEAC.  Il s’agit donc d’un organe qui sera rattaché au PEAC qui lui-même est un organisme spécialisé de la CEEAC. On pourrait tout à fait garder cette formule, ou faire de l’ORR une institution spécialisée de la CEEAC dotée de la  personnalité juridique, de l’indépendance et de l’autonomie nécessaire à l’exercice des missions et pouvoirs qui lui sont confiés.

  1. L’organisation

En ce qui concerne l’organisation, le modèle Ouest africain de régulation pourrait nous inspirer. En effet, l’on pourrait mettre en place un conseil de régulation qui serait l’instance de décision et de direction de l’ORR. Le conseil serait dirigé par un président. Les autres modalités pratiques seraient soumises au débat lors de la création de l’ORR. Elles concernent la composition du conseil de régulation, la rémunération des membres, etc.

 

4-     LES RESSOURCES FINANCIERES DE L’ORR

 Les ressources financières de l’ORR pourraient être constituées :

-Des redevances annuelles basées notamment sur les échanges transfrontaliers d’électricité, des sociétés d’électricité titulaires d’une licence, d’une convention ou d’une autorisation d’échanges transfrontaliers d’énergie électrique ;

-Des frais d’instruction de dossiers, d’inspection et de contrôle, ainsi que les frais de procédure, versés par les opérateurs du secteur de l’électricité de l’Afrique centrale

-Des ressources extraordinaires comme le produit des emprunts, les subventions des Etats, des organismes publics ou privés, nationaux ou internationaux :

-Des dons et legs

Il apparait donc que la régulation de l’électricité en Afrique centrale est une nécessité impérieuse, au regard de son impact dans la réussite de la coopération régionale dans ce secteur. Jusque là mise de coté, sa matérialisation dans la sous-région apparait de plus en plus urgente au regard des avancées -quoique timides- de la coopération énergétique. Elle est d’autant plus attendue car, en suivant les exemples de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique australe qui se sont déjà dotés de mécanismes de régulation de l’énergie elle inscrirait la sous-région dans une dynamique qui est observée sur le plan continental et même mondial.

**********

1) Le traité de Libreville est le traité fondateur de la CEEAC. Il est signé le 18 octobre 1983, et consacre  la coopération entre les Etats de la sous-région dans plusieurs secteurs et notamment celui de l’énergie, dont il fixe les grandes lignes de la coopération. D’autres textes  vont compléter  l’architecture juridique de la coopération énergétique, notamment l’accord-cadre intergouvernemental et l’accord inter-sociétés, à la base de la création du PEAC.

 

2) Extrait de la note de présentation du projet de code du marché de l'électricité de l'Afrique centrale


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