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Afrique Centrale : faire de la coopération énergétique un levier du développement économique

Lorsque l’on aborde la question de l’énergie en Afrique centrale, le constat qui se dégage d’emblée est celui d’un paradoxe saisissant. Paradoxe d’une région au potentiel énergétique énorme, qui contraste avec un niveau de développement relativement bas du fait de la faible fourniture en énergie.

Et pourtant, considérée tantôt comme un « scandale géologique », l’Afrique centrale est l’un des poumons de la planète dont elle constitue l’une des principales provinces pétrolifères et aquifères. En effet, ses réserves pétrolières sont estimées à 31,3 milliards de barils. Sur les dix premières réserves pétrolières en Afrique, cinq d’entre elles sont en Afrique centrale (Gabon, Congo, Guinée équatoriale, Tchad, Angola). Ses ressources en eau sont d’environ 26.355m3/ an et par habitant, alors que la moyenne en Afrique est de 5.730m3 et la moyenne mondiale de 7.600m3 par an et par habitant. Son potentiel hydroélectrique est estimé à 653 361 GWh, soit 58% de celui du continent.

Pourtant, sa production d’électricité en 2009 selon la CEA/BSR-AC (commission économique pour l’Afrique, bureau sous régional pour l’Afrique centrale)  est comprise entre 3 et 4% dudit potentiel. La consommation énergétique par habitant et par mois est égale à 109 KWH contre 840KWH en Afrique du nord, 1600 KWH en Afrique australe. On observe un écart important entre l’offre d’énergie qui est de 10 537MW, et la demande prévisionnelle qui s’élève à 13 052 GWh. Avec une production électrique qui représente 2,6 % du total de l’Afrique, elle occupe le dernier rang. Les chiffres révèlent aussi 1.300.000 abonnés pour une population avoisinant les 130 millions d’habitants.

De tels chiffres sont aux antipodes des stratégies de développement, étant donné l’importance de l’énergie dans ce processus. En effet, l’énergie constitue un facteur de production et de rendement industriel qui, par ailleurs, favorise l’adoption de nouvelles technologies nécessaires à la diversification de l’économie. De même, sa disponibilité contribue à l’amélioration du climat des affaires de par ses effets bénéfiques sur, entre autres, l’administration publique et les systèmes de transport et de communication. La paix, la sécurité publique et le développement politique national en dépendent aussi dans une grande mesure, au regard de son impact direct sur l’éradication de la pauvreté par la création de nouvelles activités économiques, la réduction de la faim et de la malnutrition grâce à la conservation des aliments, à l’accroissement de la productivité au sein de la chaîne alimentaire et à la modernisation de l’agriculture. L’énergie électrique est aussi un facteur de progrès sanitaire dans la mesure où elle améliore l’hygiène alimentaire, et contribue au perfectionnement des opérations et des équipements médicaux.

Conscients de l’importance de l’énergie dans la perspective du développement, et résolument tournés vers l’émergence, les Etats de la sous-région ont pris des initiatives communes dont l’objectif est de faciliter l’accès à l’énergie aux populations. Amorcée dans les traités fondateurs CEMAC et CEEAC, la base conventionnelle de la coopération énergétique se poursuit dans d’autres instruments comme le Programme Economique et Régional (PER) de la CEMAC, l’accord-cadre intergouvernemental portant création du Pool Energétique de l’Afrique Centrale, le code du marché de l’électricité de l’Afrique centrale…

Concrètement, la mise sur pied du Pool Energétique de l’Afrique Centrale (PEAC) a favorisé l’élaboration des programmes intégrateurs prioritaires (PIP) et des Programmes Pilotes d’Electrification Transfrontalière (PPET), lesquels visent la construction d’interconnexions électriques, et celle du futur marché régional de l’électricité. Dans le même temps, la CEMAC a mis sur pied le projet d’électrification périurbaine intensive qui comprend deux volets : un pour les branchements et l’autre concernant les interconnexions. Seulement, une analyse de l’état de la coopération énergétique rend compte de la stagnation, d’une difficile mise en place dont les conséquences logiques sont le retard dans l’exécution des travaux et donc de l’inopérabilité de la coopération énergétique.

Aussi, dans le sillage de la réunion des ministres de l’énergie de l’Afrique centrale, tenue à Yaoundé le 17 octobre 2014 en vue de l’adoption du « livre blanc énergie » qui porte sur la politique régionale pour un accès universel aux services énergétiques modernes et le développement économique et social, peuvent émerger quelques axes de réflexion, des sortes de perspectives pour faire de la coopération énergétique un levier du développement économique dans la sous-région. Il s’agit entre autre :

 

Du soutien politique et financier des gouvernements 

Pour que les grands projets énergétiques soient réalisés avec succès, un fort soutien des gouvernements, dans les domaines politique et financier, est indispensable. En effet, plusieurs projets sont inscrits dans l’agenda de la coopération énergétique, mais ces derniers pour la plupart ne connaissent pas des avancées significatives. A ce sujet, aucun des 13 projets PPET n’a encore été livré, et il en est de même des PIP. Le fait est que pour des raisons de sécurité énergétique ou de préférence nationale, les gouvernements abandonnent les projets régionaux. Si plusieurs projets tardent à voir le jour, c’est parce qu’ils ne bénéficient pas du soutien politique et financier des différents Etats de la sous-région. Dans ce domaine, ces derniers devraient prendre exemple sur l’Afrique de l’Ouest. En effet, le  projet de WAGP (West African Gas Pipeline, devenue WAPCo West African Gas Pipeline Company) est un exemple d'interdépendance consentie, comme objectif politique. Dans ce cas, les gouvernements ont conforté leur engagement politique avec un soutien financier, car ils étaient, à l'époque, les seuls organes susceptibles de prendre la responsabilité d'un investissement de l'ampleur du WAGP, ou le risque politique et économique que cela représentait. Dix sept années ont été nécessaires au cycle de conception, de planification et de réalisation du projet WAGP, au cours desquelles il s'est avéré difficile de maintenir la convergence des intérêts des parties prenantes. Mais cela n’a pas été un obstacle insurmontable, et finalement le projet a vu le jour.

 

La mise sur pied d’une régulation sous régionale

Dans la perspective de la coopération régionale, il est impératif de mettre en place un organe de régulation sous régional. En effet, une régulation efficace, transparente et prévisible est la base pour diminuer les risques des investisseurs, garantir le respect des règles du marché et du libre échange d’électricité. La légitimité du régulateur est le nœud du problème et un régulateur sous régional aura plus d’étendue de pouvoir. À présent, le cadre réglementaire sous régional n’assure pas une régulation au niveau des pays de la CEMAC et de la CEEAC. Les régulateurs ou États, munis de compétences et statuts différents, ne sont pas capables de coopérer efficacement. Pour changer cet état de chose, nous proposons trois options :

       renforcer la coopération entre les régulateurs nationaux : le PEAC et l’AFREC doivent appuyer la création d’un mécanisme indépendant permettant aux régulateurs nationaux de coopérer et de prendre des décisions sur des échanges transfrontaliers ;

       mettre en place un réseau sous régional de régulateurs indépendants dans ce système, le rôle du groupe serait formalisé, et on confierait à cet organe la mission de structurer des décisions contraignantes pour les régulateurs et les acteurs du marché ;

       favoriser la création d’une autorité sous régionale de régulation: ce serait le moyen le plus simple pour atteindre un niveau de fonctionnement et une indépendance attendue de régulation.

Ce mécanisme permettrait à l’autorité de régulation sous régionale de prendre des décisions de nature obligatoire. Par exemple, elle disposerait d’un « pouvoir de réviser » les décisions prises par les GRT (Gestionnaires de Réseaux de Transport) individuellement, dès lors qu’elles concernent l’ensemble du marché de la CEMAC et de la CEEAC, comme dans le cas de la création de nouvelles capacités ou des interconnexions.

L’agence de régulation sous régionale apporterait un cadre pour la coopération entre les régulateurs pour s’assurer d’une bonne harmonisation des politiques. Toutefois, elle ne remplacerait pas totalement les États dans leurs prérogatives régaliennes. Elle doit permettre l’ouverture à la concurrence (la concurrence est censée introduire des prix issus du jeu entre l’offre et la demande qui reflètent la valeur réelle de l’énergie) et faire baisser les prix de l’énergie pour le consommateur final.

 

L’élaboration des stratégies de financement

Financer la coopération énergétique est l’une des principales difficultés à laquelle se heurtent les Etats de la sous-région. Pour y faire face, nous recommanderons la mise en place de partenariats public-privés.  Dans un contexte où la mobilisation des fonds publics se fait de plus en plus difficile à cause des problèmes que rencontrent les Etats et les compagnies d’électricité pour le financement des projets régionaux, l’une des solutions serait de mettre en place des partenariats public-privés qui serviront de moteur au développement de l’énergie en Afrique centrale. Le secteur privé pourra mobiliser les ressources pour le financement des projets sous réserve que le secteur public s’attèle à assainir le climat des affaires à travers la mise en place d’un environnement juridique et règlementaire fiable garantissant les investissements. Il est également important de mettre en pace des instruments de garantie du risque afin d’éliminer les obstacles aux investissements. A coté de ce partenariat la coopération pourrait avoir ses sources de financements propres.

La mise en place de la coopération peut créer en elle-même les conditions et stratégies de financement. Deux principales méthodes d’autofinancement nous paraissent indiquées. En effet, elle pourrait d’abord se faire au travers des redevances annuelles basées notamment sur les échanges transfrontaliers d’électricité, des sociétés d’électricité titulaires d’une licence, d’une convention ou d’une autorisation d’échanges transfrontaliers d’énergie électrique. ensuite, l’on pourrait instituer le versement des  frais d’instruction de dossiers, d’inspection et de contrôle, ainsi que les frais de procédure, versés par les opérateurs du secteur de l’électricité de l’Afrique centrale.

 

La fusion des programmes régionaux

L’intégration régionale en Afrique centrale est marquée par l’existence de plusieurs organisations (CEMAC, CEEAC, CEPGL), et donc de la duplication des programmes de développement. Le secteur de l’énergie n’échappe pas à cette réalité, d’où la nécessité d’opérer une harmonisation/rationalisation des différents programmes pour plus d’efficience et d’efficacité dans les actions menées. Dans cette optique, nous proposons la fusion des programmes régionaux comme solution dans le cadre de l’harmonisation des politiques énergétiques régionales. Elle consisterait à réunir les différents programmes énergétiques des communautés CEEAC et CEMAC. Il s’agira par exemple de réunir le programme pilote d’électrification transfrontalière (PPET) du PEAC et le projet électrification péri urbaine intensive de la CEMAC en un seul programme à deux volets. Le premier volet serait donc celui dévolu au PPET qui est de raccorder les réseaux transfrontaliers et le deuxième serait conforme à la mission de l’électrification péri urbaine intensive, qui est de faciliter l’accès à l’électricité aux populations défavorisées des métropoles urbaines des Etats membres de la CEMAC. La gestion de ce nouveau projet pourrait se faire par une commission spéciale dont les membres assurant la coordination seraient recrutés dans le personnel anciennement affecté aux différents projets. La fusion des programmes éviterait ainsi de gaspiller les efforts de coopération en se concentrant sur un seul objectif commun.

 

Encourager l’exploitation d’autres énergies renouvelables

Les énergies renouvelables, associées au potentiel actuel peuvent résorber les déficits et donc faciliter l’accès à l’énergie. C’est pourquoi il est nécessaire d’encourager leur exploitation. Pour ce faire l’on pourrait intégrer les nouvelles technologies dans les politiques de développement de l’énergie et encourager le transfert et la diffusion des technologies en provenance d’autres régions du monde. Cela pourrait consister concrètement en l’adoption d’une politique qui favoriserait la réduction des obstacles aux importations, par exemple en abaissant les droits de douane élevés qui frappent les produits utilisés dans la production d’énergie renouvelable comme les panneaux solaires et les panneaux photovoltaïques. Cela pourrait permettre une importation accrue de ces produits que l’on mettrait dès lors à contribution pour la production de l’énergie, par exemple dans les régions à forte insolation ou dans les zones rurales.

 

La nécessaire réhabilitation des infrastructures existantes

Il existe un problème du mauvais état technique empêchant une utilisation complète ou fiable  des infrastructures existantes. Les infrastructures  régionales existantes sont gravement affectées par ce problème. Dans le secteur du transport, la ligne reliant Inga au Katanga, à la Zambie et à l'Afrique du Sud a une capacité gravement limitée par sa mauvaise maintenance (alors que, à sa conception, la ligne avait une capacité de 576 MW, elle n'est actuellement que d'environ 150 MW). Dans le sous-secteur de la production, plusieurs centrales électriques régionales fonctionnent à un niveau inférieur à leur capacité initiale. Par exemple, les unités 1 et 2 d'Inga, qui avaient une capacité initiale de 1770 MW, ne produisent que 770 MW. Il apparait nécessaire d’effectuer des travaux de réhabilitation pour que les différentes infrastructures puissent fonctionner au maximum de leurs capacités et offrir des rendements efficients.

Voilà quelques solutions qui, loin d’être une panacée aux différents problèmes auxquels est confrontée la coopération énergétique, constituent des propositions qui peuvent contribuer à faire de cette coopération, le « fer de lance » du développement économique en Afrique centrale.

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