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Le ministre ivoirien du Commerce conteste l’attribution du 2ème  terminal à conteneurs à Bolloré

  • Date de création: 06 juin 2013 13:15

(Agence Ecofin) - La fronde contre l’attribution du second terminal à conteneurs du port d’Abidjan au groupe français Bolloré continue de plus belle. Après l’armateur CMA CGM qui a contesté en justice  un processus entaché de «nombreuses irrégularités», la victoire de Bolloré fait des vagues au sein même du gouvernement ivoirien.

Dans un entretien publié le 5 juin par l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur, le ministre ivoirien du Commerce, Jean-Louis Billon, le ministre ivoirien du Commerce, a jugé «regrettable» l’attribution au groupe français de la gestion du deuxième terminal à conteneurs d’Abidjan. « L’idée de départ était d’ouvrir à la concurrence le port d’Abidjan et on finit avec un supermonopole multiplié par deux. Ce n’est pas une bonne chose pour notre économie. On aurait voulu brider l’économie ivoirienne, on ne s’y serait pas pris autrement. C’est une situation que je regrette profondément », a-t-il déclaré.

M. Billon estime que Bolloré Africa Logistics (associé à APM Terminals et Bouygues) n’aurait pas dû être déclaré vainqueur de l’appel d’offres même si son offre financière a été la meilleure. « L’offre financière est une chose, le développement de notre économie en est une autre. La compétition est vertueuse. On voit déjà les conséquences du monopole de Bolloré sur le premier terminal: la manutention portuaire y est parmi les plus chères de la sous-région, de 20 à 30% en plus selon certaines estimations. Ce manque de compétitivité engendre des coûts qui se répercutent directement sur le consommateur ivoirien », martèle-t-il. Et de renchérir : « Grâce à ce monopole, Bolloré se permet aussi des pratiques anticoncurrentielles, comme les ventes liées : l’armateur CMA-CGM, par exemple, n’a pas d’autre choix que de sous-traiter à Bolloré la manutention de ses navires. Je me demande pourquoi, chaque fois qu’on arrive sous les tropiques, on se permet ce qu’on ne ferait jamais chez soi ?»

Plus virulent encore, le ministre ivoirien du Commerce a précisé que « Bolloré n’aurait même pas dû être admis dans la compétition car l’appel d’offres prévoyait très clairement une mise en concurrence entre les deux terminaux ».

Il a aussi noté que Bolloré doit s’estimer heureux pour avoir pu conserver  le premier terminal du port d’Abidjan dont le processus d’attribution avait suscité une volée de bois vert en 2004. « Bolloré est le seigneur des transports en Côte d’Ivoire (…). C’est déjà bien que Bolloré ait pu conserver le premier terminal, obtenu dans des conditions obscures en 2004. On lui maintient son premier terminal, de grâce ne lui en donnons pas un second », a-t-il indiqué rappelant qu’il a fallu attendre décembre 2012 pour que le groupe français paie 20 milliards de francs CFA [30 millions d'euros - par avenant au contrat, NDLR] pour le premier terminal.

Jean-Louis Billon n’écarte pas,  par ailleurs, des possibilités de corruption dans l’attribution des deux terminaux à conteneurs à Bolloré.

 

« En 2004, quand je critiquais vivement le contrat sur le premier terminal, j’avais été approché par quelqu’un du groupe Bolloré. Cette personne m’avait fait des propositions pour que je révise ma position, mais je n’avais pas cédé. Je ne serais pas surpris si demain on me disait qu’il y a eu des problèmes de gouvernance dans l’attribution du deuxième terminal », a-t-il révélé.

La nouvelle position du ministre ivoirien du commerce pourrait-elle relever  d’un conflit d’intérêt d’autant plus qu’une entreprise ivoirienne dirigée par le frère de Jean-Louis Billon avait participé à l’appel d’offre relatif à l’attribution du deuxième termina là conteneurs d’Abdijan.  Cette entreprise  écartée de la course  et dont le ministre est l’un des actionnaires vient de déposer  une plainte devant la cour de justice de L'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine) pour dénoncer un abus de position dominante.

A ce sujet, M. Billon nie toute possibilité de conflit d’intérêt.  « Il y a plus de dix ans, je me suis opposé à la constitution d’un monopole, et la logique reste la même. On ne peut pas me reprocher aujourd’hui d’avoir la même position qu’à l’époque, quand il s’agit de consolider un monopole qui avait été illégalement constitué il y a dix ans. N’importe quelle entreprise concurrente serait la bienvenue pour l’économie ivoirienne : c’est la position monopolistique qui est néfaste à notre économie », a-t-il souligné.

Le ministre précise, d’autre part, que «l’administration  ivoirienne doit revoir sa position en cas d’objection des instances de l’UEMOA contre l’attribution du terminal à Bolloré». Il semble aussi compter sur une intervention  du président ivoirien Alassane Ouattara. « Si le président Ouattara se rend compte que l’éthique n’a pas été respectée par ses ministres, je suis sûr qu’il prendra une décision dans l’intérêt de l’économie ivoirienne et non pas dans l’intérêt d’un opérateur fautif, quand bien même il serait un ami. Il tranchera », a-t-il fait savoir.

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