(Agence Ecofin) - Sur ces 6 dernières décennies, nombre de matières premières agricoles ont vu la mise sur pied de groupements entre producteurs et/ou avec les pays consommateurs afin de mieux contrôler les prix internationaux. Si ces organisations partaient d’un principe vertueux, la majorité d’entre elles ont fait long feu. Explications.
Un instrument idéal sur le papier
Généralement, l’idée qui sous-tend la création de cartels répond à une logique simple (du moins en théorie) : l’union fait la force. Ici, ce n’est pas tant la multitude d’acteurs qui donne le pouvoir que le poids que possède chacun.
Salle des marchés du Chicago Mercantile Exchange.
En d’autres termes, ceux qui se mettent ensemble sont des pays qui occupent à un moment donné une place stratégique soit dans la production ou dans l’exportation et peuvent s’ils combinent leurs forces, peser sur le marché mondial du produit.
Ceux qui se mettent ensemble sont des pays qui occupent à un moment donné une place stratégique soit dans la production ou dans l’exportation et peuvent s’ils combinent leurs forces, peser sur le marché mondial du produit.
Dans la plupart des cas, l’objectif premier est de parvenir à une certaine stabilisation des prix à des niveaux acceptables en limitant les fluctuations. Pour le secteur agricole, cet aspect d’autant plus problématique qu’une forte baisse des prix pénalise les revenus des producteurs qui forment souvent la majorité de la population rurale dans les pays en développement.
En ce qui concerne les consommateurs, les prix trop haut entraînent un renchérissement des coûts d’accès aux denrées de base pour les individus. De leur côté, les entreprises industrielles peuvent répercuter la hausse des cours sur les prix de vente de leurs produits, selon que la matière première représente une fraction plus ou moins grande du bien final, ce qui est fonction de son niveau de transformation.
C’est dans cette optique qu’à partir des années 60, différents produits agricoles, de l’huile d’olive au sucre en passant par le blé, ont vu la mise en œuvre de différents accords. La plupart étaient négociées entre un cartel de producteurs et les consommateurs, avec différents mécanismes de régulation des prix. Cela se traduisait soit par une réduction ou une augmentation d’offre sur le marché international, soit par la mise sur pied de stock régulateur afin de maintenir les prix dans un intervalle donné. Mais si ces instruments semblaient robustes, c’était sans compter sur la complexité du marché mondial…
Un véritable casse-tête
Pour qui s’intéresse à l’histoire des regroupements dans le secteur agricole, l’exemple du café mérite d’être souligné. La denrée, 2e matière première échangée dans le monde derrière le pétrole, a été en effet l’un des tout premiers produits agricoles à avoir un instrument international de gestion au 20e siècle. En 1962, la plupart des pays producteurs et des consommateurs signaient l’Accord international sur le café pour stabiliser les prix à travers les quotas d’exportation sur le principe suivant : lorsque le prix indicatif du marché dépassait le prix défini dans une fourchette, les quotas étaient relâchés et lorsque ce prix était inférieur en raison d’une offre abondante, les quotas étaient renforcés.
Tout était bien parti alors pour cette alliance.
L’Organisation internationale du café (OIC) sera créée à Londres un an plus tôt pour de gérer cet accord. À l’époque, les conditions étaient optimales. Le café était produit par un petit nombre de nations avec le Brésil et la Colombie en tête du peloton, ce qui rendait facile la coopération. Par ailleurs, l’arabica dominait largement la production et était peu substituable. Tout était bien parti alors pour cette alliance. Et pendant les années qui ont suivi le système a même relativement bien marché en dépit des fluctuations dans la production. Ainsi, l’accord a été renouvelé en 1968, en 1976 puis en 1983, mais cela s’arrêtera là…
Alors que les pays producteurs étaient concentrés sur le maintien des prix dans une fourchette de prix acceptable, ils n’ont pas pris la mesure de l’émergence de nombreux autres producteurs.
Alors que les pays producteurs étaient concentrés sur le maintien des prix dans une fourchette de prix acceptable, ils n’ont pas pris la mesure de l’émergence de nombreux autres producteurs.
L’onde de choc viendra notamment des pays essentiellement sud-asiatique comme le Vietnam et l’Indonésie qui sur les 20 dernières années avait commencé par développer leur production, ce qui poussait l’offre à des niveaux élevés.
Le cartel n’a pas vu venir l’émergence du café asiatique.
D’un autre côté, la stagnation voire la réduction du pouvoir d'achat des consommateurs a entraîné une diminution de la demande et une accumulation des stocks et les prix ont entamé leur chute. En outre, les pressions américaines pour libéraliser le système ainsi que les mésententes croissantes entre le Brésil et les autres pays d’Amérique centrale ont conduit à une impasse. Le système de quotas volera ainsi en éclat et l’accord du café ne sera pas renouvelé en 1989 laissant les marchés guidés par la seule loi de l'offre et de la demande. Derrière les conséquences ont été immédiates. Cette même année, les cours ont chuté de moitié. Le marché du café s’effondrera dans les années ayant suivi la débâcle. En août 1993, le café se négociait à New York 45 cents la livre contre 204 cents à son pic de 1986. Pour redresser la barre, les pays producteurs reprendront les chemins des négociations afin de s’étendre sur un moyen de ramener les prix sur les rails.
En août 1993, le café se négociait à New York 45 cents la livre contre 204 cents à son pic de 1986. Pour redresser la barre, les pays producteurs reprendront les chemins des négociations.
Le Brésil et la Colombie s’entendent en avril 1983 et entraîneront bientôt les pays producteurs d’Amérique centrale. 4 mois plus tard, c’était aux pays africains producteurs de se rallier ce plan de politique commerciale commune proposé. Avec 85 % de l’offre mondiale, ces pays réussiront finalement signé un accord en 1994 et à ramener les cours du café à un niveau acceptable. Plus tard, l’accord sera reconduit en 2001 puis en 2007 avec les pays consommateurs qui se joignent à la danse.
Aujourd’hui, l’OIC n’a plus grand-chose à avoir avec celle de 1962. Elle rassemble désormais des pays exportateurs et des pays importateurs qui représentent 98% de la production et plus de 67% de la consommation mondiale de café. Cependant, elle a plus qu’une valeur symbolique. Contrairement à l’accord en vigueur jusqu’en 1989, les accords de 2001 et de 2007 ne donnent aucun pouvoir de régulation de la production basée sur des quotas. Elle se charge désormais de promouvoir notamment le développement du marché du café, la collecte d’informations statistiques, le financement de projets spécifiques pour l’assistance technique. Tout ceci dans « le cadre d’une économie de marché pour le bien-être de tous les participants au secteur ». Mais cela ne suffit pas. L’instabilité de prix reste encore problématique. Avec la libéralisation des marchés et la détention des stocks par les acteurs privés, les revenus des producteurs sont d’autant plus fragilisés. Certains pays producteurs lui ont reproché sur ces dernières années de ne pas défendre leurs intérêts. En juillet dernier, le Guatemala, 6e producteur mondial d’arabica a annoncé qu’il se retirerait de l’institution.
Espoir Olodo
Casablanca, Maroc : « Quelle assurance dans un monde d’incertitudes ? »