(Agence Ecofin) - Avec l’apparition du coronavirus et son impact négatif sur la demande mondiale, les producteurs américains de pétrole ont subi une crise inédite qui a provoqué une grande vague de faillites. Et pourtant, malgré l’opposition de la nouvelle administration américaine à l’exploitation de ce combustible, on pourrait assister à un nouveau boom du schiste. Voici pourquoi.
Les besoins de la relance économique
La semaine dernière, les autorités américaines ont demandé à l’organisation des pays exportateurs de pétrole et à ses alliés d’augmenter leur plateau de production, afin de réduire les prix de l’essence à la pompe pour les automobilistes. Aux Etats-Unis, on considère que l’accès limité à l’essence est une menace à la reprise économique complète. « La hausse des prix de l'essence, si elle n'est pas maîtrisée, risque de nuire à la reprise mondiale en cours », a déclaré le conseiller américain à la Sécurité nationale, Jake Sullivan.
Jake Sullivan : « La hausse des prix de l'essence risque de nuire à la reprise mondiale en cours.»
Mais Washington qui redoute également un retour de l'inflation si la question de l’accès à l’essence n’est pas maitrisée, pourra toujours regarder dans son propre jardin pour gonfler l’offre. Même si cela va à contrepied de l’un des arguments phares de la campagne de Joe Biden, de plus en plus d’analystes pensent que les USA vont devoir donner une nouvelle chance au schiste.
Mais Washington redoute également un retour de l'inflation si la question de l’accès à l’essence n’est pas maitrisée.
Dans son dernier rapport, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) déclare : « Nous pourrions commencer à assister à un retour en force du schiste américain, l'offre des producteurs hors OPEP devant augmenter de 1,7 mb/j en 2022, et les États-Unis représentant 60 % de cette croissance ». Il faut savoir que malgré l’apparition du variant Delta du coronavirus et de son impact sur les cours, l’huile américaine profite déjà d’une stabilité autour de 60 dollars. La production des Etats-Unis a légèrement augmenté et est désormais supérieure de 300 000 barils par jour à celle du début de l'année.
Or, un baril de pétrole à 60 dollars fait largement les affaires de l’industrie du schiste. En amont, Baker Hughes signale que 10 nouvelles plateformes de forages se sont ajoutées dans les périmètres d’exploration au cours du mois dernier, portant à 397 le nombre d’appareils opérationnels dans ce domaine. C’est un indicateur clé de la bonne santé de l’exploration et de la production.
Baker Hughes signale que 10 nouvelles plateformes de forages se sont ajoutées dans les périmètres d’exploration au cours du mois dernier, portant à 397 le nombre d’appareils opérationnels dans ce domaine.
Le cabinet norvégien Rystad Energy a élaboré un scénario selon lequel la demande restera dynamique au cours des prochains mois, avec le WTI (West Texas Intermediate) s’échangeant contre 60 dollars le baril en moyenne. Dans ce contexte, l’analyste table sur des recettes record de 195 milliards de dollars en fin d’année. Le précédent record pour le WTI était de 191 milliards de dollars en 2019. Le secteur avait bénéficié un an plus tôt d’un appui conséquent de l’administration Trump.
Une fin de la vague de faillites chez les producteurs de schiste ?
Entre le début de la pandémie du coronavirus et le début de cette année, les dépôts de bilan chez les producteurs de schiste, surtout les plus petits, ont enregistré un niveau record. L’un des faits marquants de cette vague est l’écroulement de Chesapeake, pionnier de la fracturation hydraulique et deuxième producteur de gazdu pays. Aussi au 1er trimestre 2021, huit producteurs dont la dette totale s'élevait à 1,8 milliard de dollars ont demandé la protection de la loi sur les faillites.
Chesapeake Energy, a pioneer of U.S. fracking that filed for bankruptcy during the pandemic last year, is once again betting big on natural gas @DougCarel https://t.co/VbfeQRlnIP via @WSJ
— Ken Ragsdale (@ken_ragsdale) August 16, 2021
Cette dette de 1,8 milliard USD représente néanmoins le montant le plus bas depuis les six premiers mois de 2015, où elle s'élevait alors à 3,6 milliards de dollars. Et il semble que la vague massive de faillites se soit calmée. En effet, le cabinet d'avocats spécialisé dans l'énergie Haynes and Boone a publié un document dans lequel il précise que seules 4 sociétés sont tombées en faillite au cours du deuxième trimestre, ce qui porte à 12 le nombre de faillites pour le premier semestre 2021, soit le chiffre le plus bas en six ans.
Le cabinet ajoute : « plus important encore, aucun producteur n'a fait faillite pour un milliard de dollars au cours du trimestre, ce qui est une première en 12 trimestres consécutifs ».
Le cabinet ajoute : « plus important encore, aucun producteur n'a fait faillite pour un milliard de dollars au cours du trimestre, ce qui est une première en 12 trimestres consécutifs ».
Une fois que les sociétés de schiste auront atteint le bout du tunnel, de nouveaux acteurs pourraient faire leur entrée sur le marché, afin d’essayer de profiter eux aussi des cours. Pour l’administration Biden, le plus important sera de contrôler la nouvelle révolution du schiste pour ne pas excéder les limites nécessaires à la stabilisation de l’offre mondiale et à la reprise économique. Car si le boom atteint les niveaux de 2018 et 2019, cela décrédibiliserait la nouvelle orientation de la politique énergétique américaine, qui prévoit un recours moins important aux énergies fossiles.
Olivier de Souza