(Agence Ecofin) - Le 26 janvier 2021 à la bourse de Londres, le nickel s’est négocié à plus de 18 000 $ la tonne sur le London Metal Exchange, soit une hausse de plus de 50 % par rapport aux prix enregistrés en mars 2020, qui confirme les prévisions de plusieurs observateurs. Entre le boom de la demande et la baisse de l’offre, la tendance devrait se poursuivre et profiter aux compagnies minières actives dans le secteur. Si les projets ne fleurissent pas sur le continent comme pour d’autres matières premières comme l’or ou le lithium, deux pays demeurent néanmoins des valeurs sûres pour ce métal en Afrique: Madagascar et l’Afrique du Sud. Alors que l’importance du métal ne fera que croitre durant cette décennie, ils gagneraient à investir davantage dans le secteur.
Un risque de déficit guette le marché de nickel
L’augmentation des prix du nickel depuis plusieurs mois est liée à la baisse de la production mondiale à un moment où la demande pour le métal suit une trajectoire différente. Les acteurs s’inquiètent de plus en plus quant aux risques de pénurie. En 2020, plusieurs cabinets au courant des péripéties du marché, s’attendent à ce que la production baisse pour se situer entre 2,1 millions et 2,2 millions de tonnes. Plus précisément, GlobalData prévoit une baisse de 7,4 % en glissement annuel à 2 195 000 t, évoquant comme raisons, l’interdiction d’exportation de minerai brut, décidée en début d’année 2020 par l’Indonésie, premier producteur mondial, ainsi que la pandémie de la Covid-19. Cette dernière a entrainé la suspension de plusieurs opérations minières aux Philippines, le principal rival de l’Indonésie sur le marché, qui s’attend aussi à une chute de sa production.
La mine d’Ambatovy à Madagascar.
Si pour le moment la baisse de la production n’inquiète pas encore outre mesure, les analystes s’accordent sur le fait que la demande à court terme de nickel continuera d’augmenter et entrainera dans quelques années un risque de pénurie.
Si pour le moment la baisse de la production n’inquiète pas encore outre mesure, les analystes s’accordent sur le fait que la demande à court terme de nickel continuera d’augmenter et entrainera dans quelques années un risque de pénurie.
« La pandémie a manifestement eu un impact négatif sur les fondamentaux de l’offre et de la demande de nickel, le marché passant d’un déficit à un excédent, et ces conditions pourraient durer quelques années […]. Le marché devrait ensuite retrouver son équilibre d’ici 2024, et passera à un déficit d’ici 2025 », explique Jim Lennon, un expert du cabinet Macquarie Group.
En effet, pendant que l’offre de nickel est en baisse, la demande suit le chemin inverse. Elle est portée par la reprise de l’économie mondiale notamment en Chine et les perspectives pour le secteur des véhicules électriques. L’empire du Milieu qui s’est bien remis de la pandémie de Covid-19 consomme de grandes quantités d’acier inoxydable, qui compte pour plus du tiers de la demande mondiale de nickel.
Afrique du Sud : Nkomati, copropriété du Russe Nornickel et d’African Rainbow Minerals.
De même, selon une étude relayée par le Nickel Institute, les batteries lithium seront composées à 58 % de nickel d’ici 2025, augmentant donc la demande pour le métal argenté. Cette tendance serait liée, apprend-on, à une efficacité plus grande pour la conservation de l’énergie électrique constatée au niveau des batteries utilisant le nickel. Par ailleurs, les quantités mêmes de batteries produites devraient augmenter pour combler la hausse de la production et des ventes de véhicules électriques. A titre d’illustration, pour Tesla qui vise un objectif annuel de 20 millions de voitures électriques au cours de la décennie, il faudra environ 750 000 tonnes de nickel.
Bonnes nouvelles pour l’Afrique du Sud et Madagascar
L’Afrique est très loin d’être un grand acteur du marché mondial du nickel, contrairement à son statut sur les autres marchés de minéraux stratégiques ou critiques. Selon des données publiées en octobre 2020 par la Banque mondiale, la production africaine de nickel est principalement dominée par l’Afrique du Sud et Madagascar, respectivement 10ème et 13ème producteurs mondiaux.
En 2019, la nation arc-en-ciel a produit 43 000 tonnes de nickel contre 34 000 tonnes pour Madagascar, ce qui fait un total de moins de 80 000 tonnes pour les deux pays.
En 2019, la nation arc-en-ciel a produit 43 000 tonnes de nickel contre 34 000 tonnes pour Madagascar, ce qui fait un total de moins de 80 000 tonnes pour les deux pays.
Les prévisions pour 2020 ne sont pas plus reluisantes avec les difficultés du secteur minier sud-africain liées au coronavirus et celles rencontrées par le Japonais Sumitomo Corp à sa mine d’Ambatovy (Madagascar).
Madagascar disposant de 1,6 million de tonnes de réserves de nickel, Ambatovy peut faire beaucoup mieux.
Les niveaux de production des deux pays continueront ainsi de rester loin de ceux des grands ou futurs grands producteurs. L’Indonésie par exemple produit dans le même temps plus de 680 000 tonnes de nickel, les Philippines un peu moins de 300 000 tonnes alors que des pays comme l’Australie et le Canada livrent plus de 150 000 tonnes.
Pourtant, si les prévisions pour le marché de nickel se réalisent et les prix du métal se maintiennent à leurs niveaux actuels, les deux plus grands producteurs africains continueront de tirer de grands revenus de ce secteur.
Par exemple, au prix de 18 000 $ la tonne, la production sud-africaine de nickel en 2019 vaudrait sur le marché 774 millions $ alors que celle de Madagascar serait vendue à 612 millions $. Mieux, avec le déficit annoncé pour 2025, ces deux pays et les compagnies avec lesquelles ils entretiennent des partenariats devraient tirer encore plus de revenus de leurs mines.
L’Afrique peut mieux se positionner sur le marché
S’ils veulent tirer parti de la tendance du marché du nickel, l’Afrique du Sud et Madagascar doivent augmenter leurs niveaux de production.
Dans la nation arc-en-ciel, plusieurs mines sont actives comme Nkomati, copropriété du Russe Nornickel et d’African Rainbow Minerals. Une des plus grandes mines de nickel du pays, Nkomati peut entrer dans une nouvelle ère de production avec les bonnes perspectives à court terme. Dans le même temps, le pays peut compter sur une nouvelle source de production de nickel dès 2025 avec le démarrage de l’exploitation par Ivanhoe Mines de la mine Platreef.
Cette dernière peut, d’après les prévisions de la compagnie, produire annuellement 22 millions de livres de nickel sur 30 ans. La nation arc-en-ciel peut aussi accroître ses volumes en attirant des investisseurs afin de mieux exploiter ses réserves de nickel évaluées en 2018 à 3,7 millions de tonnes par l’USGS.
Pour Madagascar, l’équation est la même. La Grande île héberge selon les données disponibles 1,6 million de tonnes de réserves de nickel et 2,2 millions de tonnes de ressources. Cependant, la donne sera compliquée avec les réformes récemment mises en œuvre pour tirer plus de revenus du secteur minier. Certains observateurs considèrent qu’elles sont un frein à l’arrivée de nouvelles compagnies.
A plus petite échelle, d’autres producteurs africains auront leur mot à dire, d’autant plus qu’en cas de déficit, et quand les risques de pénurie sont sérieux, toutes les sources d’approvisionnement seront essentielles. Ainsi, avec de nouveaux projets, des pays comme le Zimbabwe, la Tanzanie, la RDC ou encore la Zambie pourraient aussi jouer un rôle dans la production de ce métal d’avenir.
Emiliano Tossou & Louis-Nino Kansoun
Sofitel Manhattan, NY, USA