Chris Folayan, CEO de Mall4Africa: «Notre concurrence, les voyageurs qui achètent leurs effets et les rapportent»

(Ecofin Hebdo) - Il est des destins qui se jouent dans les aéroports. C’est un vol manqué qui permettra à Chris Folayan de lancer Mall4Africa et de voir sa compagnie prendre son envol. Celui qui est désormais l’un des grands noms du e-commerce en Afrique revient pour l’Agence Ecofin sur la genèse de ce projet, les obstacles qu’il doit surmonter au quotidien et la recette du succès dans un secteur d’avenir.

 

Agence Ecofin : Comment définiriez-vous Mall4Africa?

Chris Folayan : Nous aidons les revendeurs américains et britanniques à vendre leur produits en Afrique et sur les marchés émergents. Mall for Africa (M4A) est une application qui connecte des clients potentiels en Afrique directement à ces revendeurs. Ces clients africains peuvent donc acheter ce que vendent ces distributeurs depuis leur pays. Et on s’adapte au mode de paiement de ces clients. Par exemple, si vous êtes au Kenya, vous pouvez utiliser M-Pesa pour acheter ce que vous voulez dans une boutique américaine, sans problème. Si vous êtes au Nigeria et que vous désirez payer directement en nairas, vous pouvez vous rendre à la banque et effectuer un dépôt pour créditer votre  compte M4A que vous pourrez par la suite utiliser pour effectuer vos achats. Le plus cool c’est que vous n’avez même pas besoin de disposer d’un compte bancaire puisqu’il vous suffira juste d’effectuer un dépôt pour pouvoir faire vos achats. Même des personnes ne disposant pas de cartes de crédit et celles dont les cartes de crédit ne sont pas acceptées à l’extérieur peuvent utiliser ce service parce que nous acceptons les liquidités, les paiements mobiles et les cartes de crédit locales et internationales.

 

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AE : D’où est parti l’idée de créer cette entreprise?

CF : J’habite à San Francisco et à chaque fois que je rentre dans mon pays d’origine, le Nigeria, les gens me demandent de leur ramener des choses. C’est souvent quelqu’un qui t’appelle et te dis «Je veux ce produit. Achète-le et rapporte le moi, je te paierai à ton arrivée». Et moi je leur rends tout le temps ce service, jusqu’à ce qu’un jour, je me retrouve à l’aéroport avec dix valises. On  me dit, «vous ne pouvez pas embarquer avec dix valises». J’étais disposé à payer pour les excédents de bagages mais ils m’ont dit non. Donc je rate ce vol, je rentre chez moi et je réalise que, si à chaque voyage vers le Nigeria, j’embarque plus de valise, c’est qu’il y a un vrai besoin. Désormais tout le monde peut avoir accès au web. Les gens savent ce qu’ils veulent, puisqu’ils me passent des liens et te donnent toutes les précisions de prix et autres spécifications possibles. Ils peuvent donc voir ce qu’ils désirent, mais les boutiques qui vendent ces produits ne sont pas disposées à les livrer ou à prendre les cartes de crédit utilisées en Afrique. Et puis il y a aussi beaucoup de personnes sur le continent qui ne disposent pas de cartes de crédit, et n’ont parfois même pas de compte en banque. Mais elles ont internet sur leur téléphone. Alors j’ai décidé que créer une entreprise qui répondait à ce besoin.

 

AE : Mais les coûts liés au transport de ces marchandises d’un continent à l’autre ne constituent-ils pas un facteur handicapant?

CF : Nous sommes dans ce business depuis plusieurs années maintenant et nous avons réussi à faire baisser ce coût. Au début c’était sans aucun doute difficile, mais maintenant, nous avons un espace de chargement que nous réservons sur des vols. C’est désormais possible parce que le volume de marchandise que nous expédions se mesure désormais en tonnes et pas en kilogrammes. Et ces quantités permettent des économies d’échelle et donc nos tarifs sont plus bas que ce à quoi les gens s’attendent. Nous avons de bons rapports avec des compagnies comme DHL avec qui nous travaillons et avec qui nous avons une alliance. Nous sommes une plateforme dont ils désirent accompagner la croissance parce que plus on grandit, plus nous expédions des marchandises par DHL et plus leur notoriété augmente. Donc, ils sont contents et ça renforce notre collaboration. Mais nous avons également ce type de collaboration avec d’autres compagnies.

 

AE : Vous évoquiez tantôt la réticence de ces distributeurs occidentaux à commercer avec l’Afrique. Peut-on aujourd’hui dire qu’ils considèrent le continent comme un marché porteur?

CF : Oui, ils voient désormais en l’Afrique un marché potentiel. Mais c’est également notre rôle de faire que cette transformation dans leur vision se produise. Au début, ils ne voyaient peut-être pas le potentiel du continent, mais quand, par exemple, nous avons commencé à leur montrer les chiffres et les volumes que nous faisions, ils ont commencé à se dire, attention, il y à là un potentiel. Mais encore une fois, ce changement est lié aux chiffres que nous présentons et donc, aux performances. Désormais, ils considèrent le continent comme un marché, mais un marché sur lequel ils désirent collaborer avec nous car ils savent que nous avons mis en place un dispositif qui permet d’éviter la plupart des obstacles auxquels se heurtent les compagnies qui se lancent à l’assaut de l’Afrique, notamment la prévention des fraudes. Sur ce dernier point par exemple, ils se fient à nous car nous prenons tout le risque sur nous. Le client nous paie d’abord et à notre tour nous les payons. Dans le cadre d’une transaction sur eBay par exemple, nous sommes l’interlocuteur direct de cette firme. eBay ne voit pas le client final. Pour eux, le client final c’est nous. Notre client africain nous paie d’abord et ensuite nous payons Ebay. Et ce dernier nous fait confiance parce que nous pouvons leur garantir qu’il n’y aura pas de faude. Je peux même leur dire: «Je vous permets de commercer au Nigéria, le pays qui effraie tout le monde.» Et je peux vous donner l’assurance que vous ne vous ferez pas arnaquer. 

 

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AE : Qu’est-ce qui rend ces compagnies si réticentes à commercer avec l’Afrique?

CF : C’est qu’ils sont juste effrayés par la fraude. Ils se posent des questions comme: comment puis-je être sûre du client? Et nous apportons la réponse à cette question. Nous avons mis en place nos propres mécanismes pour y arriver. Ils collaborent avec nous parce que c’est très difficile pour eux de s’implanter sur des marchés qui fonctionnent encore avec du liquide et qui n’est pas très bancarisé. L’autre chose que nous fournissons aux commerçants américains et britanniques, c’est le service après vente. Nous prenons en compte le service client, l’acheminement des produits, le dédouanement, tout cela.

 

AE : Quels sont aujourd’hui vos chiffres et comment envisagez-vous votre expansion?

CF : Nous avons actuellement plus de 100 employés sur l’ensemble du continent. Aux USA et au Royaume Uni, nous avons environ 25 employés. Nous ne communiquons pas nos chiffres, mais nous réalisons des millions de dollars et transportons des tonnes de marchandises. Nous envisageons de nous étendre au reste des pays africains, mais actuellement, nous sommes au Nigeria, au Ghana, au Kenya et au Rwanda. Nous allons nous étendre au Botswana et en République démocratique du Congo. Après, les premiers pays francophones que vous voulons atteindre sont le Sénégal et la Côte d’Ivoire, mais l’ambition globale est de desservir l’ensemble du continent.

 

AE : Comment envisagez-vous les perspectives liés à votre activité?

CF : Il y a beaucoup d’opportunités de croissance. Il y a encore beaucoup de personnes qui ont peur des achats en ligne. Les gens en Afrique échangent beaucoup, mais c’est comme partout ailleurs, ils n’aiment pas prendre de risques. Ils veulent que quelqu’un essaie d’abord une innovation puis leur fasse un retour d’expérience. C’est du genre : « Tu y vas en premier et tu achètes. Ensuite dis-moi si tu y es parvenu et comment c’était.». Toutes les personnes qui osent en premier se rendent sur notre site et achètent des produit pour eux et leurs familles, ensuite les autres ont recours à nos service. Alors nous continuons à travailler pour obtenir ces premiers clients, et c’est dur de les obtenir.

 

AE : Quid de vos concurrents?

CF : Personne ne fait réellement ce que nous faisons. La seule concurrence actuelle est constituée par les voyageurs qui achètent leurs effets et les rapportent. Nous ne considérons pas Jumia ou Konga comme des concurrents parce qu’ils sont sur un marché complètement différent.

 

Propos recueillis par Aaron Akinocho.

 

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