(Agence Ecofin) - Pour le secrétaire exécutif du Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC) du Cameroun, la réglementation de l'UE sur les teneurs maximales en Hydrocarbures aromatiques polycycliques va renforcer la qualité du cacao camerounais.
Quelle comparaison faites-vous entre le cacao camerounais et le cacao ivoirien en termes de qualité?
Omer Gatien Maledy : Il est reconnu que le Cameroun possède un cacao unique au monde, en raison de sa couleur rouge et de la richesse de ses fèves en beurre. Je cite Barry Callebaut : « Le chocolat au lait produit à partir du cacao aux fèves rouges du Cameroun, couplé à une technique supplémentaire de séchage a un goût unique. C’est le fruit de la fertilité de ses terres, mais aussi le goût unique d’une terre volcanique ». C’est ce qui explique la grande qualité des produits dérivés du cacao camerounais. A ce titre, et sous réserve de qualité, il peut être classé comme cacao de niche. Autant d’avantages que nous devons capitaliser en appliquant toutes les bonnes pratiques à tous les niveaux de la chaine de valeur.
La réglementation de l'UE sur les teneurs maximales en hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les denrées alimentaires signé en août 2011 par José Manuel Baroso et qui entrera en vigueur en avril 2013 sera-t-il un frein à l'exportation du cacao Cameroun dans la zone de l'UE?
OGM : Cette réglementation à première vue, peut être perçue par certains comme un frein. En effet, l’itinéraire technique à suivre pour mettre en champ, fertiliser, produire, écabosser, fermenter, sécher et conditionner le cacao pourrait sembler ardu pour qu’en plus il faille limiter les teneurs maximales en pesticides et en hydrocarbures aromatiques polycycliques. Mais tout bien pesé, cette contrainte qui peut sembler un frein au départ, est bénéfique pour la filière en ce sens qu’elle renforce le niveau de qualité et de sécurité sanitaire du cacao camerounais et ce faisant, améliore l’image de l’Origine Cameroun, ce qui génère une plus-value pour le producteur et partant, pour l’ensemble de la filière.
Que pensez-vous de cette disposition de l'Union européenne ?
OGM : Ne perdons pas de vue que le cacao est un produit de consommation et dans un souci de protection de la santé publique pour les Européens comme pour nous-mêmes, les teneurs maximales sont nécessaires pour certains aliments, dont le cacao. Ces mesures s’appliquent également aux aliments pour lesquels les processus de fumaison ou de séchage peuvent être à l'origine de niveaux élevés de contamination et pour les aliments pour lesquels la pollution environnementale peut être à l'origine d'un niveau élevé de contamination, notamment le poisson et les produits de la pêche. Dans la mesure où la preuve est faite que certains hydrocarbures aromatiques polycycliques sont des cancérogènes génotoxiques et où le consommateur veut limiter la teneur de ces substances dans ses aliments, il nous appartient de prendre les mesures afin de nous conformer à la réglementation.
Comment le Cameroun se prépare-t-il à cette échéance (avril 2013)?
OGM : Le Cameroun n’attend pas la prise d’effet de ce contrôle le 01er avril prochain pour prendre les mesures qui s’imposent. Le Gouvernement camerounais est engagé dans la lutte contre l’insécurité alimentaire à travers plusieurs projets et programmes de développement rural parmi lesquels le Programme d’appui au programme spécial de sécurité alimentaire (PSSA). Pour ce qui est de l’Interprofession, trois programmes œuvrent activement pour négocier en douceur ce nouveau cap d’exigence en matière de qualité.
Il s’agit en premier lieu du Programme d’appui à l’organisation de la commercialisation qui vise entre autres objectifs, l’instauration des bonnes pratiques de commercialisation (ventes groupées, groupage des produits par grade et degré de séchage, interdiction de mélanges, …).
Le Programme de promotion des bonnes pratiques agricoles est également conduit par l’Interprofession, avec comme vitrine la plus visible, les campagnes de sensibilisation (TV, radio, affichage) sur les bonnes pratiques de séchage.
En outre, aux côtés du Programme de l’Interprofession, de nombreux opérateurs – des acheteurs notamment –, conduisent les organisations de producteurs à la certification, laquelle va bien au-delà des valeurs résiduelles des pesticides et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques pour embrasser des concepts aussi importants que l’équité, la traçabilité, la durabilité (économique, sociale et environnementale).
L'un des problèmes du Cameroun est le séchage des fèves, qu'est-ce qui est envisagé pour améliorer la qualité du séchage des fèves de cacao?
OGM : Un programme de rénovation et de construction de fours à cacaos est en cours, le spot télévisé sur les bonnes pratiques de séchage diffusé sur les antennes camerounaises ne vous a certainement pas échappé, des séminaires de formation et de remise à niveau des organisations de producteurs sont conduits par l’Interprofession sur le terrain.
Enfin, pour régler cette question de façon spécifique et définitive, l’Interprofession et le Gouvernement viennent de lancer trois actions d’envergure dans le cadre d’un plan d’urgence : la réhabilitation des fours de séchage dans les zones à forte pluviométrie, notamment la région du Sud-ouest ; la réhabilitation et la construction des aires de séchage au profit des organisations de producteurs dans des zones bien déterminées et enfin la distribution des bâches aux producteurs ne pouvant pas disposer d’une surface permanente pour le séchage du cacao.
En marge de ces mesures, quelles sont les dispositions prises par le Cameroun pour que son cacao soit de meilleure qualité sur le marché international?
OGM : En plus des aspects que nous venons d’analyser, l’Interprofession, conjointement avec le Programme EDES (ACP), est en train de mettre sur pied un guide d’autocontrôle dans les filières cacao et café du Cameroun. C’est un programme qui met les acteurs au cœur du processus de contrôle de la qualité de leurs produits, chacun dans le segment qui lui incombe. Ainsi, si chacun s’acquitte de ses responsabilités et que les intermédiaires véreux sont mis hors jeu, il est quasiment certain que le cacao mis en marché sera de meilleure qualité sur les plans local et international. Il convient aussi de relever que la mise en œuvre de l’autocontrôle prédispose les acteurs concernés à la certification.
Propos recueillis par Beaugas-Orain Djoyum
Les organismes en charge de la production du cacao au Cameroun
Au Cameroun, cinq organes nationaux participent à la production et la promotion du cacao. Il s’agit de la Sodecao, de l’Oncc, de l’Irad, du Fodecc et du Cicc. Brève présentation de ces différentes structures.
La Société de développement du cacao (SODECAO) créée en 1974 a pour mission principale de promouvoir la production du cacao et plus généralement le développement de la zone cacaoyère. Ceci à travers la mise en œuvre de la stratégie de redressement et de développement de l’économie cacaoyère nationale. Parmi ses missions, on peut citer la production et diffusion des plants de cacaoyers performants ou encore l’encadrement technique des producteurs, leur formation et leur structuration.
L’Office national du cacao et du café (ONCC) est l’organe administratif chargé du suivi de la qualité à l’export et de la représentation de l’Etat camerounais auprès d’organismes internationaux du cacao et du café.
Le Conseil interprofessionnel du cacao et café (CICC) quant à lui est l’organe paritaire regroupant les organisations professionnelles des filières Cacao/café. Il est constitué des représentants de tous les opérateurs du secteur privé à savoir : les producteurs, les acheteurs, les usiniers, les transformateurs locaux, les entreprises de contrôle qualité, les exportateurs. Le Conseil doit donner son avis ou présenter ses propositions sur toute question ou reforme du système de production et de commercialisation du café et du cacao. Il détermine les critères d'exercice dans les professions de la commercialisation du café et du cacao et fournit une caution morale du bon déroulement des opérations.
Le Fonds de développement du cacao et du café (FODECC) créé en mars 2006 a pour but d’accorder des soutiens financiers aux projets relatifs au cacao et au café.
La mission de l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) s’étend à tous les produits agricoles. Pour ce qui est du cacao, l’institut créé en 1996 effectue des recherches afin d’améliorer la qualité de la production via la fourniture des semences de qualité.
Toutes ces structures participent à la production et à la commercialisation d’un cacao de qualité au Cameroun.
B-O.D.
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.