(Agence Ecofin) - Le nouveau standard international de reporting financier applicable aux actifs risqués des banques (IFRS 9) sera effectif au Maroc dès janvier 2018, comme ce qui est prévu pour les banques européennes, apprend-on d'une interview accordée par Mohamed Benchaâboun, le président du groupe marocain Banque Centrale Populaire, au quotidien L'Economiste.
Le responsable répondait à la question de savoir ce sur quoi s'étaient accordées les trois grandes banques marocaines (Attijariwafa, BMCE Bank of Africa et Banque Centrale Populaire) avec les autorités monétaires du royaume, sur l'entrée en vigueur de cette norme. Une condition toutefois posée par ces banques a été que la nouvelle mesure ne soit pas introduite en même temps, que les modifications en cours d'examen, des règles de provisionnement des créances risquées, par la banque centrale marocaine.
« L'idée est de digérer d'abord toutes les modifications qui découlent de l'IFRS 9, avant d'implémenter les règles que Bank Al Maghrib souhaite mettre en place, avec la révision de la circulaire 19 G », a fait savoir M. Benchaâboun. La question n'est pas banale, car il s'agit au final de la manière dont ces différentes règles vont impacter la présentation des bénéfices nets de ces banques.
Deux mesures qui vont contraindre la rentabilité des banques marocaines
Actuellement, les provisions pour créances douteuses (qui réduisent la marge bénéficiaire des banques) sont admises lorsqu’il existe des éléments tangibles passés (comme des défauts de paiement) ou actuels (information substantielle sur le risque que la créance ne soit pas remboursée sur une période de 12 mois). Désormais, les risques futurs devront eux aussi faire l'objet de provision.
Les pertes de crédit éventuelles seront maintenant analysées et comptabilisées à chaque période d'arrêté des comptes, même si la créance ne souffre d'aucun impayé ou a seulement connu un ou deux impayés. Par contre, les informations prises en considération au moment de la détermination de la provision doivent être raisonnables, justifiables et quantifiables. Une disposition vague qui n'ira pas sans poser des difficultés aux banques.
Cette nouvelle norme intervient alors que le régulateur du secteur bancaire marocain a aussi son plan de lutte contre les créances douteuses. La norme 19 G souhaite introduire le concept de créances dites « sensibles ». Jusque là, Bank Al Maghrib classait les créances à provisionner en celles en souffrance (avec un défaut de moins de 90 jours) et celle devenues douteuses (non réglée au-delà de 90 jours).
Désormais, la banque centrale marocaine veut introduire ce qu'elle appelle les créances sensibles. Par exemple, toutes les créances qui ont été restructurées deux fois devront être classés dans cette catégorie. Pareil pour les créances qui ont fait l’objet d’une restructuration avec un différé d’au moins un an. Aussi, pour une entreprise qui enregistre un déficit sur trois exercices consécutifs, ses créances seront reclassées en zone « sensible ».
Il va sans dire que ces deux reformes concomitantes vont impacter réellement le poids des provisions dans les comptes de résultat des banques commerciales marocaines, notamment les trois grands groupe cotés sur le Casablanca Stock Exchange, et qui ont une forte présence dans des pays d'Afrique subsaharienne, dont certains présentent divers profils de risques.
Des conséquences probables sur l’expansion des banques marocaines en Afrique subsaharienne
Selon les données contenues dans le dernier rapport de statistique monétaire de la banque centrale marocaine, les provisions pour des créances à risques ont atteint la barre des 63 milliards de dirhams à la fin avril 2017. Un chiffre en augmentation de 4% par rapport au mois d'avril 2016. Les données suggèrent aussi, que cela fait maintenant trois ans que les créances en souffrance sont en augmentation continue.
Dans une note d'analyse récente, Fitch Ratings avait jeté le pavé dans la marre en indiquant que le niveau des créances bancaires necessitant une provision au Maroc était sous-estimé. « Nous estimons que les emprunts douteux représenteraient 12 à 14% des prêts sectoriels si nous devions inclure des déficiences sous-déclarées ainsi que des listes de surveillance, des prêts restructurés et saisis », avait fait remarquer l'agence de notation.
Reste à voir comment toutes ces modification dans la règlementation des provisions sur créances en difficultés, impacteront l'expansion des groupes bancaires marocains en Afrique. Même si elles opèrent dans des environnement très bien régulés notamment dans les zones CEMAC et UEMOA, le FMI, dans un rapport sur les grands groupes bancaires marocains, avait mis en avant les risques liés à leur déploiement en Afrique.
Idriss Linge à Casablanca
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