(Agence Ecofin) - L'attention des investisseurs ciblant le secteur financier de la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunisie, aura été marqué, ces dernières semaines, par la performance cumulée des banques cotées sur ce marché financier. Selon des données compilées par Ilboursa, elles ont dégagé un bénéfice net global de 588,4 millions de dinars (environ 206 millions de dollars) au cours du premier semestre 2018.
Il n'est donc pas exclu qu'on reste sur une tendance à la hausse de cet indicateur. Sa progression de 18,5% comparée à celle du premier semestre 2017, est au-dessus des 15% de taux de croissance annuelle minimum constaté sur la période 2010 à 2017 (période au cours de laquelle le bénéfice net cumulé des banques est passé de 418 millions de dinars tunisiens à 1,12 milliards).
Cette solide performance cache cependant des défis latents qu'il conviendra de surveiller de très près. Le premier est celui de la couverture des actifs risqués par les fonds propres. Dans la règlementation du secteur, les banques se doivent de disposer d’une quantité minimale de fonds propres en couverture de certains actifs risqués.
Or selon une analyse effectuée par la société de bourse tunisienne Maxula Bourse, le fait pour les banques commerciales tunisiennes de s'être jetées sur les titres publiques émis par le gouvernement local, constitue une source de problème, autant que de revenus. Pour l’ensemble des banques cotées (excepté l’une d’elle), le stock total en bons du Trésor a fortement progressé, passant de 5,3 milliards de dinars en 2014 à plus de 9 milliards de dinars à fin 2017. Leur volume totalisait 11% de l’actif total des banques à fin 2017.
Problème, dans une récente note d’analyse publiée le 19 octobre 2018, l'agence de notation américaine Moody's a rétrogradé de stable à négative, la perspective sur la note des cinq banques cotées tunisiennes qu'elle suit. Elle a expliqué cette décision par le fait, qu'en cas de défis majeurs, le gouvernement tunisien aurait du mal à leur apporter une aide à la restructuration.
L'autre inquiétude en rapport cette accumulation des bons du trésor du gouvernement tunisien, réside dans le risque que ce dernier ne parvienne plus à honorer ses engagements. Dans cette hypothèse, Maxula Bourse explique, que si on élimine la pondération de risque dont jouissent les titres publics, et qu'on applique le ratio le plus dur qu'est le ratio de levier (fonds propres sur actifs), seulement deux banques cotées passent le test.
Le reste y compris la Banque International Arabe de Tunisie (BIAT) et Attijari Bank (filiale local d'Attijariwafa Bank), présente un besoin potentiel de fonds propres additionnel qui, à la fin 2017, montait à 2,9 milliards de dinars. La configuration des actifs dans le secteur bancaire tunisien n'a pas changé et on peut émettre l'hypothèse forte que ce défi persiste cette année 2018.
Le troisième problème auquel font face ces banques est celui de l'entrée en vigueur de la nouvelle circulaire de la banque centrale tunisienne en matière de ratio du volume de crédits accordés en comparaison à l'encours des dépôts collectés.
Au total cinq des banques cotées font face à un niveau de ratio supérieur à la nouvelle règle qui est de 120%. Deux situations s'imposent désormais à elles. Soit elles réduisent l'encours des prêts à la clientèle, portant alors un coup de frein à la hausse de leurs revenus d'intérêts, soit elles vont à la chasse aux dépôts, toute chose qui n'est pas gagnée d'avance.
Idriss Linge
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