Sur le plan continental, le secteur des assurances se porte globalement de mieux en mieux, à cause notamment de la constance observée dans le renforcement de l’assise financière des opérateurs, et d’un plus grand professionnalisme dans la conduite même des opérations d’assurance et de réassurance. La région australe de l’Afrique, avec l’Afrique du Sud, est toujours la locomotive de l’assurance africaine, suivie de loin par l’Afrique du Nord, malgré les troubles récents dans cette zone. En effet, si les évènements de Tunisie, d’Egypte et de Libye ont des effets négatifs sur la croissance du secteur, le retour progressif à l’ordre dans la plupart de ces pays, ajoutés au Maroc et à l’Algérie, permet d’espérer une stabilisation rapide du secteur. L’Afrique de l’Est poursuit un développement harmonieux, porté par des économies restructurées et en forte croissance, telles que l’Ouganda, l’Ethiopie, le Rwanda, le Kenya, l’Ile Maurice... Quant à l’Afrique centrale, l’ouverture maintes fois annoncée, mais pas encore réalisée, pour des raisons inconnues, du marché à énorme potentiel de la République démocratique du Congo « plombe » cette activité dans toute la zone.
La crise en Côte d’Ivoire a-t-elle affecté le secteur en zone CIMA?
La Côte d’Ivoire, comme chacun le sait, représente à elle seule près de 40% du PIB de la zone Uemoa et, dans le domaine des assurances, près du tiers du marché de la CIMA. Les troubles en Côte d’Ivoire, qui ont entraîné la cessation des activités de beaucoup d’assureurs à cause des problèmes de liquidités dus à la fermeture des banques, induiront inéluctablement la disparition de certaines sociétés d’assurances. Notamment celles qui ne pourront plus faire face à la fois à leurs obligations contractuelles et aux exigences prudentielles.
A tout le moins des difficultés fonctionnelles importantes frapperont la plupart d’entre elles, et, par ailleurs, il est à craindre une forte contraction des opérations induite par le départ et l’attentisme bien connu des investisseurs. Au total, la situation sera difficile dans ce secteur dont la santé est, partout dans le monde, étroitement liée à celle de l’économie en général.
Sommes-nous dans une logique de concentration du secteur ?
L’obligation d’augmentation du capital des sociétés d’assurance à 1 milliard FCFA et les conséquences de la crise en Côte d’Ivoire, entre autres raisons, devraient conduire à une concentration dans le secteur. Mais je pense, pour ma part, que nous nous acheminerons plutôt vers la disparition de certaines entités déjà peu performantes avant la crise, et leurs portefeuilles repris par des opérateurs plus solides. La culture de la fusion, donc du regroupement de petites unités pour en faire de plus grandes sur un marché, n’est malheureusement pas intégrée par les entrepreneurs du secteur en zone CIMA.
Pour retenir le maximum de primes d’assurances sur le continent, il faut des opérateurs financièrement solides et techniquement outillés : la taille critique ne peut s’obtenir que par la constitution de groupes solides multinationaux. Evidemment, il y aura toujours de la place pour des sociétés « nationales » mais ces dernières doivent être bien capitalisées.
On ne le souligne jamais assez, le secteur des assurances est un mobilisateur professionnel de l’épargne longue, nécessaire au développement, que nos pays recherchent et mobilisent très onéreusement auprès de diverses institutions financières. Dans l’intérêt du développement, donc de la promotion du bien-être collectif dans nos pays, tout doit être fait en faveur de la consolidation des marchés d’assurances.
Avec environ 200 compagnies en Afrique, peut-on parler de trop-plein ?
Il y a beaucoup trop de compagnies d’assurances, y compris en zone CIMA. La règlementation y est pour beaucoup car, dans le code des assurances de la zone CIMA par exemple, la délivrance de l’agrément à une nouvelle société n’est pas soumise au critère d’opportunité, seule suffit la satisfaction des critères juridico-administratifs et technico-financiers. Cette situation permet donc la création de nouvelles sociétés de manière mécanique, même si l’opportunité n’est pas évidente. En attendant que la loi change, il faut donc encourager à la concentration des opérateurs par tous les moyens possibles, car c’est la voie lucide de l’avenir. A titre personnel, comme consultant international dans ce secteur, je travaille beaucoup avec tous ceux qui le souhaitent pour rendre possible cette nécessité.
Propos recueillis par Louis S. Amédé, pour le journal Les Afriques
Johannesburg, Afrique du Sud : « Faire place au changement : façonner la prochaine ère de prospérité de l’Afrique »