La vente par Amcon de Mainstreet Bank initialement prévue avant le 15 septembre a été reportée au 31 octobre. Cet échec met en évidence les mauvaises pratiques d’Amcon.
Le 4 septembre 2014, Amcon, la structure de défaisance nigériane mise en place au lendemain de la grave crise financière qui a secoué le secteur bancaire en 2009, est parvenue à se défaire de ses participations dans le groupe bancaire panafricain, Ecobank, rachetées par Qatar National Bank. Cette cession d’actifs, acquis en 2010, s’est prolongée le lendemain avec le rachat par Atlas Mara des participations dans Union Bank également détenues par la structure de défaisance.
Pourtant, la presse nigériane révélait le 9 septembre que la vente, initialement prévue avant le 15 septembre, d’un autre établissement encore détenu par Amcon, Mainstreet Bank, était reportée. Le nouveau calendrier fixé au 31 octobre et annoncé par Mustafa Chike-Obi, le patron d’Amcon, constitue indéniablement un aveu de difficulté. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour cet organisme, mais c’est une victoire pour la bonne gouvernance au Nigeria. Et c’est une preuve supplémentaire que la restructuration du secteur bancaire local menée par Amcon a été exécutée au mépris du droit et des règles de transparence les plus élémentaires. C’est un aspect fondamental car la banque est une question de confiance. Sans confiance, le système ne peut fonctionner.
Que s’est-il passé ? D’abord, Amcon a mis la main sur une série de banques en difficulté dans des conditions des plus opaques. La rapidité avec laquelle la structure de défaisance a agi pouvait être justifiée à l’époque par l’urgence de la situation, mais ce n’est pas suffisant pour expliquer la manière dont les propriétaires et les créanciers - précisons ici que les droits de ces derniers continuent après la liquidation - de ces banques se sont trouvés dépossédés sans aucune forme de préavis, sans même parler de compensation. Ils ont assisté, impuissants, à un véritable jeu de poupées russes. Une dizaine de banques parmi les plus importantes du secteur ont été rachetées, liquidées ou fusionnées de façon opaque et arbitraire. Parmi elles, PHB, Spring Bank et Afribank, les trois banques actuellement en vente sous les noms de Keystone, Enterprise (laquelle vient d’être cédée à environ 340 millions de dollars à une autre banque nigériane) et Mainstreet Bank.
L’exemple de Mainstreet Bank, sur laquelle nous détenons des droits exclusifs, donne une idée des méthodes plus que contestables d’Amcon. D’abord parce que le Purchase and Assumption Agreement (PAA) par lequel Mainstreet s’est rendue propriétaire d’Afribank, en août 2011, est fantoche. Les erreurs de pagination et le manque de précision dans la date de ce document essentiel ont suffi à la Cour internationale d’arbitrage, saisie par Intangis, pour rendre une première sentence évoquant des anomalies et émettant des doutes sur l’authenticité du document et, partant, sur la légalité de l’opération. Ensuite, Amcon a omis de faire provisionner, comme l’imposent les règles comptables internationales (IFRS), certains passifs de Mainstreet Bank estimés par Intangis Holdings à 1,4 milliard de dollars. Il convient de signaler aux acquéreurs potentiels que la valorisation de cette dernière reste pour le moins sujette à caution.
Reste enfin la question de la destination finale de l’argent de la cession. Les bénéficiaires du produit de la vente des actifs détenus par Amcon, qui devrait normalement être utilisé pour le remboursement des crédits préférentiels accordés par la Banque centrale du Nigeria au moment de la recapitalisation, ainsi que des dettes émises par Amcon, ne sont pas clairement identifiés.
Le Nigeria, désormais première économie africaine, a plus que jamais le devoir de montrer l’exemple. Alors que le pays devient le point focal de l’attention des investisseurs internationaux désireux de placer leur argent en Afrique, le message envoyé par ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Amcon » résonne très négativement. La perception par la communauté financière du risque de gouvernance, l’absence de transparence et le non-respect de l’état de droit compte au moins autant sinon d’avantage pour l’attractivité du pays que ses performances économiques. Certaines interrogations soulevées par les agissements d’Amcon doivent trouver des réponses. C’est en ce sens qu’Intangis a porté le dossier devant la Cour suprême de l’État de New York, où l’instruction est en cours.
Par Jean Missinhoun, senior partner du fonds d’investissement américain Intangis.
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