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Tribune

La Chine à l’aube d’une nouvelle phase de son histoire

Philippe du Fresnay, économiste sinologue Philippe du Fresnay, économiste sinologue
  • mercredi, 07 mai 2014 08:57

L’économie chinoise a connu une croissance de 7,4% au cours du 1er trimestre 2014, sa plus lente en 18 mois. En rupture avec son paradigme décennaire de croissance axée sur les exportations et dépenses en infrastructure, devenu obsolète à la fin du mandat de Hu Jintao, la Chine a instauré en Novembre 2013 un ensemble de réformes dans plusieurs domaines dont la propriété intellectuelle, la responsabilité sociétale et la lutte contre la corruption. Un passage au développement durable aussi historique pour l’Empire du Milieu que son entrée dans l'OMC en 2001, et marqué par une annonce qui suscite surprise et polémique: d’après l’International Comparison Program de la Banque mondiale, la Chine devrait devenir la 1ère nation en parité de pouvoir d’achat, devant les Etats-Unis cette année[1].

Cette nouvelle orientation voulue par Xi JinPing vise à « digérer » les effets de la politique de relance du gouvernement précédent, dans ce contexte de maturation de l’économie chinoise. Depuis 2004, Pékin refusait de freiner sa croissance monétaire en dépit des pressions inflationnistes étrangères et d’un début de pénurie de main-d'œuvre manufacturière. Ce contrôle prévisible du Renminbi face au Dollar attirait les fonds spéculatifs étrangers dans un transfert de capitaux d’Ouest en Est, motivé au moins à l’origine par la compétitivité des travailleurs chinois aussi productifs mais 8 à 10 fois moins onéreux que leurs homologues occidentaux[2]. La conséquence en est aujourd’hui une redistribution inégale des ressources en Chine, « caillotée[3] » sur certains secteurs privilégiés et encore exacerbée par des taux d'intérêt réels négatifs depuis 2009.

Car l’après-crise a vu le ratio crédit/PIB chinois bondir à 200%. Le taux d'intérêt réel[4], qui devrait être égal à la productivité totale des facteurs, oscille entre 4 et 5%[5] d’après les chiffres officiels. Pourtant, d’après d’autres estimations[6], il pourrait être négatif, jusqu’à -5%. De sorte qu’investir de l’argent emprunté équivaut déjà à en gagner…dès lors qu’on a accès au crédit, cas de certains privilégiés au détriment des épargnants, beaucoup plus nombreux. C'est la principale raison pour laquelle la consommation des ménages chinois n’est encore que d'un tiers du PIB au lieu des 50 % que l’on devrait constater dans une telle économie : les blocages du passé. Les entreprises publiques ont été les pivots de ce déséquilibre durant la dernière décennie, utilisant leur prépondérance pour redistribuer les fonds de façon tentaculaire à travers le pays, comme dans toute économie héritée du communisme.

Mais l’économie de marché a graduellement pris ses droits et l’inflation est devenue la variable d’ajustement. La rentabilité des actifs s’est détériorée au fur et à mesure que l’Occident a réduit ses investissements[7]. Ce choix de maintenir une croissance forte malgré un secteur public devenu inefficient dans son rôle d’allocation a suscité la politique de relance de Hu JinTao, qui a maintenu les choses en l’état. Avec deux abcès aujourd’hui : la bulle immobilière, qui a concentré le recyclage des capitaux reçus, et la dette publique locale, qui a alimenté cette inertie inflationniste. Conscient de l’obsolescence de ce modèle, Xi JinPing a dû attendre son mandat pour faire face à cette situation. Car c’est à une forme de corruption qu’il s’attaque: les caciques bénéficiaires d’un modèle économique dépassé rechignent à adopter des méthodes plus rationnelles et transparentes. A moins de faire les choses à grande échelle, par le biais d’une campagne de conscientisation majeure.

Car aujourd’hui la Chine n’est plus un émergent. Et Pékin doit assumer son entrée dans le développement durable[8] en prenant le risque de la refonte. Cette « crise d’adolescence » va être courte, voire rétroactive: le pays est déjà prêt. Jusqu’ici la politique court-termiste de croissance à tout prix[9] avait pour justification la nécessité de créer 10 millions d'emplois par an[10], de peur que le chômage soit source d’'instabilité sociale. Mais avec sa pénurie de main-d'œuvre manufacturière et sa surabondance de « cols blancs », la structure de la population active s’est déjà préparée à absorber les retombées d'un dégonflement de sa bulle de crédit. Une « économie de refroidissement » qui va alléger la pression sur le marché du travail. Et redonner à ses exportateurs l’avantage comparatif qu’ils perdaient progressivement du fait de cette inflation compensatrice du Yuan.

Car à terme, les prix vont baisser. Le pouvoir d'achat des ménages va augmenter et, tant que l'indice des prix lui reste aligné, la part de leur consommation dans l'économie va suivre. Par exemple, on évoque souvent en ce moment l’impact négatif sur le secteur du luxe, car les achats des entreprises (repas d‘affaires, cadeaux à la clientèle… : environ un dixième du PIB), y sont à présent règlementés. Mais ces achats glissent en réalité vers les classes moyennes, encore bridées : [11] elles boudent les marques étrangères trop élitistes au profit des enseignes de luxe chinoises, plus abordables à la majorité. Selon la presse officielle[12], cette nouvelle consommation privée de produits de luxe chinois « représente une expérience calme et réfléchie », dans un contexte de 'china pride', où  les villes de second rang représentent un débouché porteur. Une prise de conscience symbolisée par la première dame Peng LiYuan, qui en fait la promotion locale et à l’étranger[13].

Même si la Chine réfute les conclusions de la Banque mondiale, elle est de toute façon à l’aube d’une nouvelle phase de son histoire. Elle passe d’une vision quantitative à qualitative de sa croissance. Sa volonté de combattre la spéculation et la corruption en sont à la fois le moteur et la garantie. Son nouveau maitre mot est la « récompense »: des efforts passés, et des gains de productivité à venir. Bienvenue dans le développement durable à la chinoise.

 

1.Bien que ces chiffres cités par l’Economiste et le Financial Times soient remis en cause par Pékin

2. Le coût du travail en Chine reste 1/6ème de la moyenne OCDE

3. Dans l’analogie de l’Economie Globulaire, si on compare les mouvements de capitaux mondiaux au sang en circulation entre les organes vitaux, les bulles d’actifs localisées correspondent à des caillots dus à la coagulation d’un sang mal redistribué dans le corps

4.Taux d'intérêt débiteur ajusté en fonction de l'inflation telle que mesurée par le déflateur du PIB d’après la Banque Mondiale

5.  4,1% sur la période 2009-2013 d’après la Banque Mondiale, 6% d’après la Banque Centrale Chinoise en 2012 auquel il faut retirer 2% d’inflation

6. "On peut s'attendre à voir l'inflation dépasser le plafond officiel des 3,5% sur certains mois de 2014", a souligné Zhang Zhiwei, analyste de Nomura

7. Les investissements directs américains non-financiers ont encore baissé de 1,9% en glissement annuel à 1,04 milliards de Dollars d’après le Secrétariat d’Etat au Commerce américain.

8.  Le coefficient de Gini (degré de concentration dans la distribution des revenus d'un pays-Corrado Gini, 1912) en Chine a bondi de 0291 en 1981 à 0474 en 2012, similaire aux États-Unis (0,475 en 2011)

9.  En octobre, Li Keqiang avait estimé que la croissance doit être maintenue à au moins 7,2%, pourgarantir une stabilité de l'emploi. Pékin ne laissera pas fléchir la croissance en dessous de ce plancher.

10.« La Chine doit créer chaque année 10 millions d'emplois urbains » a répété Li Keqiang pour son unique conférence de presse annuelle en clôture des travaux de l'Assemblée nationale populaire au mois d’Avril

11. 2% de la population chinoise est à l'origine d'un tiers des achats mondiaux d'articles de luxe

12. Quotidien du Peuple, organe de presse officiel du Comité central du Parti communiste chinois, 2 avr. 2014

13. L’épouse de Xi JinPing a promu des produits de luxe chinois en les offrant aux épouses des dirigeants africains en visite officielle.

Philippe du Fresnay est un économiste formé à l’Insead, Harvard, et l’Université de Finance et d’Economie de Shanghai. Ancien expatrié en Chine et à Taiwan, il est co-fondateur du Club d’Intelligence Economique de l’Insead.

 

Philippe du Fresnay, économiste sinologue

 
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