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Tribune

«Le Cameroun doit se faire entendre, avec 7% de croissance au minimum»

Par Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique Par Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique
  • mardi, 05 août 2014 09:09

Dans cette réflexion que nous publions dans son intégralité, Carlos Lopes analyse le potentiel économique du Cameroun, pays qu’il compare à un guépard. En outre, l’auteur suggère des pistes à emprunter, pour asseoir une transformation rapide de l’économie camerounaise.

Le Cameroun dispose des ressources nécessaires à son industrialisation et à sa transformation agricole. La croissance économique annuelle, 4,9 % actuellement, n’est pas à la mesure des vastes possibilités qu’offre la transformation des richesses du pays. L’économie est relativement diversifiée comme l’attestent l’exploitation d’importantes ressources agricoles, les forêts, les mines et l’énergie. Les exportations sont dominées par le pétrole, le cacao, le bois, le caoutchouc et le coton. Cette diversification des ressources se prête à la transformation économique par l’industrialisation.

J’ai pu constater moi-même le potentiel de la transformation économique pour améliorer les conditions sociales des Camerounais. Les jeunes, qui font preuve de dynamisme, ont un rôle à jouer pour transformer les actifs bruts de ce guépard en produits industriels qui feront la fierté du pays. Il est possible de transformer les produits agricoles, le bois, le caoutchouc et le coton pour le marché local, régional et international. Le potentiel régional est particulièrement impressionnant. Compte tenu de sa situation géographique et de son vaste accès à la mer, le pays peut facilement se positionner comme fournisseur de biens et de services entre l’Afrique centrale et l’Afrique occidentale.

Le Cameroun doit mettre l’accent sur les chaînes de valeur afin de maximiser sa base économique. La seule prise en compte du potentiel du coton permettrait de développer des liens étroits entre les cultivateurs et l’industrie de la mode naissante, en intégrant la qualité exigée par les consommateurs, dans la création d’une industrie textile. La possibilité de gagner des parts de marché est si manifeste. Un pour cent seulement de l’industrie de l’habillement est contrôlé par les nationaux. Puisque les entrepreneurs exigent des intrants de qualité d’origine locale, les fonds provenant de l’industrie de la confection peuvent être distribués pour réduire la part des importations de vêtements neufs et de seconde main.

De nouveaux secteurs prometteurs

L’industrie du vêtement est un secteur dans lequel 64 % des moins de 25 ans pourraient réorienter leur énergie, ce qui stimulerait la croissance économique. Pour atteindre cet objectif, le Cameroun se doit de concevoir et mettre en œuvre des mesures propres à appuyer les initiatives des entreprises locales visant à recueillir les fruits de leur créativité dans les chaînes de valeur locales et régionales. La disparition des barrières à l’innovation et à la pratique des affaires améliorera leur compétitivité.

Fort heureusement pour le Cameroun, d’autres secteurs sont tout aussi prometteurs. Les jeunes entrepreneurs réalisent des percées dans le marché lucratif des applications pour smartphones et tablettes. Ils ont compris qu’il existe un créneau pour l’innovation frugale. AppsTech, entreprise créée par Rebecca Enonchong, se spécialise dans les logiciels de gestion pour les entreprises. Elle bénéficie de la certification Oracle. Rebecca a pénétré le marché rentable de solutions logicielles à un moment où la demande de ces services est en hausse dans toute l’Afrique.

Un autre exemple est celui de Tony Smith fondateur de Limitless, une entreprise spécialisée dans la conception de tablettes, smartphones et écrans plats. Il sait qu’il devra faire face à une rude concurrence. Mais il faut bien commencer quelque part. Cet esprit d’entreprise peut accélérer les changements nécessaires dans une main-d’œuvre stagnante. S’il est avéré qu’il n’y a pas d’emplois, il faut s’efforcer d’en créer soi-même.

Il est indispensable que les politiques socioéconomiques du Cameroun cadrent avec les besoins de 75 % de la population jeune qui est au chômage. Il va de soi que le Gouvernement ne sera guère en mesure d’assurer aux chômeurs des emplois dans la fonction publique. Pour autant, l’occasion lui est véritablement donnée de remédier aux inadéquations entre les compétences des demandeurs d’emplois et les besoins des employeurs. Il faudra trouver une solution à ce problème pour que les jeunes soient préparés à des emplois qui s’inscrivent dans la dynamique de la transformation économique.

D’importantes réserves de gaz naturel

Le secteur du pétrole et du gaz peut offrir des emplois. Sa diversification pourrait contribuer à améliorer la part des prestations fournies localement. Le besoin de compétences techniques est réel, mais les entreprises devraient être tenues de les réapprovisionner au niveau local. Si elles ne sont pas disponibles, les entreprises devront donc contribuer à la formation et la promotion de nouvelles compétences. Actuellement, les hydrocarbures représentent 8 % du PIB. Ils sont amenés à progresser, compte tenu des réserves de gaz naturel de 135 milliards de mètres cubes, par rapport aux besoins d’environ 30 milliards du pays.

La production et l’exportation de minéraux, d’énergie et de produits pétrochimiques diversifieront les compétences que le Cameroun attire ainsi que la formation qui sera offerte aux jeunes. Depuis 2012, l’accroissement de la production nécessite des investissements, une mise à niveau technologique et des ressources humaines qualifiées.

La construction d’un port en eau profonde en sus d’une vaste zone industrielle pour l’industrie lourde, moyenne et légère constitue une étape positive dans l’augmentation de l’emploi. La fourniture d’électricité s’accroitra grâce au Projet électrique de Kribi et aux barrages hydroélectriques de Lom-Pagar et de Memve’ele. Dans 5 ans, le Cameroun devrait avoir terminé l’expansion et la modernisation de l’ensemble de l’infrastructure dont dépend sa transformation industrielle.

Pour montrer toute sa force, le Cameroun doit par ailleurs élargir l’accès des entrepreneurs au financement, en concevant des produits innovants de crédit bancaire. La manière dont les recettes d’exportation sont utilisées actuellement ne met guère en évidence la dynamique d’industrialisation. Le rôle des petites et moyennes entreprises est décisif pour le passage à un modèle à plus forte intensité de main-d’œuvre. L’exploitation minière n’emploie que 10% de la main-d’œuvre, ce qui est très insuffisant.

De gigantesques ressources maritimes, minières…

L’examen de la structure des échanges du pays fait apparaître trois grandes catégories d’importation à savoir le pétrole, le riz et le poisson congelé. Ce sont toutes les catégories qui entrent dans la production et même l’exportation. Le pays est doté d’une terre très fertile, de gigantesques ressources maritimes et marines outre les richesses minières. Il ne faut pas sous-estimer l’importance des efforts et de l’énergie nécessaires pour mettre en valeur ces trois domaines. Mais le gain sera important si le Cameroun réussit à se placer dans la voie d’un développement plus agressif.

Je suis convaincu que le Cameroun peut faire beaucoup mieux sur le plan économique. Ses points forts, tel que décrit, sont intenses. Ils doivent néanmoins être appuyés par des politiques et une prise en main solides. Atteindre 7 % devrait être l’objectif magique. Ce guépard pourra alors se faire entendre.

Magique, car c’est le taux de croissance qui permettrait au pays de doubler l’ampleur de son impact économique en une décennie et de créer les conditions d’une réduction draconienne de la pauvreté. Autrement, les aspirations légitimes du Cameroun à émerger seraient compromises.

Les intertitres sont de la rédaction.

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Par Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique