(Agence Ecofin) - En marge de la 41ème Assemblée Générale de la Fédération des sociétés d’Assurance de droit National Africaines, le Directrice de FINACTU, une société spécialisée sur le conseil et l’accompagnement financier et stratégique en Afrique, a accepté d’apporter des réponses à plusieurs préoccupations qui caractérisent actuellement le marché des assurances en Afrique.
Agence Ecofin : Vous avez accompagné le groupe Atlantic (AFG) dans son processus d’entrée au Benin, au-delà de votre longue expérience sur le marché des assurances en Afrique, quelles nouvelles expériences avez-vous vécues dans le cadre de ce processus ?
Géraldine Mermoux : Cette entrée d’Atlantic sur le marché béninois était intéressante, car, si elle n’a rien appris de nouveau, elle a confirmé une vérité que les opérateurs et les investisseurs doivent méditer : aucune opération de fusion-acquisition ne devrait être faite sans une due diligence sérieuse, en assurance plus qu’ailleurs. Car nous avons eu l’occasion d’examiner beaucoup de compagnies candidates au rachat, et ce n’est qu’à l’issue de ces due diligences approfondies que nous avons pu assister le Groupe Atlantic dans le choix de ARGG, une belle petite compagnie vie à très fort potentiel. Et par la suite, Atlantic a voulu conforter sa présence au Bénin par une compagnie non-vie, et compte tenu des cibles possibles, nous avons conseillé plutôt un projet green field avec un nouvel agrément.
Agence Ecofin : En rapport avec la nouvelle règlementation de la CIMA sur l’obligation fais aux assureurs sous sa régulation d’augmenter leur capital social, FINACTU estime qu’on assistera à de grosses fusions et acquisitions dans le secteur sur les toutes prochaines périodes. Est-ce qu’il y a un risque de disparition des plus petits qui généralement sont des nationaux ?
Géraldine Mermoux : Nous pensons en effet que l’augmentation massive du capital social minimal va jouer comme un accélérateur de concentration, en obligeant tous les assureurs à atteindre une taille critique justifiant un tel niveau de capital. Mais il y a deux aspects dans votre question.
Le premier est celui de la disparition des petits. Il est trop tôt pour dire comment la croissance des assureurs va se faire : croissance organique des plus gros et disparition pure et simple des petits ? Ou absorption des petits par les moyens ? La CIMA, par sa politique d’agrément plus ou moins souple, pourra donner une partie de la réponse. Mais en tout état de cause, FINACTU constate qu’il existe des assureurs qui n’ont que très peu d’avantages comparatifs et qui ne pourront ni survivre, ni s’intégrer dans des groupes plus grands.
Le second aspect concerne l’avenir des assureurs purement nationaux. Tous les assureurs savent que la diversification est une condition de solidité, et un groupe régional comme NSIA est infiniment plus solide en tant que groupe que la simple somme de ses filiales. Donc oui, il est certain que l’avenir est aux groupes régionaux. Si la réglementation évoluait vers l’agrément unique, cela serait encore plus spectaculaire. On notera que les assureurs l’ont bien compris et nous assistons à de nombreuses tentatives pour se « régionaliser ».
Agence Ecofin : Certains analystes pensent que l’étroitesse des fonds propres des assureurs n’est pas le gros problème des assureurs de la zone CIMA. Ils pointent du doigt une faible mise en vigueur des régulations existantes. Quel est votre avis sur cette façon de voir les choses ?
Géraldine Mermoux : Il faut être aveugle et sourd pour prétendre qu’il n’y a pas un problème de fonds propres dans l’espace CIMA. La réglementation d’avant la réforme était l’une des plus bienveillante, et autorisait un simple commerçant disposant de seulement FCFA 1 milliard à créer sa compagnie. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit, avec une multiplication des petites compagnies.
Ceci étant dit, il est certain que ce problème de fonds propres n’est pas le seul problème, et encore plus certain que l’augmentation du capital minimal à FCFA 5 milliards ne va pas régler tous les problèmes de l’assurance en zone CIMA.
Agence Ecofin : Au cours de l’AG de la FANAF, il a été question de digitalisation des services d’assurance. Est-ce que les pays membres de la CIMA sont prêts à suivre cette évolution en termes de régulation, et est-ce que l’assurance pourra connaître le même succès que les banques dans ce domaine ?
Géraldine Mermoux : Oui, nous pensons que la révolution digitale va toucher l’assurance comme la banque, à la différence que la banque est un service plus immédiatement vital que l’assurance, qui nécessite un effort de conviction plus fort.
Agence Ecofin : Certaines enquêtes de satisfaction ont fait état de ce que très souvent les clients se plaignent du faible taux de règlement des sinistres. Mais dans un continent à risque comme l’Afrique comment garantir une couverture maximale tout en assurant de la rentabilité aux sociétés d’assurances ?
Géraldine Mermoux : Il y a eu, jusqu’à encore récemment, un cercle vicieux de l’assurance africaine, avec des assureurs en difficulté qui effectivement retardaient le règlement des sinistres pour survivre. Ce comportement a gravement pénalisé tout le marché, en minant la confiance des assurés. C’est ce qui explique en partie la faible pénétration de l’assurance dans nos pays. Mais ce cercle vicieux s’est inversé il y a quelques années, avec le durcissement progressif de l’autorité de contrôle, qui est de plus en plus inflexible, avec l’émergence de nouveaux groupes sérieux, qui contribuent à redorer le blason de l’assurance auprès des consommateurs. Il faut garder en tête que l’assurance africaine est assez rentable, avec des niveaux de sinistralité relativement faible ou, disons-le dans l’autre sens, des prix relativement élevés.
Propos recueillis par Idriss Linge
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.