(Agence Ecofin) - En mars 2017, plusieurs acteurs de l’industrie mondiale du cacao et du chocolat s’accordaient sur la nécessité de mettre fin à la déforestation et la dégradation des forêts dans les principaux pays producteurs que sont la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Plus d’un an plus tard, les entreprises se sont-elles dotées de moyens à la hauteur de leur ambition ? Quelles avancées des gouvernements dans la lutte contre le phénomène qui a déjà décimé 7% de la couverture forestière en Afrique de l'Ouest, entre 2008 et 2014 ?
Ethan Budiansky, directeur de l’environnement à la Fondation mondiale du cacao (WCF), fait un point des progrès réalisés avec l’Agence Ecofin.
Agence Ecofin : Quelles sont les grandes lignes de l’engagement pris en 2017
Ethan Budiansky : A la suite de la signature de la Déclaration d’intention collective, la WCF, l'Unité pour la Durabilité internationale, dirigée par le Prince de Galles, (ISU) et l'Initiative pour le Commerce équitable (IDH) ont mené des efforts pour développer un Cadre d’action commune pour arrêter la déforestation et restaurer les couvertures forestières.
Celui-ci a été signé à l’occasion de la 23ème session de la Conférence des Parties (COP 23) de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à Bonn le 16 novembre 2017. Il réunit les gouvernements et les entreprises autour de 8 objectifs principaux. Il s’agit, entre autres, de l’interdiction et de la prévention des activités de la filière cacao qui causent ou contribuent à la poursuite de la déforestation ou dégradation des forêts, du respect des droits des producteurs de cacao, de la promotion d’une restauration efficace et la conservation sur le long terme des parcs nationaux et réserves ainsi que des forêts classées. On peut également citer le renforcement de la cartographie de la chaîne d’approvisionnement et une collaboration dans la mise en œuvre des actions du Cadre ainsi qu’à la mobilisation des ressources financières et de l’expertise technique requises.
AG : En quoi votre démarche est-elle différente de l’approche adoptée, ces dernières années, par les compagnies et qui ont abouti à peu de résultats concrets ?
EB : Notre feuille de route reste significative parce qu’il s’agit de la première fois, qu’aussi bien les pays producteurs que les parties prenantes de l’industrie planchent d’une manière commune sur la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts. Ils ont développé un cadre d’action qui souligne une nécessaire et forte collaboration pour répondre à ces défis environnementaux.
AG : Quelles actions concrètes ont été déjà posées afin de satisfaire à ces engagements ?
EB : Après la signature, le Ministère ivoirien des Eaux et Forêts a lancé l’Initiative Cacao et Forêts (ICF), le 16 janvier 2018. Plus de 90 participants dont les leaders de l’industrie, les partenaires du gouvernement et les organisations de la société civile ont apporté leur contribution pour la mise en œuvre du plan à l’échelle nationale.
Le 27 février dernier, le Ministère ghanéen de la Terre et des Ressources naturelles a initié une rencontre avec plus de 80 acteurs industriels et les organisations de la société civile pour examiner la feuille de route pour l’exécution du Cadre d’actions. Dans les deux pays, les plans nationaux seront bientôt finalisés.
A l’heure actuelle, 25 compagnies ont approuvé le Cadre d’actions et sont activement en train de peaufiner leurs lignes d’action individuelles, conformément aux objectifs de la feuille de route. Elles sont aussi très engagées au niveau des engagements nationaux pour créer des opportunités pour une harmonisation et une collaboration allant dans le sens de la protection de la couverture forestière, mais aussi de son accroissement dans les pays producteurs.
En outre, les entreprises ont également mis en place des politiques et des actions sur le terrain afin d’assurer un approvisionnement hors des parcs nationaux, des réserves de faune sauvage, des réserves forestières, au Ghana et en Côte d’Ivoire.
AG : D’après certains observateurs, la déforestation liée au cacao est surtout exacerbée par les politiques de promotion d’augmentation de la production. La déclaration comprend-elle une clause de réduction du volume de cacao sur le long terme ?
EB : Non. Une priorité cruciale pour l’ICF est une production agricole durable et une augmentation des revenus des producteurs. Ces deux objectifs sont des prérequis essentiels pour réduire la pression pour l’empiétement agricole sur les forêts et le renforcement de la résilience des producteurs de cacao au changement climatique. Les gouvernements et les compagnies se sont plutôt mis d’accord pour accélérer les investissements dans la productivité à long terme du cacao afin de cultiver plus de cacao sur moins de terres.
Les actions clés pour y parvenir englobent notamment la mise à disposition de matériel végétal amélioré, la formation à de meilleures pratiques agricoles et à la fertilisation des sols, la réforme du régime foncier, l’association des cultures, le développement de systèmes agroforestiers mixtes, la culture du cacao à l’ombre et le renforcement des capacités des organisations agricoles.
AG : La réduction prévue des superficies pour la culture du cacao, en raison du changement climatique, combinée à la demande croissante pour le chocolat met sous pression les forêts en Afrique de l’Ouest. Quelles actions sont proposées pour garantir un approvisionnement durable dans la région ?
EB : Il est important de protéger les forêts restantes afin d’assurer un futur viable pour le cacao dans la région. La première priorité est la protection et la restauration des forêts qui ont été dégradées. A cette fin, le gouvernement et les compagnies se sont engagés à la non-conversion des couvertures forestières pour la culture du cacao. Nous nous sommes engagés pour l’élimination progressive de la production illégale de cacao et l’approvisionnement dans les aires protégées.
Les deux pays ont annoncé des plans pour introduire une approche différenciée pour améliorer la gestion des réserves de forêts, sur la base de leur niveau de dégradation. Les cartes actualisées sur les forêts et l’utilisation des terres, des données socio-économiques sur les producteurs et les guides opérationnels plus détaillés couvrant la gestion des forêts et de l’utilisation des terres seront bientôt développés et rendus publics.
Les entreprises se sont engagées à développer des systèmes de suivi vérifiables pour une traçabilité depuis la plantation jusqu’au premier point d’achat et travailler avec les gouvernements pour assurer un cadre national efficace pour la traçabilité englobant tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.
Propos recueillis par Espoir Olodo
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.