(Agence Ecofin) - Après 13 années de bataille, la justice néerlandaise a condamné en appel le géant pétrolier Shell à verser des indemnisations dans un procès intenté par des fermiers nigérians. Ils accusent la multinationale de fuites de pétrole ayant pollué 3 villages dans le Delta du Niger.
Une cour d’appel de la Haye aux Pays-Bas a jugé vendredi que la filiale nigériane de Shell était responsable des dommages résultant des déversements de pétrole dans deux des villages concernés. Le juge en charge de l’affaire, Sierd Shaafsma, a déclaré lors de l’audience que le pétrolier devra indemniser 3 des 4 fermiers pour dommages. La maison mère, Royal Dutch Shell, est aussi tenue d’équiper l’oléoduc en cause dans le village d’Oruma, d’un système de détection des fuites pour limiter les pollutions à l’avenir.
BIG NEW: Court in Netherlands has ordered Shell to compensate for oil spills in 2 Nigerian villages (Oruma & Goi) which happened over 13 years ago. Amount will be decided later
— Tola (@adetolaov) January 29, 2021
Shell liable for $121,000 per day if leak detection system is not installed. https://t.co/53F2wr3zkp
En 2008, les 4 fermiers nigérians soutenus par l’organisation les Amis de la Terre, avaient saisi la justice néerlandaise, demandant que Shell paie pour les travaux de dépollution et leur verse des compensations financières.
En 2015, la cour d’appel avait déclaré la justice néerlandaise compétente pour statuer dans l’affaire, annulant une précédente décision selon laquelle la maison mère de Shell, dont le siège se trouve à la Haye, ne pouvait pas être tenue responsable des éventuelles négligences de sa filiale du Nigéria. Les plaignants, dont deux sont décédés entre temps, réclamaient que Shell nettoie les fuites de pétrole dans les villages d’Oruma, Goi, et Ikot Ada Udo dans le Delta du Niger.
La victoire des fermiers nigérians dans cette affaire pourrait faire jurisprudence en matière de responsabilité environnementale. Elle annoncerait le début d’une nouvelle ère, où les grandes multinationales comme Shell, ne pourront plus exercer sans loi et seront désormais responsables des effets néfastes de leurs opérations. La branche Milieudefensie de l’organisation Les Amis de la Terre s’est réjouie de cette décision. « Jusqu’à ce matin, les multinationales pouvaient agir en toute impunité dans les pays en développement (…) et cela a changé maintenant », a lancé Donald Pols, directeur de l’association.
La justice néerlandaise a affirmé que le montant des indemnisations serait précisé à une date ultérieure. La filiale nigériane de Shell a, quant à elle, rejeté la compétence de la Haye, et continue d’accuser les plaignants de sabotage. La cour d’appel a en effet estimé qu’il lui fallait plus de temps pour statuer sur le cas du village Ikot Ada Udo, affirmant qu’il était prouvé que la fuite était due à un sabotage, mais qu’il n’était pas clair si Shell pouvait être tenue responsable de cette fuite et du nettoyage.
L’affaire des fermiers nigérians, partiellement achevée, le géant pétrolier devra encore répondre de ses actes dans une autre affaire l’impliquant dans l’arrestation des époux de 4 veuves nigérianes, exécutés par le régime militaire des années 1990, alors qu’ils essayaient de freiner le développement pétrolier dans la communauté Ogoni au sud-est du pays.
Aïsha Moyouzame