Agence Ecofin TikTok Agence Ecofin Youtube Agence WhatsApp
Agence Ecofin
Yaoundé - Cotonou - Lomé - Dakar - Abidjan - Libreville - Genève

Tshisekedi est « partiellement responsable » de l’embrasement de l’Est de la RDC, selon ISS Africa

  • Date de création: 24 juin 2022 13:10

(Agence Ecofin) - Le président de la RDC n’a mis en œuvre aucun des accords de paix signés avec le groupe rebelle M23, depuis 2013. De plus, la signature d’accords sécuritaires permettant à l’Ouganda et au Burundi de traquer des groupes rebelles dans l’Est du pays embarrasse au plus haut niveau Kigali.

Alors que la RDC accuse régulièrement son voisin rwandais d’appuyer les rebelles du M23 qui ont repris les armes en décembre 2021 dans l’Est du pays, l'Institut d'études de sécurité en Afrique (ISS Africa) a estimé, dans une note de recherche publiée le jeudi 23 juin, que le président congolais, Félix Tshisekedi «(photo), est « partiellement responsable » de la reprise des hostilités dans cette région en proie aux violences de multiples groupes armés, depuis près de 30 ans.   

Le think tank africain basé en Afrique du Sud, au Kenya, en Ethiopie et au Sénégal a précisé que les autorités congolaises n’ont pas jusqu’ici respecté des accords pour la démobilisation et la réinsertion des combattants du M23, signés en 2013.  

« Blâmer uniquement le Rwanda est une solution de facilité. La RDC doit assumer une part de responsabilité pour n'avoir mis en œuvre aucun des accords de paix qu'elle avait signés avec le M23 depuis 2013, et n'avoir ainsi pas offert au groupe armé un chemin vers la paix. Il est important de se rappeler que le M23 est un groupe congolais, même s'il est composé d'ethnies rwandophones », souligne le rapport. Et d’ajouter : « le dossier du M23 n’a jamais été traité. Soit ses membres auraient dû être arrêtés pour leurs crimes dans l’Est du pays, soit ils auraient dû être réintégrés correctement dans l'armée ou la société ».

Le résultat logique de cette erreur est la résurgence de ce groupe rebelle qui s’est emparé depuis le lundi 13 juin de Bunagana, une ville située à la frontière ougandaise, même si ses combattants sont moins nombreux qu’en 2012 et 2013.

Des accords sécuritaires embarrassants pour Kigali

ISS Africa a par ailleurs indiqué que la deuxième erreur du régime congolais a été la signature de deux accords sécuritaires avec l’Ouganda et le Burundi, qui permettent à ces deux pays limitrophes de traquer des groupes armés ayant commis des attentats sur leurs territoires dans l’Est de la RDC.

Le premier accord a été signé en novembre 2021 entre le président congolais et son homologue ougandais, Yoweri Museveni. Il a permis à Kampala de déployer 1700 soldats en RDC, dans le cadre d’une opération militaire baptisée Shujaa, destinée à combattre les rebelles des Forces démocratiques alliées (FDA), présentés par l’organisation Etat islamique (EI) comme sa branche en Afrique centrale, et accusés par l’Ouganda d’avoir commis des attentats sur son sol.

L’accord conclu entre Kinshasa et Kampala prévoit également l’octroi de contrats à des entreprises ougandaises pour la construction de routes dans l’Est de la RDC.

Un accord similaire signé entre la RDC et le Burundi, fin 2021, a aussi permis à des unités de l’armée burundaise d’aller attaquer les rebelles du RED-Tabara, dont la province du Sud-Kivu constitue la base arrière. « Ces accords pourraient avoir ouvert la boîte de Pandore. Ils semblent également avoir été à l’origine d’un regain d’activisme violent dans l’Est de la RDC, et d’une réaction négative de la part des autorités rwandaises », note le rapport, rappelant que « les Etats-Unis, le Royaume-Uni et d'autres services de renseignements avaient trouvé en 2013 des preuves irréfutables du soutien rwandais aux rebelles du M23 ».

Manque de coordination entre les différents acteurs

ISS Africa souligne d’autre part, que le déploiement de troupes ougandaises dans l’Est de la RDC et la signature d’accords économiques entre Kinshasa et Kampala n’ont pas été du goût du président rwandais, Paul Kagame. D’autant plus que le Rwanda entretient des relations houleuses avec l’Ouganda, et dispose d’importants intérêts économiques dans l’Est de la RDC. En juin 2021, les gouvernements congolais et rwandais avaient signé un accord de complémentarité de la chaîne d'exploitation de l'or. Cet accord prévoit le raffinage de l'or extrait dans l'Est de la RDC au Rwanda suivant un circuit officiel. L’objectif des deux pays était de priver les groupes armés de l'une de leurs sources de financement. Des rapports d’un groupe d'experts de l'ONU ont aussi fait état d’un trafic illégal de minerais de la RDC, dont l'étain, le coltan et le tungstène, vers des pays voisins, notamment le Rwanda et l'Ouganda.

« Kagame a vu sa sphère d'influence économique, militaire et politique, telle qu'il la conçoit, empiétée des deux côtés, par le nord et le sud. Il avait également le sentiment que les problèmes de sécurité du Rwanda n'étaient pas suffisamment pris en compte dans l'Est de la RDC, où les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) semblaient gagner du terrain », précise le rapport.

ISS Africa estime que la décision de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) de déployer une force régionale de stabilisation dans l’Est de la RDC est « prometteuse », bien que Kinshasa ait insisté pour que des troupes rwandaises n’en fassent pas partie.

Le think tank précise également que des zones d’ombre persistent en ce qui concerne la coordination entre la force régionale de l’EAC, la Brigade spéciale d’intervention de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), déjà présentes dans le pays. « Il est clair qu'il faut que la multitude d'acteurs ayant des intérêts ou déjà présents dans l'Est de la RDC s'asseyent autour d’une même table pour coordonner un chemin viable vers la paix. Cela inclut au moins l’EAC, la SADC, la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), les Nations unies et l'Union africaine », conclut le rapport.

Lire aussi:

17/06/2022 - RDC : la Communauté de l'Afrique de l'Est déploiera une force régionale pour désamorcer les tensions

20/06/2022 - Afrique de l’Est : ouverture d’un sommet à Nairobi pour tenter d’apaiser les tensions entre le Rwanda et la RDC

21/06/2022 - Rwanda-RDC : les tensions dureront plusieurs mois, mais les risques d'une guerre militaire sont faibles (Fitch Solutions)

08/06/2022 - Afrique de l’Est : couacs autour de la création d’une force régionale destinée à traquer les groupes armés en RDC

28/05/2022 - Tensions entre la RDC et le Rwanda : le Congo accuse les autorités rwandaises de soutenir le M23, les vols de RwandAir suspendus

Enveloppe
Recevez votre lettre Ecofin personnalisée selon vos centres d’intérêt

sélectionner les jours et heures de réception de vos infolettres.