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Cameroun : le Canada annonce un accord pour une résolution pacifique de la crise anglophone

  • Date de création: 22 janvier 2023 05:46

(Agence Ecofin) - Yaoundé et plusieurs mouvements indépendantistes (l’Ambazonia Governing Council, l’Ambazonia Defence Force, l’African People’s Liberation Movement, le Southern Cameroons Defence Force, l’Interim Government et l’Ambazonia Coalition Team) sont d’accord pour « entamer un processus en vue de parvenir à une résolution globale, pacifique et politique du conflit », a annoncé, le 20 janvier, la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly (photo).

De cette déclaration, il ressort qu’Ottawa parle en qualité de « facilitateur dans le processus » censé mettre un terme à la crise séparatiste qui secoue les régions anglophones du Nord-Ouest et Sud-Ouest depuis 2016.  

« Les parties ont également convenu de former des comités techniques pour commencer à travailler sur des mesures de confiance », ajoute Mélanie Joly. « L’accord visant à amorcer un processus formel constitue un premier pas essentiel vers la paix et vers un avenir plus sûr, plus inclusif et plus prospère pour les civils touchés par le conflit », se félicite la ministre canadienne. Le Canada, qui partage la même spécificité que le Cameroun avec une double culture anglophone et francophone, se réjouit aussi que les parties se soient engagées dans un véritable dialogue. 

Évolution dans la position de Yaoundé

Yaoundé n’a pas encore réagi à cette annonce qui peut être considérée comme une évolution dans sa position. Depuis le déclenchement de la crise, le gouvernement a en effet toujours affirmé que la forme actuelle de l’État n’était pas négociable. Partie des mouvements d’humeurs des avocats et des enseignants, qui revendiquaient notamment la prise en compte des spécificités anglophones dans le système judiciaire et éducatif, la crise s’est muée en un conflit autonomiste. Une partie des ressortissants du Nord-Ouest et Sud-Ouest revendiquant le retour en un État fédéral, comme ce fut le cas entre 1961 et 1972, et une autre, armée, pas moins que l’indépendance de ces deux régions en vue de former la « République d’Ambazonie ». 

Si Yaoundé a souvent reconnu que la solution à la crise anglophone est politique, les autorités disent avoir déjà réglé la question à travers le Grand dialogue national, organisé en 2019. Ce grand raout a abouti à la création d’un statut spécial pour les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dans la cadre du processus de décentralisation de l’État unitaire. Pour les officiels Camerounais, les revendications avaient dès lors été satisfaites au-delà du raisonnable.

Pourquoi maintenant ?

D’où les interrogations sur les motivations de Yaoundé à accepter une nouvelle médiation, après l’échec de la tentative suisse en 2021. D’autant que le gouvernement a aujourd’hui davantage la main sur la situation.

En effet, sur le terrain, la situation militaire est largement à l’avantage des forces de défense et de sécurité. Dans ces régions, les villes sont sous le contrôle de l’armée régulière et les milices séparatistes ont été considérablement affaiblies par les multiples campagnes militaires. Sur le plan international, la pression des partenaires sur le gouvernement est en baisse. Certains pays, à l’instar des États-Unis, ont même décidé d’arrêter certains séparatistes de la diaspora pour leurs implications dans les exactions commises sur le terrain. Exactions qui du reste ont découragé certains soutiens de la cause indépendantiste.

En tout état de cause, l’agenda politique pourrait expliquer les dispositions de Yaoundé à s’asseoir à la même table que les séparatistes qu’il a longtemps refusé de considérer comme des interlocuteurs. Une élection présidentielle est en effet prévue dans deux ans. Celle-ci, de l’avis de nombreux analystes, est cruciale en ce qu’elle pourrait aboutir sur un changement à la tête de l’État, le président Paul Biya étant aujourd’hui âgé de 90 ans. Une pacification du pays devrait permettre de négocier ce tournant majeur avec plus de sérénité.

Divergences entre séparatistes

Mais la paix est loin d’être acquise au regard des réactions des leaders séparatistes les plus influents. Sur Twitter, Ayaba Cho, chef de l’Ambazonia Governing Council, et commandant de l’Ambazonia Defence Force, accuse d’ores et déjà le Canada de ne pas faire preuve de bonne foi. « Nous appelons le gouvernement du Canada à agir avec intégrité en publiant une déclaration qui reflète l’esprit et le contenu de ce sur quoi nous avons travaillé, négocié et convenu dans l’engagement et le mandat signés pour un cadre de négociation global dans la Déclaration de Toronto ». 

Avant cela, celui qui est l’une des bêtes noires de Yaoundé a demandé que cette déclaration soit retirée.

Quant à Mark Bareta, autre influent activiste séparatiste, il dit saluer ce processus. L’homme révèle tout d’abord que tous les groupes appelés à la table des négociations n’ont pas encore donné leur accord définitif et que tous ne parlent pas encore de la même voix. 

Pour autant, il ajoute que le moment des négociations venu, les groupes séparatistes sauront faire bloc face au gouvernement.

Pour l’heure, aucun agenda n’a encore été communiqué.

Ludovic Amara (pour SBBC)



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