(Agence Ecofin) - Le 15 novembre dernier, quinze pays d’Asie ont signé le plus grand pacte commercial du monde dénommé Partenariat régional économique global (RCEP). Parmi ceux-ci, on compte le premier importateur mondial de pétrole brut, la Chine ; les plus grands importateurs de GNL, le Japon, la Chine et la Corée du Sud ; l'un des premiers exportateurs mondiaux de GNL, l'Australie, et d'autres exportateurs de GNL, à savoir la Malaisie et l'Indonésie. On y retrouve aussi les premiers exportateurs mondiaux de charbon : l'Australie et l'Indonésie. Vu que l’objectif de la zone est de réduire progressivement, puis de supprimer, les frais de douanes sur leurs échanges, ces pays auront de moins en moins intérêt à importer des hydrocarbrures américains. Selon les analystes, la zone pourra même techniquement s’autosuffire en énergie. Ce qui devrait modifier, à terme, la géopolitique mondiale dans le secteur.
Perte de parts de marché
La zone couverte par le RCEP est désormais la première zone économique mondiale devant les USA et l’UE, avec 30% du PIB mondial. Elle représente également le plus grand importateur mondial de pétrole brut, de gaz naturel et de charbon, avec ses trois poids lourds économiques que sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Grâce à la réduction des taxes douanières qu’il prône, le nouveau pacte commercial pourrait stimuler le commerce des produits de base entre les pays membres et dessiner une nouvelle ossature des échanges commerciaux mondiaux.
Première zone économique mondiale devant les USA et l’UE, avec 30% du PIB planétaire.
La mise en œuvre de cet accord, dont les premières négociations ont commencé en 2012, pourrait surtout compromettre les exportations américaines de gaz naturel, pour deux raisons.
La première est liée au contexte existant de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Dans un scénario où la Chine peut importer de l’énergie sans frais de douane depuis les Etats-Unis, il apparait plus avantageux pour Pékin de tourner le dos aux importations américaines et de s’approvisionner régionalement même si le pétrole et le gaz américains sont réputés très compétitifs. Or, faut-il le souligner, c’est l’un des plus gros clients de l’offre énergétique américaine. D’un autre côté, si la prochaine administration Biden tient sa promesse d'interdire tout nouveau forage en onshore et dans les eaux fédérales, on observera une baisse drastique de la production américaine et une perte de parts importante sur le marché asiatique, le plus gourmand du monde.
Dans un scénario où la Chine peut importer de l’énergie sans frais de douane depuis les Etats-Unis, il apparait plus avantageux pour Pékin de tourner le dos aux importations américaines et de s’approvisionner régionalement
Le président élu américain compte pleinement adhérer aux principes de l’Accord de Paris sur le climat dont s’est retirée l’administration Trump. Une enveloppe de 2000 milliards de dollars sera d’ailleurs débloquée d’ici 2035 pour le développement et l’expansion des énergies vertes dans le secteur électrique américain. Ceci devrait mettre en péril la pérennité de la consommation de gaz naturel aux Etats-Unis, mais aussi avoir un impact sur le marché mondial, puisque les USA en sont devenus l’un des plus gros exportateurs.
Joe Biden veut miser sur les énergies renouvelables.
La réalisation de cette nouvelle politique énergétique pourrait entraîner une baisse des exportations annuelles de gaz américain de 800 milliards de pieds cubes, d'ici 2030. Au même moment, les importations américaines de brut pourraient augmenter de 2 millions de barils par jour, d'ici 2030. Ainsi, la baisse potentielle de la production américaine de pétrole et de gaz pourrait laisser plus de place à l'Australie et à l'Indonésie, par exemple pour reprendre la part de marché des Etats-Unis dans le commerce du GNL.
Ainsi, la baisse potentielle de la production américaine de pétrole et de gaz pourrait laisser plus de place à l'Australie et à l'Indonésie, par exemple pour reprendre la part de marché des Etats-Unis dans le commerce du GNL.
Le reste de la demande, si elle est insatisfaite par l'offre de la zone RCEP, pourrait être éventuellement comblée par les producteurs du Moyen-Orient, d'après l'American Petroleum Institute (API).
Il faut rappeler que les exportations américaines de GNL vers la Chine étaient prévues pour augmenter dans les années à venir, grâce au premier accord commercial entre les deux géants pour des approvisionnements à terme. L’AIE estimait même que les Etats-Unis deviendraient le plus grand exportateur mondial de gaz à partir de 2022, grâce au boom du schiste et à la demande sans cesse croissante. Mais la guerre commerciale qui a commencé en 2018 a décimé les exportations américaines de GNL vers la Chine. On estime que le retour au multilatéralisme de Biden qui contraste avec les politiques isolationnistes de Trump n’y fera rien, car les taxes américaines seront maintenues sous la nouvelle administration.
Victoire pour la Chine ?
La Chine, qui a salué le RCEP comme « une victoire du multilatéralisme et du libre-échange », refuse pourtant de le considérer comme une victoire dans sa guerre économique contre les Etats-Unis.
La signature du RCEP est surtout la conséquence directe du retrait des Etats-Unis de l'Accord de partenariat transpacifique en 2017, un traité commercial signé en 2016 avec sept autres pays de la région du Pacifique pour bloquer l’expansionnisme économique de la Chine. Il s’agit de l’Australie, du Canada, du Japon, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande, du Singapour et du Vietnam.
La signature du RCEP est surtout la conséquence directe du retrait des Etats-Unis de l'Accord de partenariat transpacifique en 2017, un traité commercial signé en 2016 avec sept autres pays de la région du Pacifique pour bloquer l’expansionnisme économique de la Chine.
Il faut savoir que ce n’est pas la Chine qui est à l’origine du RCEP, mais plutôt l’ASEAN, une organisation politique et économique des pays d’Asie du Sud-Est. Aux 10 pays de cette entité régionale se sont ensuite ajoutés la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour former le RCEP.
La guerre commerciale de Trump a décimé les exportations américaines de GNL vers la Chine.
Selon le Peterson Institute for International Economics, un think tank basé à Washington, le RCEP pourrait générer 164 milliards de dollars pour les économies des pays signataires, d’ici 2030. Il poursuit en indiquant que dans le scénario d’une normalisation des relations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, cette dernière serait le premier bénéficiaire de cet accord, avec un surplus de revenus de près de 85 milliards de dollars à l’horizon 2030. Le Japon et la Corée du Sud suivront avec des gains respectifs attendus de l’ordre de 48 et 23 milliards de dollars. Pour ces deux derniers pays, il s’agira d’un accroissement de leur revenu réel de 1 %, par rapport à une situation sans cet accord commercial.
Olivier de Souza