(Agence Ecofin) - En Tunisie, la radio religieuse Nour et la chaîne de télévision Al Insan sont fermées depuis le 25 juillet 2014, pour défaut de licence et appel au djihad. Le gouvernement qui a pris cette décision, signe et persiste qu’il y a eu « concertation » avec la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica). C’est en tout cas la teneur d’un communiqué signé après la fermeture des deux médias.
En face, la Haica soutient qu’elle n’a jamais été consultée. « J'ai été informé de cette décision par les médias », a dit le président de l’instance de régulation, Nouri Lajmi, non sans s’étonner sur la radio Shems Fm. « C'est totalement faux! Nous avons contacté la Haica par téléphone, nous avons les enregistrements », a affirmé Mofdi Mseddi, chargé de la communication de la présidence du gouvernement, cité par le journal HuffPost Maghreb. La polémique porte moins sur la culpabilité de la radio Nour et de la télévision Al Insan, que sur l’institution habilitée à sanctionner et sur le respect de la procédure de sanction.
La décision du gouvernement a été prise au lendemain de l’attaque terroriste de Châambi ayant coûté la vie à 15 soldats tunisiens. Pour justifier la fermeture des médias, la présidence du gouvernement indique qu’il « veille à la neutralisation de tout discours prônant le "takfir", car tout le monde est impliqué dans la guerre contre le terrorisme ». D’ailleurs, la cellule de crise gouvernementale a pris une série de décisions, notamment la fermeture de plusieurs mosquées hors du contrôle de l'Etat et l’interdiction à toute personne, parti ou institution de « dénigrer » les institutions militaire et sécuritaire, sous peine de poursuites judiciaires.
Or il y a les deux décrets-loi 115-2011 relatif à la liberté de la presse et 116-2011 portant sur la liberté de la communication audiovisuelle et sur la création de la Haica. Cette instance brandit d’ailleurs le second texte qui abroge « tous les textes antérieurs contraires aux dispositions du présent décret-loi ». L'article 31 donne également à la Haica le pouvoir d'infliger des amendes « en cas d’exercice des activités de diffusion sans licence ». Selon le texte, c’est encore l’instance de régulation qui décide de la suspension provisoire ou définitive d'un programme ou d’un média.
Le président de la Haica a expliqué que l’instance de régulation était encore en train d’examiner les infractions commises, non pas seulement par la radio Nour, par plusieurs médias dont le discours incite à la violence. Aucune décision ne pouvait être prise avant les vérifications nécessaires, a-t-il ajouté.
Interrogé par l’agence TAP, le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), Néji Bghouri, a mis en garde le gouvernement sur le fait que la guerre contre le terrorisme ne doit pas servir de prétexte pour torpiller la liberté d’expression et le pluralisme des médias. Pour lui, ce sont « les deux plus importants acquis post-révolution ».
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