(Agence Ecofin) - Plusieurs acteurs des web-médias s’estiment désormais menacés dans le monde arabe depuis le rôle important joué par les réseaux sociaux et Internet dans les soulèvements populaires qui ont secoué cette partie de la planète. Le constat a été fait au cours du Forum 4M qui s’est tenu du 17 au 19 octobre 2014 à Beyrouth au Liban, organisé par Canal France International, l’agence française de coopération médias, et la fondation libanaise Samir Kassir pour la protection des journalistes.
Plusieurs exemples illustrent combien certains Etats arabes ont durci le ton. Il y a le cas du bloggeur tunisien, Jaber Mefri, condamné en 2012 à 7 ans de prison et une amende de 1200 dinars. Le jeune homme a finalement été libéré après 2 ans passés derrière les barreaux en Tunisie. Il avait été condamné après avoir publié des caricatures du prophète Mahomet sur Facebook. Son co-accusé, Ghaz Béji, n’a pas bénéficié de la grâce présidence, lui qui avait pris la fuite dès le déclenchement de l’affaire.
En 2013, Algérie a connu l’affaire des bloggeurs accusés de « glorification du terrorisme » et « insulte aux institutions judiciaires de l’Etat ». Plusieurs d’entre eux avaient été arrêtés pour voir partagé sur leur page Facebook des photos et des caricatures du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Ils avaient aussi commis le crime de critiquer la candidature de ce dernier pour un 4ème mandat à la tête de l’Etat.
Au Maroc, les ennuis judiciaires d’Ali Anouzla sont loin d’être terminés. Il est poursuivi dans le cadre de la loi anti-terroriste pour avoir référencé sur le site de son journal le lien d’une vidéo d’Al-Qaeda au Maghreb islamique menaçant le Maroc et son roi. Le gouvernement a même déposé une plainte contre le journal espagnol El Païs qui avait publié le document. Son correspondant au Maroc a été remplacé.
Lors du Forum 4M, les participants, quelques 200 blogueurs, journalistes et entrepreneurs de médias, n’ont pas manqué de réfléchir sur les marges de manœuvre dont disposent encore les médias en ligne pour continuer d’exister dans le monde arabe, ainsi que les stratégies à déployer pour préserver l’acquis démocratique d’Internet et du numérique. Un enjeu de taille, car les 22 pays arabes comptent 132 millions d’internautes dont 71 millions d’utilisateurs des réseaux sociaux. « Nous avons assisté au cours des dernières années à la démocratisation des médias, avec les médias sociaux et les réseaux panarabes, amplifiant la voix des citoyens ordinaires. Tout le monde ou presque a aujourd’hui accès à la publication d’informations et peut raconter ses propres histoires. Pendant les événements de la place Tahrir, un espoir est né. Mais depuis, on observe une tendance à vouloir encadrer la liberté de parole des médias numériques et de ceux qui les utilisent», a expliqué le journaliste égyptien Ahmed Shihab-Eldin, cité par SlateAfrique. Il évoque le cas de l’Egypte depuis la chute du président Hosni Moubarak en 2011.
Malgré l’adversité, les médias en ligne doivent trouver le moyens de se maintenir, tant par la ressource économique et par leur professionnalisme, pense Benoît Thieulin, fondateur de l’agence La Netscouade et président du Conseil national français du numérique. C’est dans ce sens que travaille le projet Digital News initié par Syed Karim, qui accompagne les jeunes entreprises fragiles économiquement.
Assongmo Necdem
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