(Agence Ecofin) - Bien que le phénomène du Big data soit présenté comme incontournable pour la maîtrise future de l’environnement informatique, certains pays d’Afrique à fort potentiel hésitent encore à s’y lancer. D’autres ont pris les devants.
Afrique du Sud : la grande pionnière
Avec en 2010 un taux de pénétration mobile estimé à près de 100% pour plus de 8,2 millions pour l’internet, la nation arc-en-ciel se veut la tête de proue technologique de l’Afrique. Elle s’est toujours taillé une place de choix parmi les autres nations africaines. Pour ce qui est du Big Data, le pays s’est rapidement mis à la page à travers plusieurs entreprises qui offrent des solutions d’analyse de données.
Selon une étude de la société EMC, spécialisée dans les outils de stockage et d'archivage de données, seules 40% des entreprises en Afrique du Sud envisagent encore d’adopter le Big Data. La majorité d’entre elles ont déjà intégré des solutions y afférentes. C’est tout dire de l’ampleur qu’a pris le phénomène.
Divers secteurs sont concernés. Que ce soit l’assurance, la santé, les ressources humaines, la finance, le Big Data est partout. L’entreprise de Marketing Coface Services l’a adopté et l’utilise pour fournir à ses clients un moyen de cibler des prospects sur différents critères, de surveiller des populations et d’extraire les produits adaptés aux besoins de ses clients. Pour démontrer au reste des indécis le pouvoir transformateur du Big Data, il est programmé pour le 14 novembre 2013, à Cape Town, une rencontre internationale baptisée : « Big Data Africa Congress ». Dans un pays où l’informatique est très développée par rapport aux autres pays d’Afrique, des outils de stockage et de gestion d’un grand volume de données deviennent nécessaires. Adrian McDonald, le directeur d'EMC EMEA, redoute d’ailleurs que les entreprises des pays émergents comme l’Afrique du Sud ne deviennent de redoutables concurrentes dans le Big Data pour celles des pays développés. Les Data centres qu’abritent l’Afrique du Sud démontrent également que le pays avait commencé à se préparer à la masse de données en circulation. Le pays en compte plus de dix.
Dans la zone Afrique francophone, le Maroc est l’un des pays qui mise le plus sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour son développement. En 2009, le pays a lancé sa stratégie « Maroc Numeric 2013 » avec pour objectif de faire du Maroc le hub technologique majeur de l’Afrique. Les efforts réalisés pour atteindre ce but ont conduit à l’accroissement du taux de pénétration mobile à 110% en 2012 et l’accès à Internet a explosé grâce à l’internet mobile porté par la 3G.
Aujourd’hui, avec la 4G en perspective, le Maroc s’achemine vers le Big Data. Conscient du défi que cela représente, le pays compte sur son partenaire de longue date (depuis 1932), la firme américaine IBM, présente dans plusieurs pays africains à fort potentiel TIC pour offrir son appui dans la gestion des données numériques. Pour le président directeur général d’IBM Maroc, Abdallah Rachidi Alaoui, le royaume « représente un marché important pour IBM ». « Nous avons un plan de développement précis et ambitieux sur cinq ans (2011-2015) », ajoute-t-il.
Les outils Big Data viendront certainement par la suite puisqu’IBM, qui a davantage avancé dans ce domaine avec d’autres pays Africains comme le Kenya ou l’Afrique du Sud, ne compte pas laisser en si bon chemin son principal collaborateur dans la zone Afrique francophone. Il semble alors que ce ne soit plus qu’une question de temps avant que la société ne passe aux choses sérieuses dans le royaume. Pour le moment, le pays avance à pas très mesurés, malgré le nombre d’infrastructures TIC de pointe qu’il abrite déjà comme le Maroc Data centre.
Kenya : l’élan vers le futur
S’il y a un pays africain qui peut se targuer de réaliser des progrès en informatique, aussi bien en termes d’innovations que d’appropriation technologiques, c’est bien le Kenya. Avec une population estimée à 41,61 millions de personnes en 2011, un taux de pénétration du mobile de plus de 50% et d’Internet de 80% grâce au mobile, le volume de données qui sont générés au quotidien est faramineux.
La forte adoption de l’internet mobile et des services de paiement mobile comme le M-Pesa ont accentué la production de données. C’est cette vitalité informatique qui a d’ailleurs convaincu le pays d’accepter que des entreprises informatiques comme IBM y installent des Data centres pour aider les sociétés à mieux gérer leurs masses de données. L’adoption du Big Data par le Kenya se traduit mieux encore à travers le partenariat que le gouvernement a signé avec la firme IBM pour réduire la congestion des services de transport en commun et d'en accroître la capacité comme à Singapour. De manière pratique, IBM va recueillir et analyser des données à partir de la grille de transport de la capitale kenyane pour prévoir et identifier les retards, rediriger automatiquement le transport vers les voies optimales et informer les navetteurs directement par SMS et par des mises à jour d'applications mobiles.
Selon Ocea Garriock, le responsable technique en chef pour professionnels chez IBM Software, bien que le Kenya ne dispose pas encore des capteurs omniprésents et de l'infrastructure de surveillance sur lesquels s’appuie le système de Singapour, le pays utilisera des « algorithmes et des données de téléphones mobiles pour les aperçus en temps réel nécessaires pour modéliser et anticiper les embouteillages ». Aujourd’hui, le Big Data est sollicité dans divers domaines comme l’approvisionnement en eau potable pour améliorer les conditions de vie des populations.
Nigeria : le géant endormi
Malgré son grand potentiel, le pays reste encore hésitant quant à l’adoption complète de cette nouvelle technologie. Le Nigeria est l’un des pays d’Afrique qui regorge d’une masse importante d’abonnés mobile, près de 140 millions, et d’un dynamisme du secteur Internet. Cette forte activité génère d’importants volumes de données numériques qui offrent là un potentiel Big Data pour les entreprises locales. Mais ce grand potentiel reste encore inexploité. C’est ce que pense Patricia Florissi, la vice-présidente de l’entreprise EMC qui déplore le retard du pays à l’arrimage complet à cette technologie d’un nouveau genre. En effet, malgré le bouillonnement de son secteur Internet et mobile, le Nigeria hésite encore à embrasser totalement le Big Data. Pourtant, en adoptant quelques outils technologiques, le pays a montré il y a peu quelques signes prouvant son intérêt pour cette nouvelle ère informatique. Le Data centre qu’a construit MTN dans le pays pour conserver et archiver les gros stocks de données des entreprises opérant dans le pays en est une preuve.
Pour que le pays fasse définitivement le grand saut, plusieurs rencontres internationales s’y sont tenues. Certaines ont été organisées par des grandes firmes mondiales dans le but de démontrer aux acteurs du secteur TIC du pays le formidable potentiel que représente le Big Data pour leurs affaires respectives. Avant la dernière rencontre internationale du genre, donnée en mai 2013 par Mobile Monday Nigeria sur ce qu’est le Big Data et ses opportunités, c’est la firme américaine Microsoft qui a organisé son show en mars dernier. Baptisée « Microsoft Run your Enterprise », la société de logiciels a voulu partager à travers sa plateforme quelques unes de ses solutions innovantes Big Data qui pourraient améliorer les performances de ses clients dans le marché émergent que représente le Nigeria.
Egypte : conscient de l’importance
Dans un environnement informatique qui mute peu à peu vers le Big Data, il semble de plus en plus important pour les entreprises égyptiennes de s’y arrimer pour offrir des services de qualités aux consommateurs.
L’opérateur de téléphonie mobile Mobinil l’a compris et c’est pour cela que la société a déployé la solution Enterprise Data Integration de Talend. Avec plus de 30 millions de clients et environ 200 millions d’appels téléphoniques par jour, Mobinil doit gérer d’importants volumes de données. L’opérateur cherchait à extraire différents types d’informations des Call Data Records (CDR) générés à chaque appel, puis à les intégrer à ses systèmes de gestion de campagnes marketing, de simulation tarifaire et de revenue assurance.
De cette manière, Mobinil veut mieux appréhender les besoins de ses clients, fiabiliser la facturation de ses services, détecter les fraudes et élaborer de multiples rapports. L’analyse de données issue de l’activité des clients de Mobinil lui permettra ainsi d’étudier les modes de consommation de ses abonnés.
Hormis l’opérateur Mobinil, le pays lui-même avait déjà commencé à faire du Big Data une réalité. En effet, en abritant des Data centres pour stocker le trop plein d’informations numériques produits au quotidien par la centaine d’entreprises publiques et parapubliques, et privées, l’Egypte montre bien sa volonté de dompter les masses d’informations numériques. Parmi les Data centre que compte le pays, figure celui de Telecom Egypt ou encore celui de ECC.
Par Muriel Edjo pour le magazine Réseau Télécom No 64
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.