(Agence Ecofin) - Directeur général d’Intersec, une entreprise française spécialisée dans la fabrication des logiciels pour opérateurs téléphoniques, Yann Chevalier (photo) explique les grands enjeux et les défis du Big Data en Afrique.
Lorsqu’on sait que le volume de production des données sur le continent africain reste relativement bas comparé aux autres endroits du monde, quels objectifs pertinents peut-on poursuivre à y exploiter le Big Data, la quête de positionnement ou alors une optimisation au plan décisionnel ?
Yann Chevalier : Au contraire, le volume de données transitant sur les réseaux des opérateurs africains est tout aussi important et valorisable que chez leurs homologues occidentaux ou asiatiques ! L’exploitation de ces données permet effectivement de lancer des services très innovants tels que la publicité mobile géolocalisée, le marketing contextuel et individualisé, le M-Education ou encore le M-Health. Mais également d’armer les équipes de direction pour la définition de leurs plans stratégiques et opérationnels en se basant sur des faits vérifiables, et en accédant à des données en temps réel.
En termes de défis quels sont ceux auxquels on peut être amené à faire face lorsqu'on est sur le marché africain ?
YC : Le marché africain est l’un des plus innovants. Les télécoms ont une place centrale dans les économies nationales et la concurrence est telle que les opérateurs doivent multiplier les investissements en infrastructure réseau afin de couvrir la totalité des territoires, tout en répondant à des besoins grandissant en capacités d’échange de messages. Notre défi majeur est de défendre que la performance technique va de pair avec la pertinence de l’offre marketing, dans une optimisation totale des tâches afin de permettre aux équipes de l’opérateur de se concentrer sur l’essentiel : la bonne offre, au bon client, au bon moment, mais aussi au bon endroit.
Quels sont selon vous les secteurs qui immédiatement peuvent être demandeurs des services relatifs au Big Data, notamment au sein des administrations publiques ?
YC : La valorisation du patrimoine Data des opérateurs télécoms auprès d’acteurs tiers est un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel nous travaillons depuis 2009. Quand on considère les taux de pénétration du mobile, qui reste allumé dans la poche de son propriétaire en moyenne 16 heures par jour, les opérateurs ont la capacité exclusive de réaliser en temps réel des études de densité à l’échelle globale, ou de proposer aux annonceurs des services de publicité géolocalisée. SFR a lancé cette activité et le succès est fulgurant : que ce soit au travers de sa régie publicitaire ou au travers de la monétisation de sa Big Data. Le carnet de commande est plein : distributeurs souhaitant définir la localisation d’un nouveau point de vente, agence de transport public souhaitant optimiser la gestion des flux de passagers, gouvernement désireux de pouvoir alerter la population en cas de catastrophe naturelle…
Sur un plan purement prospectif, comment se dessine le futur du marché du Big Data en Afrique ?
YC : La monétisation de la Big Data télécoms est pour nous la réponse aux opérateurs quand il s’agit de consolider leur valeur sur le marché, de prendre des décisions basées sur des faits vérifiables plutôt que des intuitions et d’ouvrir des nouveaux canaux de revenus, en valorisant les études issues de l’analyse de leur mine d’or : leur réseau. Que l’impulsion vienne des opérateurs directement ou qu’ils y soient incités par les acteurs externes et publics, le marché du Big Data est extrêmement prometteur. C’est l’occasion pour les opérateurs de s’approprier une place centrale dans une économie florissante et en devenir.
Au mois de novembre se tiendra au Cap en Afrique du Sud la toute première conférence sur le Big Data en terre africaine et vous allez y participer, qu’en espérez-vous ?
YC : La conférence Africacom est une occasion unique pour toute l’industrie télécoms d’échanger autour des challenges majeurs qu’elle s’apprête à relever. En 2012, nous avons été très fiers de recevoir l’award de la solution innovante pour notre solution Loyalty Management Suite, qui permet à plus de 25 opérateurs africains de collecter la Big Data de leurs abonnés en vue de leur offrir un service personnalisé et contextuel. Cette année encore, c’est avec beaucoup d’entrain que notre équipe se déplacera au Cap, depuis nos bureaux régionaux et le siège français. Cette conférence nous aide à assurer la bonne cohérence de notre offre technologique de pointe aux besoins du marchés, en échangeant avec les leaders de l’industrie et en partageant nos dernières innovations.
Le Big Data en Afrique représente-t-il aujourd'hui une opportunité sérieuse pour les entreprises spécialisées comme les vôtres, si oui lesquelles ?
YC : L’Afrique est le marché d’export historique d’Intersec. Avec des disparités importantes en équipements réseaux, en densités et typologies de population et une forte domination d’abonnés dits « prépayés », les opérateurs relèvent au quotidien le challenge de construire une offre de services compétitive et innovante à destination d’une base d’abonnés qu’ils peinent à connaître. La collection et l’analyse de leur Big Data transitant sur leur réseau est un levier essentiel : en connaissant les abonnés, ils maîtrisent leur valeur au travers de la construction d’offres individuelles qui se démarquent du raz-de-marée des offres grand marché où la guerre des prix n’est que trop souvent l’unique argument.
Pour les organisations basées en Afrique qui ont recours à vos services, quel est leur profil et le type de besoins qu’elles formulent très souvent ?
YC : La technologie d’Intersec est conçue de façon exclusive pour les opérateurs télécoms, qu’ils soient nouvel entrant sur leur marché ou leader historique avec plusieurs dizaines de millions d’abonnés, fixes, mobiles ou internet. Nos clients font appel à nous en matière de Big Data dans l’objectif de pouvoir enfin valoriser les milliards d’événements qui transitent sur leur réseau et que, faute de capacité de traitement, ils n’étaient pas en mesure d’utiliser pour la création de services. Nous leur permettons de détecter en temps réel qu’un chef d’entreprise a une difficulté de navigation web due à une baisse de qualité de service afin de lui offrir un geste commercial en dédommagement ou encore de permettre à une mère de famille de valoriser l’usage de son téléphone fixe en lui offrant du temps d’appel sur son mobile. Les exemples sont infinis. Le credo reste de garantir la satisfaction des clients au travers de services rémunérateurs pour l’opérateur. Et ceci facilement.
Propos recueillis par Idriss Linge pour le magazine Réseau Télécom No 64
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