Cameroun : pourquoi Herakles Farms s’est retiré de la Table ronde sur l’huile de palme durable

  • Date de création: 10 septembre 2012 17:35

(Agence Ecofin) - « Arnaque dans le palmier à huile : comment une société américaine revient sur ses engagements environnementaux et sociaux au Cameroun ». C’est le titre d’un communiqué de presse rendu public le 4 septembre 2012 par le Centre pour l’environnement et le développement (CED) après la décision de la société Sithe Global Sustainable Oils Cameroon (SGSOC) de renoncer à ses engagements en matière sociale et environnementale.

Renonciation se traduisant par son retrait de la Table Ronde sur l’Huile de Palme Responsable (RSPO), une organisation mise en place en 2004 avec pour objectif la promotion de la culture du palmier à huile et l’utilisation de l’huile de palme tout en observant des standards globalement crédibles et en sollicitant l’engagement des parties prenantes. C’est une table ronde qui regroupe tous les intervenants de la filière. De la production de l’huile de palme à son utilisation.

Le président directeur général de Herakles Farms, Bruce Wrobel (photo), dans un communiqué de presse, rendu public le 09 septembre 2012 explique les raisons de son retrait du processus. « C'est simplement parce que la RSPO, en tant qu'organisation est encore trop jeune et ne dispose pas du personnel technique clé pour mener à bien sa mission d'aider les intervenants dans l'examen des projets adaptés à la culture du palmier à huile », répond-il.

Bruce Wrobel explique que son entreprise a soumis une demande d'approbation des nouvelles procédures de plantation cette année. « Cette demande résumait les résultats des études environnementales réalisées et par procédure, publiés pour commentaires du public. Comme l’on pouvait s’y attendre, des commentaires ont fusé de divers horizons et bon nombre étaient constructifs et ont été pris en considération par Herakles Farms. Malheureusement, beaucoup de commentaires sont subjectifs et ne trouvent pas de réponses parce que tout le domaine n’était pas étudié ».

Néanmoins, Herakles Farms n’entend pas s’exclure du respect des normes environnementales. « Nous avons l'intention de suivre les directives et les normes du RSPO ainsi que les normes de performance de la Banque mondiale et de la SFI. En fait, nous sommes impliqués dans des initiatives expérimentales qui, telles que nous pensons, nous permettront de dépasser certaines de ces normes et de créer de nouvelles normes de bonnes pratiques », explique-t-il.

Il invite d’ailleurs les universités camerounaises, les États-Unis et certaines ONG environnementales « de bonne réputation » à l'élaboration d'un ensemble de normes de durabilité adaptées aux caractéristiques sociales et environnementales du Cameroun.

Récriminations

Dans son communiqué du 6 septembre dernier, le CED laisse entendre que la durabilité n’entre pas dans la vision de Herakles Farms. Samuel Nguiffo, le secrétaire exécutif du CED affirme que « l’attitude de la compagnie montre que la durabilité n’a jamais fait partie de sa culture. On note en effet un grand décalage entre le discours de la compagnie, très favorable à l’environnement et aux populations, et ses pratiques, indignes d’une société envisageant de cohabiter pacifiquement, pendant 99 ans avec des communautés ».

Joint au téléphone pour avoir sa réaction au manque de personnel technique de la RSPO évoqué par Herakles Farms, Samuel Nguiffo se demande pourquoi ils ont d’abord choisi d’être à la Table ronde. Il explique : « Pourquoi se rendent-ils compte que le personnel technique a un problème juste au moment où on dit qu’on va envoyer quelqu’un qui va regarder ce qu’ils font. Le principal danger du palmier à huile, c’est qu’il détruit la forêt. Il pousse dans des zones forestières. Le palmier à huile peut donc remplacer la forêt. L’une des règles de la table ronde c’est de s’assurer qu’on ne détruise pas les forêts très riches pour les remplacer par des palmiers à huile. Il faut détruire les forêts qui sont pauvres. La concession d’Herakles est située au milieu de quatre aires protégées. Cela veut dire que l’endroit est très riche. Herackles soutient que l’endroit n’est pas riche. Que c’est une forêt secondaire dégradée. Et la table ronde, compte tenu de ces divergences, demande d’envoyer un expert vérifier si l’endroit est riche. A ce moment-là ils disent qu’on se retire. Comment-jugez-vous cela ? ».

Pour le CED, « au cours des premières années de sa présence au Cameroun, Herakles Farms s’est en effet illustrée par des pratiques inacceptables : violation d’un moratoire sur le développement de la plantation imposé par un tribunal camerounais, opérations illégales constatées par le Ministère des Forêts et de la Faune, défrichage en violation de la procédure légale d’attribution des concessions foncières au Cameroun, agression d’un activiste local, implantation de bornes dans les plantations de paysans, etc. De plus, SGSOC a été à l’origine de l’arrestation de paysans à Fabe. Enfin, leur contrat est conclu en violation de la loi camerounaise, et des dispositions de conventions internationales relatives aux droits de l’Homme ratifiées par le Cameroun ».

D’après l’ONG, « le site revendiqué par Herackles Farms abrite environ 25 000 personnes, et est situé dans une forêt  considérée à haute valeur pour la conservation. Il est localisé entre quatre aires protégées ou projets d’aires protégées, rendant particulièrement périlleuse toute opération à grande échelle qui ne tiendrait pas compte des droits des communautés et de l’environnement », signale le CED.

Beaugas-Orain Djoyum