Agence Ecofin TikTok Agence Ecofin Youtube Agence WhatsApp
Agence Ecofin
Yaoundé - Cotonou - Lomé - Dakar - Abidjan - Libreville - Genève

Les populations du Woleu-Ntem prennent conscience de la valeur réelle du kevazingo

  • Date de création: 13 juillet 2015 19:53

(Agence Ecofin) - Sous la conduite de la Commission Nationale de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (CNLCEI) en collaboration avec l’ONG Brainforest et le PNUD, une mission de sensibilisation et d’information a parcouru la province gabonaise du Woleu-Ntem pour expliquer aux populations la valeur de certaines essences de bois, en particulier du kevazingo. Il s’agissait de les inciter à préserver leur patrimoine et ne plus se laisser tromper par des trafiquants peu scrupuleux qui leur achètent parfois ce bois à des prix dérisoires. Récit de la mission :

La mission a pu mesurer l’ampleur du phénomène (la surexploitation et de manière intensive du kevazingo réputé pour être dense, stable, lourd, dur, résistant aux champignons et aux termites) nourri par l’ignorance des populations, déjà affaiblies par la précarité.

Ainsi, le monde rural a été informé sur la loi régissant l’exploitation de la forêt, ses droits, la procédure pour vendre le bois, la nécessité de protéger le domaine forestier, son potentiel et les alternatives efficaces (ex : forêts communautaires) contre ce que d’aucuns qualifient de « cannibalisation » du kevazingo , en particulier et des autres espèces en général, au risque d’assister à leur extinction dans les années à venir.

Pourquoi cet acharnement sur le ‘keva’ ? Devant les différents chefs de villages ou de regroupements et leurs administrés venus en nombre à chaque escale, M. Essono Ondo Protet Judicaël, chef de mission, expert/exploitation forestière à Brainforest, a précisé : « les qualités et la polyvalence dans l’usage de ce bois (menuiserie, ébénisterie de luxe, artisanat, construction navale, chemin de fer et fabrication d’instrument de musique) provoquent sa surexploitation. »

Mieux, dans un prospectus distribué pour la circonstance par l’ONG, on y découvre que le kevazingo est un « arbre extrêmement rare allant de 0,001 à 0,12 tiges /ha.» Et, comme ce qui est très rare, est cher ; le Keva a tout naturellement une « valeur importante sur le marché du bois.» Pour s’en convaincre, les prix oscillent entre 180.000 (mercuriale des Eaux et forêts) et 400 000 FCFA le mètre cube à Libreville voire deux millions de francs CFA sur les places asiatiques dont la Chine. Dès lors, les exploitants véreux en profitent pour arpenter, la nuit tombée, les villages en proie à la précarité.

465 upl gabon

Dans leur stratagème « ils sont parvenus à acheter notre bois à 30 000/m3, seulement », concède un habitant du regroupement d’Ebomane, visiblement ulcéré par ces pratiques qui gangrènent la filière et menacent la ressource, massive dans le Woleu-Ntem et significativement présente dans l’Ogooué-Ivindo (nord-est).

Selon l’Association Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT), le Gabon, en 2010, était le plus gros exportateur de Kevazingo (l’arbre peut atteindre plus de 40 mètres de long et plus de 2m de diamètre).

Après l’interdiction de sortie des grumes du pays, il y a 5 ans, le Gabon a vendu à l’étranger environ 11 000m3 de ce bois sciés entre 2011 et 2012, loin devant la RDC, le Cameroun et la Guinée-Equatoriale (350 à 1580 m3 par an).

« Depuis bientôt quatre ans, l’espèce est confrontée à des coupes illégales privant le Trésor public d’une manne importante faute de traçabilité et nos populations sont payées en modiques sommes », a renchéri, M. Ekoua Sima Jean-Paulin, Commissaire-Membre à la CNLCEI, alternant le français et la langue vernaculaire (Fang) devant l’auditoire , composé de jeunes, retraités et du troisième âge notamment exposé à la corruption.

 « La loi vous permet de saisir la Commission Nationale de Lutte contre l’Enrichissement Illicite pour dénoncer les cas de corruption, trafic d’influence ou d’avantages indus mais avec des preuves pour une mise en mouvement de l’action publique », a exhorté M. Ekoua Sima, suite aux allégations de l’existence d’un « réseau qui fait le tour des villages parfois la nuit » afin de couper, sans permis, le kevazingo, une espèce pluri-centenaire.

Du reste, Brainforest a rappelé que dans une « fiche informative du 18 avril 2014, la Direction générale des forêts (DGF) a annoncé l’interpellation de six(06) responsables de la coupe illégale de kevazingo dans le nord du pays.» Ils n’avaient pas tenu compte du diamètre minimum d’exploitation (DME), 90 centimètres au Gabon.

La présence en rase campagne de la délégation a été mise à profit pour discuter des alternatives efficaces à la spoliation du précieux bois. On cite la gestion des forêts communautaires autrement appelées dans le code forestier en révision « Domaine forestier rural ». Cette mutualisation des moyens devrait favoriser une gestion optimale des ressources, in fine, améliorer les conditions de vie des populations à travers des infrastructures collectives (écoles, dispensaires, routes…).

A ce niveau, la localité d’Akok, sur la route de Minvoul, enregistre des progrès. Elle a tenu une assemblée générale constitutive d’une association villageoise de leur forêt communautaire, boostée par un ancien cadre de la Direction générale de l’aménagement du territoire. Les responsables des Eaux et Forêts de la province du Woleu-Ntem accompagnent le projet, a-t-on appris.

Les membres pourraient mieux négocier avec les acteurs de la filière, y mener toutes activités : éco-tourisme, pisciculture, création d’une scierie, formation des jeunes du village et sécurisation des forêts d’autant plus qu’il y a aussi une exploitation illicite qui se développe au-delà du keva.

Aux termes de la mission, des villages « pilotes » ont été identifiés pour la poursuite de la campagne de sensibilisation et d’information sur la lutte contre la corruption dans le secteur forestier sous la férule de l’ONG Brainforest.

En outre, il est prévu des séminaires dans quelques capitales provinciales à l’endroit des exploitants forestiers, administrations locales du secteur et autorités administratives à l’effet de « sensibiliser mais aussi de trouver des voies et moyens d’implémenter la Stratégie de Lutte contre la corruption et le Blanchiment des Capitaux (SLCCBC) et la Convention des Nations Unies contre le Crime et la Drogue (CNUCC) », a assuré l’Organisation Non Gouvernementale.

Des initiatives saluées tant à Oyem et Bitam que par les chefs de regroupements des villages convaincus qu’« ils ne se feront plus tromper » par les trafiquants tout en militant pour une « synergie entre les communautés villageoises, les ONG, les Eaux et Forêts et la CNLCEI pour que cesse l’exploitation frauduleuse du kevazingo, que les anciens présentent comme un bois sacré ».

Commission Nationale de Lutte Contre L'Enrichissement Illicite

Enveloppe Recevez chaque semaine la lettre
Ecofin Droits