(Agence Ecofin) - Plus d’une décennie après sa libéralisation, le secteur marocain des télécoms entame une grande réforme législative. Azdine El Mountassir Billah, directeur général de l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT), retrace pour Réseau Telecom Network, les importants chantiers réglementaires entrepris par l’Agence.
Dans sa note d’orientation sectorielle des télécoms, le gouvernement marocain a relevé que les prix des communications n’ont pas suffisamment baissé. Qu’en est-il au juste ?
AEMB : Avant de répondre à cette question, je tiens tout d’abord à préciser que les opérateurs sont libres de fixer les prix de détail, l’ANRT n’agit que sur le marché de gros et examine le respect de la concurrence loyale au niveau des tarifs de détail. C’est ainsi que l’ANRT a pris des mesures de régulation au niveau des tarifs d’interconnexion et ce, en mettant en place un Price cap qui traduit une baisse importante des tarifs d’interconnexion sur une période de trois ans (2010-2013). Ainsi, le prix des communications, mesuré par le revenu moyen par minute (ARPM) confirme sa tendance baissière à fin septembre 2011. Pour le segment mobile, l’ARPM enregistre une baisse significative de 35% entre fin septembre 2010 et fin septembre 2011. Il passe de 1,17 DHHT/min à 0,76 DHHT/min. Pour sa part, l’usage moyen sortant mensuel par abonné mobile s’accroît de 44% durant cette même période, atteignant en moyenne 56 minutes/mois/client à fin septembre 2011 contre 39 minutes un an auparavant.
Pourtant, les consommateurs marocains se plaignent souvent. Quels sont les résultats de l’audit sur les systèmes de facturation des 3 opérateurs ?
AEMB : L’audit des systèmes de facturation de Meditel, IAM et WANA, réalisé en 2010 par un cabinet international, a montré que la situation marocaine en matière de transparence tarifaire et d’exactitude de facturation se situe tout à fait dans les pratiques de l’industrie et les benchmarks internationaux. En ce qui concerne les quelques légères anomalies relevées par l’auditeur, relatives aux obligations des opérateurs en matière de principes de facturation et d’information tarifaire, l’ANRT a demandé aux trois opérateurs d’apporter les corrections correspondant aux non conformités détectées.
Le secteur marocain des télécoms entame une grande réforme législative. Qu’est-ce qui justifie cette nouvelle refonte des textes ?
AEMB : En février 2010, le secteur s’est doté d’une nouvelle note d’orientations générales pour le développement du secteur à l’horizon 2013. Cette note a principalement dressé le bilan des réalisations enregistrées durant la période 2004-2008 et a fixé les objectifs attendus à l’horizon 2013, compte tenu des perspectives de développement du secteur. Afin d’atteindre les objectifs tracés, ladite note a mis l’accent sur la nécessité de procéder à une révision du cadre législatif et réglementaire sectoriel afin de l’adapter aux évolutions du marché et des technologies et pour qu’il puisse accompagner et encadrer la mise en œuvre des mesures préconisées. Les propositions de modifications touchent les aspects relatifs à l’interconnexion et à l’accès, au partage des infrastructures, à l’itinérance nationale, au service universel, à l’encadrement des relations opérateurs/consommateurs, au renforcement et à la clarification des attributions de l’ANRT.
Quels sont les amendements qui ont été introduits ? Où en est actuellement cette loi quant à son adoption?
AEMB : Concernant le projet de décret portant sur les conditions générales d’exploitation des réseaux publics de télécommunication, il a pour objet de clarifier et d’encadrer certaines dispositions relatives à l’approbation des tarifs des services de télécommunications, aux modalités d’information du public par les opérateurs de leurs conditions générales et contractuelles d’offres et de services, aux obligations de ces derniers en matière ide qualité de service. Le projet clarifie également certaines dispositions relatives à la mise en œuvre du service universel et aux obligations des opérateurs concernant le partage d’infrastructures.
S’agissant du projet de décret sur l'interconnexion et l'accès aux réseaux de télécommunications, il a pour objet de compléter et d’encadrer certaines dispositions traitant de l’interconnexion et de l’accès aux réseaux de télécommunications et de clarifier les obligations des opérateurs exerçant une influence significative sur les marchés particuliers de télécommunications.
Maintenant, pour ce qui est du projet de décret fixant la procédure suivie devant l’ANRT en matière de litiges, de pratiques anticoncurrentielles et d’opérations de concentration économique, il introduit des modifications concernant les règles de procédure applicables en matière de règlement des litiges relatifs à l’interconnexion et à l’accès, à l’itinérance nationale et au partage des infrastructures. Lesdites modifications visent également l’adaptation de la procédure relative aux pratiques anticoncurrentielles et aux opérations de concentration économique dans le secteur des télécommunications et la définition des conditions et de la procédure d’autosaisine de l’ANRT lorsqu’il lui apparait que des faits, des pratiques ou des agissements peuvent porter atteinte, perturber ou nuire au bon fonctionnement des marchés de télécommunications et à l’exercice d’une concurrence loyale.
L’Etat marocain est en train de donner plus de pouvoir au Conseil de la concurrence. Ne s’achemine-t-on pas des problèmes de compétence entre ce Conseil et les différents régulateurs sectoriels comme l'ANRT, la HACA…?
AEMB : La décision prise fin 2004 (loi n°55-01 modifiant et complétant la loi n°24-96) de charger l’ANRT, de façon explicite, de veiller au respect des règles de concurrence loyale dans le secteur des télécoms et de trancher les litiges y afférents, traduit la volonté du législateur de doter le régulateur des prérogatives nécessaires pour accompagner l’évolution que connaissait le secteur. Des règles de procédures ont été instituées permettant aux opérateurs concernés de faire valoir leurs arguments, dans le cadre d’une instruction garantissant les droits de la défense et le principe du contradictoire. Depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition, l’ANRT s’est penchée sur 10 saisines concernant des pratiques anticoncurrentielles relatives aux tarifs et à la qualité de service de certaines prestations de gros, à l’accès aux réseaux de télécoms et aux règles d’accès aux marchés.
Propos recueillis par Samba Khassé Sylla pour le magazine Réseau Télécom Network No 51.
Les recettes d’une success story
Comment le secteur marocain des télécoms est-il parvenu à peser plus de 3 milliards d’euros et de croître encore ?
AEMB : Cette dynamique dépend de plusieurs paramètres dont la volonté politique des hautes autorités de l’Etat et du gouvernement de faire du secteur des télécommunications un levier de croissance économique incontournable. Cet objectif a pu être atteint en dotant le secteur d’un organe autonome disposant de moyens techniques et humains permettant de garantir une bonne régulation. En effet, en 1997, le royaume du Maroc, s’est doté d’une nouvelle réglementation spécifique pour le secteur des télécommunications en parfaite harmonie avec les traités internationaux auxquels le royaume du Maroc souscrit. L’objectif étant d'encourager les initiatives privées pour permettre le développement des réseaux et des services.
En 1999, la libéralisation du mobile a été amorcée par l’octroi d’une deuxième licence GSM, puis plusieurs autres licences ont été attribuées portant sur des services par satellites et des réseaux 3RP. En 2004, les pouvoirs publics ont souhaité insuffler une nouvelle dynamique au secteur. C’est ainsi qu’en novembre 2004, la note d’orientations générales pour la libéralisation du secteur des télécommunications pour la période 2004 – 2008 a été adoptée. Aujourd’hui, le marché est configuré autour de trois opérateurs qui offrent des services de téléphonie et d’Internet relevant de leurs réseaux de télécoms fixe et/ou nouvelle génération. La concurrence sur le segment mobile est désormais établie notamment avec l’attribution en 2009 d’une troisième licence GSM. La couverture des réseaux mobiles de 2ème génération est aux alentours de 98% de la population nationale, celle des réseaux mobiles de 3ème génération se situe autour de 50%.
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