(Agence Ecofin) - Dans son nouveau rapport intitulé «Distributeur automatique du régime», l’Ong Global Witness indique qu’en RD Congo, plus de 750 millions de recettes versées par des compagnies minières ont disparu, avant d’arriver au Trésor public entre 2013 et 2015.
L’organisation est arrivée à cette conclusion en analysant de récentes données de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE).
Selon le rapport, ces fonds, devant servir à financer des services publics essentiels pour le peuple congolais, atteignent 1,3 milliard $ si on y ajoute les paiements dus par les compagnies à d’autres organismes du gouvernement et une administration fiscale provinciale dissoute depuis lors. Ce chiffre représente, apprend-on, entre 30 et 40% du total de paiements devant être versés au Trésor.
« Les recettes minières congolaises devraient contribuer à sortir la population de la pauvreté, mais au lieu de cela, des sommes considérables sont soutirées aux caisses publiques au profit d’administrations qui n’ont aucun compte à rendre et sont gérées par des personnes proches des élites politiques.», commente Pete Jones, responsable de campagne de Global Witness.
Selon l’organisation, le «principal responsable» de ces volatilisations d’argent, serait la compagnie publique, Gécamines. Si cette dernière est reconnue comme ayant joué un rôle clé dans la transformation de l’industrie minière congolaise (le pays est passé de 16 000 tonnes de cuivre produit en 2003, à environ 1 million de tonnes depuis 2014, devenant 1er producteur africain), en termes de génération de revenus pour l’Etat, le constat est tout autre depuis quelques années.
En 2014, selon les données de l’ITIE, la société n’a payé que 15 millions $ de taxes des 265 millions $ de revenus miniers déclarés par le gouvernement. En 2015, elle n’a versé que 21,8 millions $, des 249 millions $ déclarés.
De plus, Gécamines, dont les comptes ne sont pas rendus publics, est soupçonnée de détournement. L’Ong indique avoir consulté des documents bancaires qui révèlent des virements effectués par la compagnie sur des comptes de banques privées comme la BGFI. Ces virements sont présentés comme des «versements d’impôts anticipés» mais qualifiés par l’organisation comme «suspects», parce que dépassant largement les impôts payés chaque année.
Outre Gécamines, Global Witness dénonce également les organismes fiscaux congolais, autorisés par la loi à infliger des amendes aux entreprises minières privées et à garder pour « leurs fonds propres », un pourcentage de ces amendes. Ils sont accusés de profiter du système pour infliger des amendes sous des prétextes fallacieux, ce que l’Ong appelle «corruption légalisée».
«Si la RD Congo veut éviter de retomber dans les conflits et le chaos, il faudra que le pays fasse preuve d’une réelle transparence et mette en place un système de responsabilisation dans l’ensemble du secteur minier et des administrations fiscales.», déclare M. Jones.
Louis-Nino Kansoun
Accra, Ghana