(Agence Ecofin) - Au Bénin, mettre fin au commerce de l’essence de contrebande reste un véritable casse-tête pour le nouveau gouvernement. La problématique s’était inscrite au cœur des préoccupations de l’ancien régime qui, malgré tous les efforts entrepris s’était résolu à faire machine arrière.
Interrogé sur les stratégies à mener pour éradiquer ce commerce visiblement réfractaire à la rupture que prône l’administration Talon, M. Abdoulaye Bio Tchané, le ministre d’Etat en charge de la planification et du développement, a étalé les difficultés que rencontre le gouvernement dans ce sens. « Ce sont des sujets difficiles à régler […] On ne peut pas régler ce problème uniquement par les contrôles policiers et douaniers. Si cela était suffisant, la contrebande d’essence aurait été déjà éradiquée », selon des propos rapportés par le quotidien La Nouvelle Tribune.
En effet, le responsable fait, entre autres, allusion au solide lobby de commerçants qui défendent ardemment l’activité depuis plusieurs années mais aussi à la politique mise en œuvre en amont au Nigéria. Une persistance qui représente, selon lui, une parade à la dépréciation du Naira, la monnaie nigériane, en raison de la faiblesse des prix du pétrole. D’autres produits sont déversés illégalement sur le marché béninois comme la bière ou encore le ciment.
« Aujourd’hui, le pays est inondé de bière. La Béninoise (marque de bière brassée au niveau local) est en difficulté. Il y a des personnes qui déversent des bières dans le pays du simple fait de la dépréciation du naira. C’est pareil pour le ciment. C’est pareil aussi pour d’autres produits », a fait remarquer l’officiel.
En outre, le territoire du Delta du Niger, d’où est produite et importée l’essence incriminée, par des producteurs illégaux qui siphonnent le pétrole des installations réglementaires de production, est très peu contrôlé par le gouvernement fédéral. L’insurrection armée y fait la loi depuis plus de 20 ans et maintient Abuja sous pression.
Dans ce contexte, il paraît inimaginable pour les autorités nigérianes de s’attaquer à l’essence de contrebande, au risque d’envenimer la situation. L’activité fait vivre des millions de personnes dans le Delta et, paradoxalement, participe à une certaine stabilité économique dans la zone.
Au Bénin, ce commerce nourrit plusieurs milliers de Béninois et on estime la part de consommation de l’essence de contrebande, à plus de 75%.
Pour finir, M. Abdoulaye Bio Tchané a reconnu l’inefficacité de la stratégie déployée pour combattre la filière, préconisant la recherche d’une autre option.
La stratégie du nouveau gouvernement, non encore mise en branle, consiste à rapprocher les prix sur le marché informel et ceux pratiqués dans les stations-service, de façon à inciter les consommateurs à privilégier le produit de la station, vu que l’essence de contrebande est réputée être de mauvaise qualité.
Aujourd’hui, le litre d’essence importée illicitement vaut 275 Fcfa tandis qu’à la pompe, il faut débourser plus de 400 Fcfa.
Olivier de Souza