(Agence Ecofin) - Lundi, l’ONG Global Witness a publié un nouveau rapport intitulé «An Inside Job», dans lequel elle indique avoir découvert de nouvelles preuves reliant les forces de sécurité du Zimbabwe et des partisans du régime au pouvoir à une décennie de disparitions des richesses générées par les diamants. Le régime Mugabe est soupçonné d’utiliser l’argent du diamant pour financer ses services de renseignements accusés de violation aux droits de l’homme et d’actes d’oppression.
Les résultats clés du rapport
Pour réaliser son rapport, Global Witness a examiné les activités et bilans des cinq principales sociétés minières (Kusena, Anjin, Jinan, Diamond Mining Corporation (DMC), Mbada), ayant récemment opéré dans les champs de diamants de Marange (situés à l’Est). Ainsi le document détaille «les mesures que les compagnies ont prises, dans certains cas, pour dissimuler leurs finances, protéger leurs opérations contre le contrôle public, et cacher leurs bénéficiaires et propriétaires ultimes».
L’ONG britannique indique avoir découvert des documents secrets montrant que l’agence d’espionnage du Zimbabwe, la Central Intelligence Organization (CIO), détiendrait des parts dans Kusena Diamonds. Les diamants de ce dernier auraient été commercialisés à Anvers et Dubaï, circulant librement sur le marché international, malgré le risque qu’ils aient financé des violations des droits de l’homme.
Le rapport met également en évidence des liens importants entre Anjin, une société créée avec un investisseur privé chinois, et l’armée «oppressive et hautement partisane» du Zimbabwe. Les preuves indiquent que les diamants de la compagnie ont été vendus à Anvers au moins trois fois, «probablement en violation des sanctions de l’UE contre l’entreprise militaire détenant une importante participation dans Anjin».
Global Witness rapporte également avoir trouvé des preuves suggérant l’identité «maintenue secrète» du propriétaire d’une participation de 25% dans la plus grande concession de diamant de Marange détenue par Mbada Diamonds. Lesdites preuves dirigent vers Robert Mhlanga, membre à la retraite des forces de sécurité du Zimbabwe, allié du parti au pouvoir.
Le rapport dénonce également que la DMC, une coentreprise entre le gouvernement et un investisseur privé, a été constituée en dépit des preuves, suggérant que les individus derrière l’entreprise «ont été impliqués dans une vaste contrebande de diamants de Marange plusieurs années avant que les diamants ne puissent être exportés légalement dans le cadre du processus de Kimberley».
Des accusations qui mettent «sérieusement» en doute d’anciens propos du président Mugabe
«Nous n'avons pas beaucoup reçu de l'industrie du diamant (...) Je ne pense pas que nous avons dépassé 2 milliards $, nous pensons que plus de 15 milliards $ ont été gagnés dans ce secteur. (...) Il y a eu beaucoup de secret (...) et beaucoup d'escroquerie, de contrebande (...). Les entreprises qui ont exploité les mines nous ont pratiquement volés, je veux dire, nos richesses (...). Vous ne pouvez pas faire confiance à une entreprise privée dans ce secteur. Pas du tout.», déclarait le président Mugabe (photo) lors d’un entretien avec la Zimbabwe Broadcasting Corporation à l’occasion de son 92e anniversaire.
Selon Global Witness, qui cite dans son rapport cette déclaration, les nouveaux résultats mettent «sérieusement» en doute l’affirmation du président selon laquelle les investisseurs privés sont les uniques responsables des milliards de dollars de revenus de diamants disparus. L’ONG dénonce que malgré les nombreuses promesses, les diamants n’ont pas profité au peuple zimbabwéen. Au lieu de cela, ils ont fourni des fonds hors budget pour les forces de sécurité constamment impliqués dans leur oppression.
La mauvaise gestion du secteur du diamant a également eu des conséquences dévastatrices pour le développement du Zimbabwe. Avec près des trois quarts de la population vivant sous le seuil de pauvreté et environ quatre millions de personnes ayant besoin d'aide alimentaire en 2017, la nécessité d'une refonte complète de l'industrie n'a jamais été aussi grande.
Louis-Nino Kansoun
Accra, Ghana