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« L’Afrique doit moderniser sa gestion du transport d’électricité pour entrer dans une logique de marché »

  • Date de création: 23 mars 2015 20:05

(Agence Ecofin) - Lancé à Genève en début d’année par Koly Keita, Geneva Development Capital a pour vocation de co-construire des projets de classe internationale. La société s’est entourée pour cela d’un team de spécialistes de haut niveau, comme la compagnie zurichoise Energy Consulting Group pour ce qui concerne les projets énergétiques. Dans cet entretien, Koly Keita nous explique les enjeux du transport de l’électricité en Afrique.

Agence Ecofin : Dans la plupart des pays développés les producteurs d’électricité sont distincts du gestionnaire du réseau de transport (GRT). Quel intérêt y-a-t-il à séparer en Afrique ces deux activités et à promouvoir la concurrence dans le secteur de l’électricité ?

Koly Keita : Compte tenu des très bonnes perspectives de la croissance africaine, il devient impératif d’accélérer le rythme des reformes structurelles pour attirer d’importants volumes d’investissements et faire face aux besoins énergétiques des entreprises et de la population africaine qui doublera d'ici à 2050 pour atteindre 2 milliards de personnes. Aujourd’hui, la Banque mondiale estime qu’environ 10 millions de petites et moyennes entreprises et 1 africain sur 3, soit 600 millions d’individus, n’ont pas accès à l’électricité.

L’ouverture à la concurrence est l’une des reforme à privilégier et le rôle des capitaux privés est essentiel pour relever ce challenge qui nécessitera d’investir 40 milliards $ chaque année sur 10 ans en Afrique subsaharienne alors qu’aujourd’hui ces dépenses d’investissements s’élèvent à seulement 4,6 milliards $ chaque année.

L’Afrique peut s’inspirer de l’Europe ou d’autres pays qui ont choisi, il y a quelques années, l’ouverture du marché en organisant leurs secteurs électriques autour de quatre activités distinctes : la production, le transport, la distribution et la commercialisation. À cela, s’ajoutent des activités financières telles le négoce sur le marché de gré à gré ou sur la bourse de l’électricité ainsi que le courtage.

Cette séparation des activités avait pour objectif une transparence accrue du secteur en matière de règles de fonctionnement, d'égalité d'accès pour tous les producteurs aux infrastructures de transport et de distribution, et une efficacité optimale des décisions d'investissement des opérateurs privés et publics.

Aujourd’hui la concurrence induite par cette dérèglementation associée à une bonne régulation a souvent permis d’offrir aux consommateurs des marchés matures un mix énergie à des prix optimisés.

Alors que l’Afrique dispose d’un potentiel d’énergie colossal, il est incompréhensible que les particuliers et les entreprises qui ont le privilège de bénéficier du courant électrique payent souvent 3 fois le prix du tarif appliqué en Europe.

AE : Si les producteurs peuvent être multiples et concurrents, il ne peut y avoir qu’un seul gestionnaire de réseau de transport d’électricité.  Quelles peuvent être les options de création et de gestion de ce monopole ?

KK : Dans le cadre de la mission de Geneva Development Capital, qui est de participer à l’accélération de l’émergence des économies africaines par des approches novatrices, nous travaillons depuis quelques mois avec les experts zurichois d’Energy Consulting Group (ECG) afin de dégager une stratégie et une méthode opérationnelle et permettre aux décideurs publics africains et aux institutionnels financiers de procéder au lancement d’un GRT.

Selon le Dr David Orzan, associé d’ECG, on peut distinguer 4 modèles de GRT, souvent constitués sous forme de monopole :

  1. Le GRT est totalement intégré au sein de la société nationale d’électricité ;
  2. Une première étape de la libéralisation du marché de l’électricité consiste à doter le GRT d’un statut juridique distinct dont le capital est détenu majoritairement par la puissance publique, en association avec des financeurs tiers. Ce GRT, ayant aussi une indépendance managériale, gère le réseau au niveau technique et est l’acheteur unique d’électricité produite par les opérateurs privés (Independent Power Producer IPP) ou par les centrales détenues par l’opérateur historique électrique. Dans ce modèle, le GRT reçoit des offres des producteurs, sélectionne les moins chères et paie aussi le coût de production des centrales de pointe. Le GRT revend alors cette électricité aux sociétés de distribution et aux gros consommateurs de façon à recouvrir les coûts résultant de l’achat d’énergie. De plus le GRT facture aux producteurs des services dits système qui sont nécessaires à la stabilité du système électrique (maintien de la tension, réglage de la fréquence, etc.). Cependant il est possible que l’opérateur du marché, acheteur unique, soit une société indépendante non intégrée au GRT, comme au Nigéria;
  3. Le GRT est une société indépendante qui gère le réseau au niveau technique ainsi que la bourse de l’électricité. Il reçoit les offres des producteurs et des fournisseurs d’électricité pour différents produits (différents en termes de profil et de durée) et détermine le prix. Le GRT est aussi acheteur de services système et de l’énergie pour compenser les pertes électriques.
  4. Le GRT est une société indépendante qui gère le réseau au niveau technique et mais n’intervient au niveau de marché qu’en tant que coordinateur avec la bourse d’électricité, qui peut être nationale ou bien couvrir une région.

Il existe des sous modèles selon lesquels le GRT assure lui-même l’ensemble des activités de construction du réseau de transport, d’exploitation, de maintenance ou bien seulement l’exploitation. Dans ce dernier cas, les services de maintenance ou de construction sont alors externalisés à des sociétés privées spécialisées. Mais, nous sommes persuadés, avec David Ozran, que la création d’un GRT n’est pas une fin en soi mais un moyen de faire émerger un modèle d’organisation du marché de l’électricité, en particulier le modèle de l’acheteur unique qui est le plus approprié en Afrique dans le cas d’une première phase de libéralisation du secteur.

Un autre avantage fondamental de la mise en place d’un gestionnaire de réseau de transport indépendant est qu’elle permet la constitution progressive d’un marché régional de l’électricité en permettant de développer les ressources énergétiques à l’échelle régionale et non plus d’un seul pays.

AE : Quelle organisation de GRT prédomine dans les pays africains ?

KK : Un certain nombre de pays ont déjà restructuré leur secteur de l’électricité, ou étudient une restructuration dans laquelle le GRT deviendrait indépendant en gérant le système électrique mais sans posséder les centrales de production. Un exemple est le Transmission Company of Nigeria (TCN).

AE : Comment un GRT peut-il  encourager le recours aux énergies propres ?  

KK : La promotion des énergies renouvelables n’est pas directement de la responsabilité du GRT. Cependant le GRT peut intervenir au niveau technique et commercial. Technique, par une meilleure prévision de la demande et des productions d’énergies et en intégrant notamment des technologies smart grid pour stabiliser le réseau en raison de l’intermittence de ces énergies. Dans un réseau intelligent flexible, il faut noter que la technologie de « demande-réponse » transfère une partie de la demande de pointe vers les périodes où le coût de l'énergie est plus bas. Commercial, car souvent les coûts de la promotion des énergies renouvelables sont ajoutés à ceux du réseau de transport, de telle sorte que le tarif facturé par le GRT couvre les coûts de ces énergies. Le GRT redistribue l’argent collecté aux producteurs d’énergies renouvelables. Il doit donc gérer des banques de données importantes concernant ces productions (registres, données de mesures, programmes de production, etc.).

AE : Quels sont les impacts attendus, si les pouvoirs publics optent pour une juste tarification des prix de l’électricité ?

KK : On peut comprendre que les gouvernements africains veulent faciliter l’accès à l’électricité pour tous en fixant les tarifs les plus bas, mais une tarification juste du prix de l’électricité aux consommateurs est un signe de crédibilité des pays voulant construire un plan énergétique cohérent et robuste dans la durée. Par ailleurs, le FMI dans plusieurs études indique que les subventions publiques au secteur électrique africain avantagent souvent les couches les plus aisées de la population. En général les 20 % de la population les plus pauvres ne reçoivent en moyenne que 9 % du total des subventions destinées au secteur de l’électricité.

Dans le cadre d’un marché «optimisé», que nous conseillons, il est indispensable que le prix, proposé par l’ensemble des producteurs aux consommateurs, prenne en compte l’ensemble des coûts réels, dont le coût des capitaux, l’amortissement de l’investissement initial, les coûts de maintenance, les frais de combustible dans le cas de centrale thermique, ainsi que les frais de transport et de distribution. A noter qu’à ces coûts s’ajoutent des taxes imposées par la puissance publique. Certains consommateurs finaux tarifés à ce vrai prix seront donc incités à faire les économies appropriées qui pourraient bénéficier à terme aux couches de la population les plus pauvres. Cette vérité de prix pourrait aussi permettre, par exemple, au secteur industriel d’adopter des process d’efficacité énergétique et d’amélioration de leur productivité. De même nous pourrions assister au développement rapide d’une industrie africaine de technologies de production d’énergies propres basée sur une logique de marché et non de subventionnement.

AE : Que doivent faire les gouvernements, selon vous, pour développer les investissements privés dans le secteur électrique, tout en garantissant aux populations un service correct et abordable ?

KK : Des experts ont chiffré que, dans certains pays, les délestages et une insuffisance d’électricité entrainaient chaque année une perte comprise entre 1 et 6 % du PIB. Si ce goulet d’étranglement était résolu, certains pays africains pourraient alors prétendre à des taux de croissance supérieur à 10 % ce qui ferait reculer rapidement le taux de pauvreté.

En plus des reformes pour des tarifs soutenables, et le dégroupage de la production-transport-distribution, les opérateurs privés veulent un engagement fort des gouvernements africains sur les aspects contractuels des partenariats public privé (PPP) afin de clarifier les règles d’appel à la concurrence.

L’implication des agences de développement est aussi souhaitée, notamment dans la phase amont des projets, pour assurer le financement partiel des études et de la structuration permettant une bonne allocation des risques entre toutes les parties prenantes. Cette intervention assurerait une bonne bancabilité des projets en réduisant l’écart entre les risques perçus et les risques réels.

Des options de sécurisation de la solvabilité des acheteurs d’électricité à travers des contrat Take or Pay et de couvertures des risques comme les comptes séquestres, les garanties de risque partielles ou souveraines, ou encore l’assurance du risque politique, sont indispensables pour assurer la mobilisation des financements en project finance notamment des prêts de maturité longue qui représentent jusqu’à 70-80% du coût global de l’investissement total.

La convertibilité de la monnaie locale et le libre rapatriement des dividendes sont aussi des conditions nécessaires pour inciter les investisseurs internationaux à prendre une exposition sur la classe d’actif électricité africaine.

Enfin le développement des compétences africaines, la consultation et l’association des populations riveraines autour des lieux d’implantation des centrales de production d’électricité renforceront la durabilité et la résilience de ses infrastructures critiques.

Energy Consulting Group

Partenaire de Geneva Development Capital, ECG a été crée en 1999 par d’anciens cadres du groupe ABB sur la base des expériences faites dans le secteur concurrentiel de l’industrie des centrales et dans les marchés libéralisés de l’électricité (USA/GB).L’expertise et les services de conseils de ECG couvrent toute la chaîne de valeur de l’énergie électrique, de l’industrie en passant par les centrales, le trading, les réseaux, jusqu’à la vente de l’électricité aux clients consommateurs.ECG dispose d’un savoir-faire approfondi et d’une expérience de construction et d’exploitation de centrales d’une capacité totale de plus de 80’000 MW.

« Nous avons conçu et implémenté des contrats d’exploitation et de maintenance pour 26 centrales de production et avons été responsables du financement de projets d’une valeur de 15 milliards d’euros » déclare David Orzan.

Propos recueillis par Dominique Flaux, pour le magazine ENERGIES AFRICAINES No 1


 
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