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«Nous avons un encours de crédit de 12 milliards, dont 2/3 accordés au monde rural»

Le Crédit du Sahel est un acteur majeur de l’intermédiation financière dans les zones rurales du Nord du Cameroun. Aujourd’hui dans une phase de son expansion, il se trouve contraint d’avoir un partenaire stratégique qui puisse l’accompagner. Son DG, et membre fondateur, a accepté de nous parler des promesses de cet établissement de microfinance en termes d’inclusion financière, mais aussi de ses succès et de ses défis.

 

Agence Ecofin : Au terme de l’exercice qui s’est achevé le 31 décembre 2014, que représente en chiffres le Crédit du Sahel ?

Daniel Kalbansou : Pour la période dont vous faites mention, le Crédit du Sahel représente 17 agences dont 13 dans la zone septentrionale et 4 dans la partie Sud du pays. Nous avons  à peu près 200 employés, un total du bilan de 16 milliards de francs Cfa, un encours de crédit proche de 12 milliards, dont les 2/3 sont accordés au monde rural, principalement des paysans agriculteurs et éleveurs. Nous comptons à peu près 60 000 comptes ouverts, mais nous couvrons bien plus d’individus. Car, 10 000 de ces comptes appartiennent à des groupements de paysans, qui comptent pas moins de 80 000 personnes, lesquelles choisissent cette option pour mutualiser les coûts liés à la possession et la gestion d’un compte, et aussi bénéficier  plus facilement de ses avantages. Nous avons par exemple financé des groupements à hauteur de 50 millions de francs Cfa, ce qui n’aurait pas été possible pour un paysan seul.

 

AE: Dans la chaîne de production de l’économie, vous semblez travailler avec le bas de la pyramide, notamment des petits producteurs qui évoluent dans le secteur primaire agricole. Vous étiez un des invités de la conférence de Brazzaville sur l’inclusion financière en Afrique centrale, comment  se décline la promesse d’inclusion financière au niveau de votre établissement de microfinance ?

Daniel Kalbansou : La conférence de Brazzaville était très importante. Notre objectif à nous était d’abord de rencontrer les décideurs et chercher à comprendre ce qu’ils ont à nous proposer dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Il était également pour nous question de savoir ce qu’ils proposent en termes de soutien  pour aider la microfinance à surmonter ses défis qui sont de plusieurs ordres, notamment la formation, la fiscalité, le financement et l’organisation. Enfin, il était question de bénéficier du partage des connaissances, qui est fondamental pour nous.

Dans le cadre de notre développement, le Crédit du Sahel a envoyé des personnes au Kenya, pour s’imprégner par exemple de l’Agency Banking. Car, 17 agences ce n’est pas suffisant. Ce sera un bon palliatif à la création d’agences propres, dans la mesure où cela coûte assez cher (entre 15 et 20 millions de FCfa). Le principe est celui d’avoir des points de vente dans les zones reculées. Evidemment, il y aura tout un dispositif de suivi par biométrie ou GPS. Dans les trois ou quatre prochains mois, nous voulons le mettre en œuvre.

 

AE: On a pu relever dans les échanges sur cette inclusion financière, que le défi n’est pas seulement celui de mettre en place l’infrastructure. Il y a aussi celui de pouvoir trouver le client crédible qui puisse garantir que les avances qui lui ont été faites seront remboursées en principal et intérêts. A Brazzaville, vous avez partagé avec vos collègues un système de remboursement en nature. Est-ce que vous pouvez nous l’expliquer ?

Daniel Kalbansou : Le Crédit du Sahel a 17 ans d’expérience de microfinance dans la grande région Nord du Cameroun. On s’est rendu compte que le non remboursement des avances reçues par les paysans n’est pas toujours lié à la mauvaise foi. La plupart du temps, l’argent qu’ils reçoivent de nous sert à financer des engrais et autres intrants. Sauf qu’à la récolte, du fait combiné de la hausse de l’offre et de la nécessité pour eux d’avoir des revenus,  ils se trouvent obligés de vendre leurs productions à des prix qui ne sont pas toujours suffisants pour couvrir la totalité de leurs charges, y compris le remboursement de leurs crédit.

Nous avons donc eu l’idée de financer en amont l’acquisition des intrants afin d’accroître la production, et de récupérer à la récolte, la part de production qui, à l’évaluation, permettra que nous puissions obtenir notre remboursement. Nous gardons cette production en garantie dans un système d’entreposage que nous avons mis en place. Ce stock est gardé 2 ou 3 mois, au terme desquels les prix repartent généralement à la hausse. A ce moment-là, nous vendons la production collectée et nous prélevons nos revenus d’intérêts. Lorsqu’il y a un surplus, nous le mettons dans les comptes à la disposition des paysans concernés. Donc, en amont, nous soutenons l’amélioration des volumes produits, et en aval, nous trouvons des marchés pour les surplus de production pouvant permettre d’obtenir un remboursement des avances consenties.

Depuis un an,  nous avons essayé de perfectionner le mécanisme, qui, finalement, est une intervention dans la chaine des valeurs. A notre niveau, nous avons ajouté le concept de financement équitable. Car, au final, nous prenons la production du paysan à un prix supérieur à celui qu’il peut tirer par ses propres moyens sur le marché. Et puis, lorsque nous vendons, s’il y a un surplus, il reçoit un bonus. Cela l’encourage à revenir prendre du crédit et à honorer ses engagements.

 

AE: Dans ce mécanisme, on voit une prise de risque bien calculée et bien mesurée. Mais au final, l’architecture du recouvrement entraine la mise en place de toute une infrastructure. Quelle est la charge d’intérêt associée à ce mécanisme de financement, et surtout la marge en termes de produits d’intérêts?

Daniel Kalbansou : Je reconnais que le mécanisme connait une bonne portion de risques. Seulement, lorsque nous sommes entrés dans la chaine de valeur, nous avons procédé à des calculs, notamment sur le prix  d’achat, le transport, le stockage, le décorticage, et enfin la vente. Notre défi était de nous assurer que le coût total de nos engagements ne dépassera pas les prix sur le marché, au moment où nous allons mettre la production en vente. La modélisation a permis de voir que l’opération était faisable. La marge par sac était située entre 2000 et 3000 FCfa, soit un rendement global situé entre 15% et 20% si le sac de riz par exemple est vendu à 14 ou 15 000 FCfa.

Mais, il est très important de bien analyser le marché et remonter la filière. Au final, le modèle semble bien marcher. Car, maintenant, les paysans qui n’ont pas toujours des stratégies d’identification de marché nous apportent leurs propres produits au-dessus de la part que nous prélevons en garantie pour le remboursement des crédits, afin que nous les aidions à vendre. C’est une expérience qui a beaucoup marché au Mali.

 

AE: Dans ce processus d’adaptation, l’établissement de microfinance ne fait plus seulement la collecte des dépôts et l’octroi du crédit, mais il fait aussi dans la vente des commodities (matière première) et même dans la première transformation. C’est une innovation pour ce qui est de l’intermédiation financière au Cameroun. Comment tout cela s’agence-t-il aux défis de régulation. Car, finalement, le remboursement de la créance est sujet à la spéculation ?

Daniel Kalbansou : Je voudrais préciser que la régulation du secteur des EMF en Afrique centrale permet à ces dernières de réaliser 20% de leurs chiffres d’affaires dans des activités autres que l’octroi de crédit ou la collecte de l’épargne sur toutes ses formes. J’ai eu la chance d’appartenir au comité de rédaction de ce texte. Son esprit était de trouver une compensation à une activité dans laquelle le risque est trop élevé, et la marge très faible. Donc, nous restons dans la légalité. Quand nous prenons le stock en garantie, ce n’est pas une opération d’achat pour revendre. C’est cela l’avantage avec les règlements Cemac. Maintenant, ce qui n’est pas règlementé dans notre sous-région, c’est ce système d’Agency Banking. Je crois que chez nous, il faut commencer et la règlementation va suivre.

 

AE: Le Cameroun avance dans son processus de création d’une bourse des matières premières. Est-ce que le crédit du Sahel a analysé cette avancée comme une opportunité pour le développement des crédits adossés sur les matières premières agricoles ?

Daniel Kalbansou : C’est une avancée réelle, mais qui comporte encore un certain nombre de défis à nos yeux. Le premier est celui de la valeur effective des produits qui seront négociés sur cette place. Est-ce qu’ils vont prendre en compte les prix  à la production, ou alors celui d’arrivée des produits sur les marchés, qui parfois sont majorés des charges liées au transport et à tout un système de spéculation ? Je pense que la mise en place de cette bourse doit impérativement s’accompagner d’un système de facilitation au commerce bien huilé (réseau de transport, d’entreposage et de conservation).

Par ailleurs, il doit y avoir un système de protection totale ou partielle de certains produits. De l’époque où j’étais député, j’ai posé le problème de l’ouverture de notre marché au riz importé. Car, cela tue la production locale qui souffre énormément pour arriver sur les marchés. Les mêmes préoccupations vont se poser ici. Il faut peut-être subventionner le transport des matières premières agricoles à l’intérieur du pays et de la sous-région. Rien n’est encore clair sur la gestion de la chaine des valeurs des produits agricoles qui seront négociés sur cette bourse. Dans une perspective d’achat équitable, je vois mal comment une telle institution va être une solution. Car, au final, le paysan continuera de voir ses revenus décroitre, au profit de l’accroissement des marges de personnes pour qui l’agriculture se résume à des ordres d’achat ou de vente.

 

AE: Quelles sont les perspectives en chiffres du Crédit du Sahel sur les cinq prochaines années ? Une augmentation de capital est-elle finalement envisagée pour faire face à cette énorme demande des institutionnels et des marchés ?

Daniel Kalbansou : Nous réfléchissons sérieusement sur nos perspectives. L’année dernière, nous avons décidé d’une augmentation de notre capital, pour le porter de 200 millions de FCfa à 2 milliards de FCfa.  Au départ, nous avons donné un délai à nos actionnaires afin de jouir de leurs droits préférentiels de souscription. Mais, selon la loi, au terme d’un certain délai, si les actionnaires n’ont pas pu s’activer et n’ont pas libéré, on ouvre le capital au public. Aujourd’hui, l’augmentation du capital est ouverte à tout le monde. Actuellement, sur les 2 milliards de FCfa que nous recherchons, nous avons déjà mobilisé 1,3 milliard de FCfa. Donc, nous sommes encore en quête de partenaires.

D’un autre côté, nous avons reçu le contrôle de la Cobac (superviseur des banques en Afrique centrale ndlr), qui nous a dit que le Crédit du Sahel a besoin d’un partenaire de référence. Nous sommes donc à la recherche de ce partenaire de référence, qui pourra prendre 20% de notre capital et servir d’assistant technique. Nous pensons que d’ici 5 ans, nous devons atteindre 25 milliards de FCfa de total de bilan, contre 16 milliards aujourd’hui. Cela n’est pas une utopie. Car, le conseil d’administration nous a permis d’ouvrir une agence dans une zone de production de coton et de maïs.

Par ailleurs, la Sodecoton nous a contacté pour nous informer de ce que  nous allons gérer les paiements au profit des paysans pour près de 70 milliards de FCfa, dans le cadre de leur objectif visant à bancariser les règlements effectués aux producteurs. Nous sommes deux qui avons été retenus depuis l’année dernière, avec Ecobank Cameroun. C’est pour cela que nous voulons multiplier les banques mobiles. Car, si dans les 5 ans on obtient que 20% des règlements de la Sodecoton, c’est beaucoup d’argent pour nous en termes de rémunération sur services rendus. Les opportunités sont nombreuses et nous avons un bon espoir pour l’avenir.

Propos recueillis par Idriss Linge

 

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