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Paul Biya : le sommet de l’UA qu’il ne fallait pas manquer !

Le président camerounais Paul Biya vient de manquer une magnifique occasion de donner un message fort à la Communauté internationale et à ses pairs de l’Union africaine. Le message de « guerrier en chef » déterminé à combattre la secte islamiste, auteur des actes barbares au Nigéria et au Cameroun au nom de l’islam. Son absence au 24e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine les 30 et 31 janvier derniers à Addis-Abeba a été fortement remarquée. Lui qui a déclaré une guerre totale en mondovision contre la secte Boko Haram à Paris en mai 2014. Lui qui a été menacé le 5 janvier dernier par le chef de cette secte juste après son message adressé à ces islamistes quelques jours plus tôt. Lui qui dans tous ses discours ne manque plus l’occasion d’évoquer Boko Haram, soit pour montrer sa détermination à combattre la secte islamiste, soit pour justifier les raisons du raid de son armée sur les positions de ces extrémistes au Nigéria.

« Tes soldats ne peuvent rien contre nous, ils ne valent rien. (…) Si tu ne mets pas fin à ton plan maléfique, tu vas avoir le même sort que le Nigeria. » sont les menaces d’Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, à l’endroit de Paul Biya le 05 janvier 2015. Comme une réponse cinglante et un défi lancé à la suite du message de Paul Biya quelques jours plus tôt, le 31 décembre, quand il s’exprimait à la nation en ces termes : « Encouragés par leur emprise sur le nord-est du Nigeria, ces soi-disant « djihadistes » ont lancé contre la région de l’Extrême-Nord de notre pays des opérations de plus grande envergure. On se souvient de l’attaque du camp d’une entreprise chinoise à Waza et du raid contre Kolofata. L’une et l’autre se soldèrent par plusieurs morts et l’enlèvement de nombreux otages. Cela ne pouvait pas être toléré. Nous avons donc mis en place un dispositif de riposte et de prévention qui a rapidement fait ses preuves. A chacune de ses tentatives, Boko Haram essuie désormais de lourdes pertes en vies humaines et en matériels. On peut espérer qu’ils en tireront des leçons. »

Alors, questions : comment se fait-il que lors d’une rencontre africaine pour trouver une solution à cette situation, le président camerounais ait choisi de briller par son absence ? Pourquoi celui qui pourrait à juste titre être considéré comme « le guerrier en chef » n’a pas été là ? Pourquoi le président du pays étranger au Nigéria qui, à ce jour, a déjà mobilisé le plus  important dispositif humain, matériel et même financier pour combattre les actes de la secte islamiste au Cameroun et au Nigéria ne soit pas présent au moment où il faut trouver des voies et moyens pour venir à bout de cette situation ? Certes, le Cameroun y était représenté par son ministre en charge des Relations extérieures, mais était-ce suffisant ?

La France, le Tchad et ses ambitions

Il était important, si non nécessaire, que Paul Biya soit présent à Addis-Abeba. On le sait, le président camerounais a l’habitude de manquer les sommets de l’UA. Mais, compte tenu de l’ordre du jour principal (le combat contre Boko Haram) de ce sommet, sa présence à Addis-Abeba aurait donné un signal fort et une tonalité encore plus importante à sa détermination à combattre la secte islamiste, ses sponsors et ses commanditaires. Il aurait fait un pas important pour prendre en main la direction des efforts de la région pour ce combat. Il sait très bien qu’il doit avoir la mainmise sur toute force internationale et étrangère qui passe par son pays. La sécurité et la stabilité de son pays en dépendent et il le sait. Les velléités du Tchad pour prendre la direction des opérations dans la lutte s’affichent et se confirment de plus en plus. Ce qui ne déplait nullement à la France son allié. 

« Il n'y a pas d'incompatibilité entre la démocratie et la présence de soldats français. Je suis redevable à l'égard du Tchad. Il y a eu des soldats tchadiens qui sont morts au Mali et qui ont fait le sacrifice de leur vie. Je remercie le Président Déby. Je suis redevable à l'égard du Tchad pour ce qu'il fait contre Boko Haram », François Hollande le 27 novembre 2014 face à trois journalistes français en direct de l'Elysée.

Autre absence tout aussi retentissante que celle de Paul Biya, celle du président nigérian Goodluck Jonathan. L’on ne s’attardera pas sur les raisons de ce manquement qui peuvent être nombreuses : campagne présidentielle en cours dans le pays sur fond de menaces de Boko Haram, informations urgentes faisant état des manœuvres de Boko Haram, attentats manqués contre sa personne, etc. Cette absence du président nigérian aurait pourtant permis à Paul Biya de se positionner comme un acteur important et incontournable de cette guerre. Avec le vide installé sur les chaises des présidents camerounais et nigérian, c’est naturellement le président Idriss Déby du Tchad qui a tiré son épingle du jeu. En s’abstenant de venir à Addis-Abeba, le chef de l’Etat camerounais a laissé le champ libre au président tchadien pour qu’il occupe la scène. Lui, dont le moindre geste de son armée contre Boko Haram est largement relayé par des médias français visiblement acquis à sa cause dans la majorité (Les soldats tchadiens «jouent à la pétanque», pendant les raids sur Boko Haram, AFP). Le président tchadien qui a déjà déployé 2000 de ses soldats pour cette lutte en a bien profité lors de ce sommet. Entre réunions stratégiques, décisions et déclarations à la presse.

 « On ne peut pas demander à chaque fois à la France ou demander aux pays européens pour venir résoudre des problèmes en Afrique. L'Afrique a des hommes, il suffit simplement d'avoir la volonté et d'en faire face. C'est à cela je pense que nous devrions en tant que dirigeants africains réfléchir et mettre en commun l'ensemble des moyens et faire face à ce défi qui est un défi colossal et important. Un défi sécuritaire et un défi humanitaire. Vous savez ce que Boko Haram fait sur le terrain aujourd'hui, c'est des massacres. Et ça continue. Des enfants qui n'ont ni pères, ni mères qui sont perdus dans la nature. Des mères qui ont perdus leurs enfants. Mais c'est un drame qui se déroule sous nos yeux, sous les yeux de la communauté internationale. Nous ne pouvons pas attendre que tel résolution soit prise ou quelconque autorisation soit donnée. Nous, nous engageons, maintenant il appartient à tous ceux qui sont de bonne volonté de nous suivre, de nous appuyer dans notre action", a déclaré le président tchadien à la Presse en marge  du sommet.

Ceux qui lisent entre les lignes comprennent les ambitions d’Idriss Déby qui a demandé au Cameroun le14 janvier dernier l’implication de son armée disposée à combattre aux côtés du Cameroun contre la secte islamiste.

« Face à cette situation qui menace dangereusement la sécurité et la stabilité du Tchad et porte atteinte à ses intérêts vitaux, le gouvernement tchadien ne sauraitresterles bras croisés », explique le porte-parole du Tchad, le ministre Hassan Silla Bakary, pour justifier pourquoi le Tchad pointe son nez dans cette affaire.

Troublantes connexions

Mais au regard de l’évolution de la situation, l’on observe que ce n’est pas la seule raison et que les enjeux sont ailleurs. Et le président tchadien veut contrôler la situation. Déjà qu’en janvier dernier, l’UA a entériné la décision prise le 20 janvier à Niamey à l’issue d’une réunion de crise de transférer de Baga au Nigéria à Ndjamena au Tchad de l'état-major de la force régionale de lutte contre Boko Haram. 

Les différentes connexions réelles ou supposées entre le président tchadien et les adeptes de Boko Haram dévoilées par certains médias nigérians et américains devraient pourtant donner à réfléchir. L’on se rappelle du communiqué publié en octobre 2014 par le ministère tchadien des Affaires étrangères : « Le Ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine annonce à l’opinion nationale et internationale que le Tchad a effectivement abrité les pourparlers entre le Gouvernement nigérian et Ahlou Souna li Daawa wal Djihad, connu sous le nom de Boko Haram. Les deux parties viennent de rendre public un accord de cessez le feu, conformément aux engagements qu’elles ont pris lors de ces pourparlers.

En effet, c’est à la demande des deux parties que le Tchad a accepté le rôle de facilitateur et a abrité ainsi les premiers contacts qui ont eu lieu, les 14 et 30 septembre derniers. Au cours de ces rencontres, les deux parties ont accepté le principe de régler leur différend par le dialogue et convenu de poser quelques actes traduisant la bonne volonté de part et d’autre. La récente libération des otages chinois et camerounais et l’annonce d’un cessez le feu faite les 16 et 17 septembre par les deux parties, constituent la concrétisation de ces engagements.

Il est prévu également la libération par Boko Haram des jeunes filles enlevées à Chibok et celle de certains partisans de ce Groupe détenus dans les prisons nigérianes. Les modalités de ces libérations seront convenues entre les deux parties et la médiation tchadienne.

Le Gouvernement tchadien se félicite de l’instauration du dialogue entre le Gouvernement nigérian et Boko Haram et invite les deux parties à maintenir cet élan. De même, le Gouvernement tchadien invite la communauté internationale à soutenir cette dynamique nécessaire à la paix et à la stabilité dans la région. »

Plus tard, certains médias nigérians révèleront que le Nigéria a donné des millions de dollars au président tchadien pour effectuer des négociations avec Danlami Ahmadu (désormais en fuite) qui s’était présenté comme allié d’Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, en vue d’un cessez-le-feu et de la libération des jeunes filles prises en otage.

24 heures après cet accord commun de cessez-le-feu, des attaques de Boko Haram sont perpétrés au Nigéria avec à la clé 15 morts et les filles de Chibok ne sont toujours pas libérées. A décrypter.

Comment également rester indifférent sur allégations de ces médias tchadiens, nigérians et même américains ?  Par exemple, le 23 novembre 2014, un haut officier de l’armée nigériane confie au journal nigérian The Cable que « nous avons maintenant suffisamment de raisons de soupçonner que l’endurance de Boko Haram provient du Tchad. Alors que les terroristes sont en train de mener des attaques contre le Cameroun, ils n’ont jamais mené aucune attaque au Tchad. Leurs armes peuvent passer par le territoire tchadien ».  

La veille, c’est le média américain Sahara Reporters qui relaie le tweet du journaliste camerounais Bisong Etahoben indiquant que Mahamat Bichara Gnoti, un proche collaborateur d’Idriss Déby Itno, a été arrêté à la frontière tchado-soudanaise par les forces de l’ordre soudanaise en possession de 19 missiles SAM2 achetés à l’armée soudanaise. Interrogé, il confie que c’est le président tchadien qui lui a donné de l’argent pour l’achat de ces armes, destinées à Boko Haram. Ces constats et soupçons expliquent sans doute la visite urgente dès le 24 novembre 2014 de Goodluck Jonathan en compagnie de son chef des services de renseignements Ayodele Oke (directeur général de l’Agence nationale de renseignement) et de son ministre des Affaires étrangères, Aminu Wali, à Ndjamena pour rencontrer Idriss Déby, le controversé. Le président tchadien aurait alors réfuté toutes les accusations indiquant qu’il serait l’un des sponsors de la secte. Il n’est d’ailleurs pas exclu que cet état de choses ait également incité le président nigérian à bouder le dernier sommet de l’UA, car il voit mal les forces étrangères venir commander les opérations dans son pays, alors qu’elles peuvent venir travailler avec les forces nigérianes sous le contrôle total des officiers nigérians.

Le rattrapage à Yaoundé

L’absence du Cameroun au sommet n’a donc pas été une bonne chose, même si l’on peut se réjouir de ce que les chefs d’Etat de l’Union africaine aient décidé de la mise en place d’une force multinationale de 7500 hommes pour lutter contre Boko Haram et que les détails et les règles d’engagement des Etats dans cette force seront discutés à Yaoundé au Cameroun par les experts juridiques et militaires de chaque pays dès ce jour, 5 février, et ce, jusqu’au 7 février.

La présence de Paul Biya à ce 24e sommet de l’UA aurait sans doute déjà fait peser la balance sur son pays comme meilleur choix pour diriger cette force multinationale qui sera probablement financé par les Nations unies. Il est prévu qu’en mars 2015, l’UA interpelle le Conseil de sécurité des Nations unies pour lui demander d’apporter une aide logistique et financière à cette force.

Dès lors, il appartient président camerounais de peser de tout son poids lors des assises de Yaoundé qui s’ouvrent ce jour et dans d’autres instances régionales ou internationales au besoin pour le contrôle de cette force multinationale. Osons croire qu’il a déjà compris les enjeux :

 « Ceux qui ont tenté d’asservir le Mali, ceux qui s’en prennent périodiquement à notre territoire national, ceux qui probablement ont influencé certaines factions en Centrafrique et ceux qui ont créé le chaos en Somalie poursuivent les mêmes objectifs : établir leur pouvoir sur la bande sahélienne de l’Atlantique à l’océan Indien et y installer leur régime obscurantiste impitoyable », analyse Paul Biya qui s’adressait aux diplomates le 08 janvier 2014 en réponse aux vœux du corps diplomatique.

Au risque de laisser le champ libre total au Tchad, le président camerounais devrait davantage s’affirmer dans cette guerre. Gérer autant d’hommes armés qui transitent par son pays, s’y installent ou s’installent dans les pays voisins n’est pas de tout repos. De tristes exemples dans de nombreux pays africains l’attestent. La sécurité du Cameroun et par ricochet de son président est en jeu.

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