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Réaménagement ministériel au Cameroun : l’autorité de Philemon Yang renforcée

Au pas de course, le Premier ministre camerounais, Philemon Yang, a procédé hier, 05 octobre 2015, à l’installation des nouveaux ministres nommés le 02 octobre 2015 par Paul Biya. Aux nouveaux promus il a recommandé « dévouement et loyalisme sans faille » dans l’accomplissement de leurs missions. Surtout, a-t-il précisé à l’ensemble des serviteurs de la nation qu’il a installés : « dans l’accomplissement de vos missions, je vous demande de faire preuve d’un esprit d’équipe » et « d’une franche collaboration ». Des propos qui ont le mérite de dévoiler quelque peu les raisons de l’éviction de certains ministres dans le gouvernement du 02 octobre 2015.

Fidèle à ses habitudes quand il s’agit de faire un remaniement ou un réaménagement ministériel, Paul Biya a donc procédé au réaménagement de son gouvernement du 09 décembre 2011 le 02 octobre 2015. Il a ainsi surpris les analystes qui attendaient un remaniement ministériel complet depuis deux ans, à l’issue des élections législatives de 2013. Au finish, ce sont 11 ministres qui ont été virés du gouvernement, neuf en ont fait leur entrée et cinq ministres ou ministres délégués ont changé de portefeuille. Le nombre de ministres, secrétaires d’Etat, conseillers et autres n’a pas changé : 65.

En dehors des autres curiosités à relever de ce réaménagement ministériel, l’on peut dire que le Premier ministre, Philemon Yang, s’en sort plus fort, sans doute plus galvanisé et ayant plus que jamais la confiance du président de la République. Lui que certains n’ont pas manqué de qualifier de « mou » par le passé du fait de sa discrétion. Son tempérament a peut-être conduit certains ministres à s’écarter de la cohésion et de la solidarité gouvernementales prônées par le président de la République et qu’il a réitérées aux nouveaux promus lundi dernier. Mal en a pris ces ministres évoluant en marge de l’esprit de cohésion qui ont été remerciés, « sur proposition du Premier ministre, chef du gouvernement », si l’on s’en tient à la teneur du décret présidentiel.

La fonction de ministre n’est pas éternelle, encore que d’autres peuvent être virés du gouvernement et rebondir quelques années plus tard. Peut-être d’ailleurs dans le même département ministériel. Dans le gouvernement actuel, on peut ainsi citer le cas de Pierre Ismaël Bidoung Kpwatt. Ministre des Sports dans les années 2000, il est remercié en 2006, rappelé en 2011 pour le portefeuille de la Jeunesse et de l'Education civique, puis ramené en 2015 au département Sports du gouvernement. Certains ministres remerciés le 02 octobre peuvent donc rebondir, mais il importe de rappeler ceux d’entre eux qui ont voulu tenir un bras de fer avec Philemon Yang ignorant que son bras était plus fort malgré sa souplesse.

 

Art musical : discordance des notes

Parmi ceux-là qui ont donc tenu un bras de fer avec le PM, il y a au premier rang l’ex-ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna, qui n’a pas caché son désaccord avec Philemon Yang au sujet de la gestion droit d’auteur. Malgré les instructions claires du PM, elle a insisté dans sa volonté à faire fonctionner la Socacim à qui elle a octroyé un agrément le 19 mai 2015, alors qu’au niveau de la Primature, le groupe de travail mis sur pied en vue de la création d’une société de gestion des droits musicaux était encore à pied d’œuvre. Après une demande d’explication attribuée à la ministre, le PM va suspendre le 22 mai l’agrément accordé à la Société camerounaise civile de musique (Socacim). Le communiqué est rendu public au grand bonheur de la presse qui en fait ses choux gras. « Sont, et demeurent nuls et de nul effet, les termes du communiqué N0015 du 18 mai 2015 ainsi que la décision y relative en date du 15 mai tel qu’indiqué dans le communiqué en cause du ministre des Arts et de la Culture annonçant l’octroi d’un agrément aux fins de gestion du droit d’auteur et des droits voisins de catégorie « B » : Art musical à la Société camerounaise civile de la musique »,écrit Philemon Yang. Et pour cause : « violation des dispositions pertinentes de l’article 20 du décret numéro 2001/956/Pm du 1er novembre 2001 fixant les modalités d’application de la loi 2000/11 du 19 décembre 2000, relative au droit d’auteur et aux droits voisins ; violation des dispositions de l’article 75 de la loi 2001/956/Pm du 1er décembre 2000 au droit d’auteur et aux droits voisins ; manquement aux dispositions du paragraphe 5 de l’instruction générale no002 du 1er octobre 2002 relative à l’organisation du travail gouvernemental », explique le PM . Ce qui n’empêchera pas les initiateurs de la Socacim de maintenir un bras de fer comptant sur l’aile protectrice d’Ama Tutu Muna. Son éviction de ce poste ministériel et la nomination du Pr Narcisse Mouelle Kombi à sa place marque sans doute la fin de ce feuilleton. Le PM s’est avéré plus fort, lui qui est pourtant, de sources concordantes, l’un des frères ainés d’Ama Tutu Muna.

 

Nominations à problèmes

Autre ministre remercié n’ayant pas joué la même symphonie que le Philemon Yang dans un dossier, Essimi Menye. L’ex-ministre de l’Agriculture et du Développement rural avait nommé le 17 avril 2015 deux inspecteurs généraux et deux directeurs. Tous nommés par intérim au sein de son département ministériel. Ceux-ci ont d’ailleurs été installés et vaquaient déjà à leur occupation. Mais, c’était sans compter sur le bâton du PM qui a frappé 11 jours plus tard en annulant les décisions de son ministre pour « pour vice de forme, de procédure et de compétence ».

Certains analystes ont rapidement vu en ces nominations d’Essimi Menye un acte de défiance à l’endroit du PM. Surtout que quelques semaines plus tôt, le 26 février précisément, le PM avait présidé un séminaire gouvernemental consacré au management des ressources humaines au sein de la fonction publique. Face au désordre régnant dans les nominations au sein du gouvernement, Philemon Yang avait alors rappelé à l’endroit de tous les ministres présents, « l’urgence de restaurer les valeurs intangibles qui doivent guider les agents engagés dans le service de l’Etat, afin que la déconcentration de la gestion des ressources humaines serve de déclencheur à une véritable refondation de la fonction publique ».  Le SGPM d’alors, Louis-Paul Motazé (aujourd’hui promu à nouveau ministre en charge de l’Economie), avait fait un exposé sur les principes applicables aux recrutements et aux nominations aux postes de responsabilités dans les administrations de l’Etat. En effet, les dispositions de la constitution de 1996 et le décret N° 2011/408 du 9  décembre 2011 portant organisation du gouvernement définissent les personnalités habiletés à nommer les hauts cadres.  L’article 9 dudit décret du 09 décembre 2011 énonce clairement que le Premier ministre, chef du gouvernement, nomme par  décret les directeurs et assimilés des administrations centrales placées sous son autorité, après approbation du président de la République. Il nomme également les conseillers en organisation administrative, après approbation du président de la République. Le PM nomme aussi par arrêté les directeurs-adjoints et assimilés dans ses services après approbation du Président de la République. Il en est de même pour les chefs de service et assimilés dans les services du premier ministre, les chefs de secrétariat particulier des ministres, les collaborateurs des gouverneurs de régions, les adjoints préfectoraux et les  adjoints aux  sous-préfets.

Visblement, Essimi Menye n’a pas observé ces principes et la sanction est tombée. Il est remplacé par Henri Eyebe Ayissi, ancien ministre délégué à la Présidence chargé du Contrôle supérieur de l’Etat.

 

Pour avoir critiqué le PM ?

Autre ministre écarté du gouvernement, Patrice Amba Salla, ex patron des Travaux publics. Celui-ci aurait publiquement tancé le Premier ministre si l’on en croit aux médias ayant rapporté les faits. Le 05 mai dernier,  Patrice Amba Salla, l’ex ministre des Travaux publics, parlant des lenteurs observées dans la signature du décret portant indemnisations des populations de la route Sangmélima-Djoum-Mintom-Ouesso, aurait critiqué les méthodes du PM. «On ne peut pas signer un acte administratif pendant trois ans», aurait indiqué Patrice Amba Salla dont les propos sont rapportés par le journal Mutations. La veille, sur le terrain à Sangmélima, précise le quotidien, afin de lever toute équivoque sur le sens de son propos, il va « s’adresser aux populations en langue locale et mettre ainsi en évidence la puissance inertielle du chef du gouvernement : «Ce n’est pas moi qui signe les décrets ; si cela dépendait de moi, il y a longtemps que je l’aurais fait». Sanction dans le gouvernement du 02 octobre ! Il est remplacé par Emmanuel Nganou Djoumessi qui vient du ministère en charge de l’Economie.

On notera également que certains ministres déchus comme celui des Postes et Télécommunications ont parfois brillé par un conflit de compétences entre collègues du gouvernement, mais surtout conflit médiatisé. Foulant ainsi au pied les directives de solidarité gouvernementale prescrites par le sommet de l’Etat. Jean-Pierre Biyiti bi Essam a voulu prendre (mieux arracher) au ministère des Finances la régulation du transfert d’argent au Cameroun. Finalement, le PM avait tranché en faveur du ministre des Finances au détriment de Biyiti bi Essam qui menaçait de fermer à partir du 01er août 2015 ces opérateurs « qui exercent dans l’illégalité ». Au Finish, raison a été donnée à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) qui a expliqué au gouvernement que cette activité était de son ressort et que, c’est le ministère des Finances, en tant qu’autorité monétaire nationale, qui délivre les agréments aux opérateurs de ce secteur d’activité. Jean-Pierre Biyiti bi Essam est remplacé à son poste par Minette Libom li Likeng, directrice générale de la Douane camerounaise.

Ces quelques cas peuvent permettre de dire que le Premier ministre n’a pas toléré ces différents écarts de conduite. Et le président a été de son côté. Du réaménagement ministériel opéré le 02 octobre 2015, on peut croire qu’un message fort est délivré par le Président de la République et par le Premier ministre aux ministres qui seraient tentés de cultiver dans l’ombre les germes de l‘insubordination ou de la défiance à l’endroit du PM ou de l’autorité de l’Etat. Ceux des ministres qui portent sur la place publique leurs divergences et leurs contradictions au lieu de s’en référer à la Primature sont également avisés. Au vu des déclarations du PM lors de l’installation des nouveaux ministres, il n’est pas exclu de croire que la sanction rôde et qu’elle tombera à nouveau (tôt au tard) si ces comportements perdurent. Il y a sans doute d’autres raisons de l’éviction aux postes ministériels, mais ces cas qui ont alimenté la chronique médiatique durant des semaines méritent d’être relevés. Car, même s’ils n’étaient pas la cause du remerciement de tous, ils ont contribué au départ de bon nombre. Le PM, lui, est plus que jamais déterminé à veiller. « Coordonner ou diriger des équipes a toujours été chose de difficile partout dans le monde. Mais, je suis déterminé que nous allons continuer à diriger, à travailler dur et même à faire mieux », a confié Philemon Yang à Cameroon Tribune le 02 octobre dernier.

 

Il y a 14 ans déjà…

Il appartient dès lors à la nouvelle équipe, dirigée par un coach en qui le président a renouvelé sa confiance et qui apparaît plus que jamais fort, de respecter cette circulaire de 2001 relative à la solidarité gouvernementale. Circulaire vielle, mais toujours aussi d’actualité. Paul Biya, après avoir observé de nombreuses dérives, rappelait à l’endroit des ministres que l'action gouvernementale devait s'exercer au bénéfice de l'ensemble des populations conformément à ses engagements pris devant la Nation. Il précisait que ces actions devaient s’exercer sous l’autorité du Premier ministre chargé de la mise en œuvre de la politique de la nation qu’il a définie. « Aussi doit-il régner au sein du gouvernement, un esprit de coopération et de travail en équipe. Chaque ministre doit faire siennes les décisions prises, quelles que soient ses attributions et quelle qu'ait été sa position dans leur préparation. Si des incompréhensions ou des difficultés d'interprétation subsistent, elles doivent être réglées en conseil de Cabinet, et une fois arbitrées, ne plus faire l'objet de débats publics ou privés.  Il est notamment inconcevable que des critiques se fassent jour dans la presse, à l'égard de l'action gouvernementale ou d'une décision ministérielle de la part de membres du gouvernement, au détriment évident de la cohésion de celui-ci. De tels comportements sont inadmissibles de la part des ministres appartenant à une même équipe. Ils sont de nature à fragiliser l'autorité de l'Etat. Aussi, je vous demande d'y mettre fin », ordonnait Paul Biya dans cette circulaire datée du 27 avril 2001.  Vous avez dit « comportements inadmissibles » ?

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