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« Une stratégie d’accumulation de réserves d’or doit s’inscrire sur le long, voire le très long terme »

Le Venezuela a annoncé le 29 avril dernier avoir emprunté un milliard de Dollars US auprès de Citibank en nantissant une partie de ses réserves stratégiques d’or, soit près de 44 tonnes d’or.

Cette transaction est banale car les banques centrales réalisent ce genre d’opérations très régulièrement pour le compte de leurs Etats. C’est d’ailleurs l’un des objectifs principaux de l’accumulation de réserves d’or par un Etat car celui-ci peut les céder ou les donner en garantie quand sa situation économique le nécessite.

L’étude de l’évolution des réserves stratégiques d’or selon le World Gold Council montre que les stocks d’or de nombreux pays varient ainsi très régulièrement à la hausse ou à la baisse. Cette étude révèle aussi que l’accumulation de stocks d’or par de nombreux pays a commencé depuis relativement peu, du moins par rapport aux pays développés.

Prenons l’exemple de la Malaisie qui a acheté son premier stock en 1962, soit 3 tonnes. En 1998, ce pays disposait d’un stock de 73 tonnes, soit une croissance de 9% en moyenne par an.

Autrement dit, la Malaisie n’a pas acquis ses 73 tonnes du jour au lendemain. Elle a appliqué une politique d’achats relativement modestes mais de manière systématique et continue sur le long terme. Il est intéressant de noter que, dans les cas de la Malaisie, comme des Philippines, de la Guyane ou du Venezuela, l’or acheté provient de la production locale, aussi bien des producteurs industriels que des orpailleurs.

Quelles leçons le Gabon peut-il tirer de l’expérience malaisienne ?

D’une part, une stratégie d’accumulation de réserves stratégiques d’or doit s’inscrire sur le long, voire le très long terme. Il s’agit en réalité d’épargne. Et dans cette matière, il est toujours préférable d’épargner de petites sommes régulièrement que de grosses sommes par intermittence.

D’autre part, cette stratégie peut se faire par incréments relativement modestes. Nul besoin d’y consacrer des dizaines de milliards chaque année. A condition toutefois d’être constant et systématique. C’est donc une question de discipline.

Il serait relativement aisé d’acheter des lingots d’or pur sur le marché international. Mais il est possible pour l’Etat de s’approvisionner localement. Un approvisionnement local auprès des orpailleurs aura même des effets décuplés sur la stratégie minière du pays.

En effet, les achats d’or par l’Etat injecteront alors de la liquidité au sein de communautés rurales qui vivent encore dans état de précarité. Loin d’être de l’assistanat social, ce schéma rémunèrera les orpailleurs pour leur travail tout en ayant un fort impact social.

Bien encadrés, les orpailleurs pourront ainsi améliorer leurs techniques de production, monter en gamme et en technicité. Cela contribuera à voir émerger de véritables sociétés minières locales détenues et gérées par des entrepreneurs gabonais.

C’est cette voie que le Gabon a décidé de suivre.

Selon la Stratégie Nationale d’Industrialisation définie en 2013, le potentiel aurifère du Gabon est resté quasi intact, avec une production avant l’indépendance (15 tonnes entre 1936 et 1960), qui s’est ensuite fortement ralentie : la production artisanale est estimée aujourd’hui à 300 kg par an.

Deux caractéristiques spécifiques de l’or ont cependant déterminé la nouvelle priorité accordée à cette filière : 1) L’or présente une valeur ajoutée maximale dès son extraction, 2) l’or représente un des instruments de placement financier à long terme les plus recherchés. L’objectif est donc désormais d’accélérer son extraction tout en maîtrisant le risque environnemental, pour atteindre une production cumulée de 50 tonnes d’or sur la période 2013-2025.

Pour ce faire, des projets prioritaires ont été déterminés. L’un de ses projets consiste en la mise en place d’un fonds « Or » d’un montant de 250 milliards de FCFA maximum. Ce fonds vise à capitaliser les revenus tirés de l’extraction de l’or à travers plusieurs options d’utilisation. Ces options pourront être la constitution de réserves pour les générations futures, la constitution de réserves pour couvrir les risques financiers, le financement de grands projets de l’Etat, la constitution d’un fonds de garantie pour le financement des projets de l’Etat, etc. Le fonds serait constitué grâce à la mise en place d’un mécanisme de partage de production avec les opérateurs des grandes mines ainsi qu’au rachat par l’Etat de la totalité de l’or produit par les petites mines, par les coopératives d’orpailleurs et par les orpailleurs individuels.

Le mécanisme de partage de production avec les opérateurs des grandes mines n’a pas été retenu lors de la révision du Code minier récemment publié au Journal Officiel.  Il ne reste donc que l’achat par l’Etat de l’or des petites mines, des coopératives et des artisans. Cette source d’approvisionnement existe et est déjà exploitée. En effet, conformément à l’action 110 du PSGE et aux missions qui lui sont assignées dans son décret de création n° 1018/PR/MMPH du 24 août 2011, et selon lesquelles « Elle a également comme mission d’organiser la collecte et la commercialisation de l’or sur l’étendue du territoire national. », la Société Equatoriale des Mines (SEM), société d’Etat, a lancé les activités du Comptoir Gabonais de Collecte de l’Or (CGCO) en février 2013 avec l’ouverture de son premier comptoir d’achat d’or artisanal à Makokou. Depuis, le CGCO a étendu son rayonnement à Ndjolé, Mitzic, Mouila, Lastourville et Okondja.

En un peu plus de deux ans et demi, le CGCO a déjà collecté 84 kg d’or brut en poudre et en pépites. Cette production artisanale est ensuite fondue en lingots d’or brut puis revendue prioritairement à la Caisse des Dépôts et Consignations (60 kg) qui est chargée d’accumuler des réserves stratégiques d’or pour le compte de l’Etat.

Au vu du potentiel aurifère du pays, il est possible de collecter bien plus que ce qui a déjà été réalisé. Cela nécessitera toutefois quelques améliorations sur toute la chaîne. D’une part, à travers le CGCO, l’Etat se ré-implique dans une activité qu’il avait abandonnée lors d’un accident dramatique de deux collecteurs du Ministère des Mines. Entretemps, la contrebande et les réseaux illégaux ont fortement pénétré le secteur. Il faut donc réhabituer les orpailleurs à la présence de l’Etat et susciter davantage leur adhésion au projet mené.

D’autre part, le Ministère des Mines pourrait s’appuyer davantage sur le CGCO pour assurer ses missions régaliennes, notamment la distribution des autorisations d’exploitation artisanale, valable un an, dont les conditions d’établissement restent encore draconiennes pour des populations rurales. Un extrait de casier judiciaire vierge est requis. Pour l’obtenir, un acte de naissance doit être fourni. Or on constate que de nombreuses personnes dans des zones reculées n’en ont pas et ne peuvent se déplacer jusqu’au chef-lieu de province pour en demander un. Lorsque le dossier de demande est complet, l’orpailleur est confronté à une autre difficulté : le traitement et la délivrance de l’autorisation sont centralisés à Libreville. Le Ministère pourrait simplifier encore les conditions d’octroi des autorisations et déléguer ces deux tâches au CGCO qui a accès aux orpailleurs grâce à son réseau de comptoirs.

De plus, une plus grande coordination entre les différents services de sécurité nationale s’impose car le commerce illégal de l’or, comme celui de l’ivoire, finance la criminalité, notamment transfrontalière. En matière de justice, une mesure simple pourrait être mise en œuvre : chaque quantité d’or saisie par les forces de sécurité nationale devrait être reversée au CGCO pour alimenter obligatoirement le Fonds Or de la République gabonaise.

Ensuite, les Pouvoirs publics qui fixent les priorités d’investissement de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) pourraient l’autoriser à augmenter ses achats d’or auprès du CGCO. La CDC qui ne dispose pas de moyens financiers illimités doit également investir dans d’autres projets structurants. Il s’agit donc d’une décision de stratégie d’investissement que, seuls les Pouvoirs publics sont habilités à prendre.

La fiscalité peut aussi être ajustée. Aujourd’hui, hors les ventes à la CDC pour la constitution du Fonds Or, un lingot d’or brut vendu à une bijouterie comme matière première, lui coûterait plus qu’un lingot d’or pur sur le marché international, en raison de l’application de la TVA à 18% et de la taxe de commercialisation de 5%. Beaucoup de bijoutiers continuent ainsi de s’alimenter de manière informelle.

Pour sa part, le CGCO doit poursuivre le développement de son réseau de comptoirs selon deux axes. Premièrement, il doit s’implanter dans toutes les provinces aurifères du Gabon ; il n’est pas encore dans la Nyanga. Deuxièmement, dans chaque province, le maillage territorial doit se resserrer bien au-delà des principales communes.

Le CGCO produit déjà des lingots bruts. Il doit monter en gamme pour produire des lingots d’or pur à 99,99%. Cela nécessitera l’acquisition de compétences dans la chimie et des investissements supplémentaires.

Enfin, le CGCO doit améliorer sa présence sur la chaîne de valeur notamment en prenant avantage de toutes les opportunités de trading de l’or. Car la vraie valeur de l’or n’est pas physique mais immatérielle. C’est ce qui explique que l’or d’investissement représentait 26% des achats d’or dans le monde au premier trimestre 2015. A terme, le CGCO pourrait positionner Libreville comme un petit Dubaï, c’est-à-dire la plate-forme privilégiée d’importation d’or brut de la sous-région et de réexportation d’or raffiné vers le monde.

En conclusion, le Gabon recèle un potentiel aurifère important. En se focalisant seulement sur l’or produit par les petites mines et par les artisans, il est possible de créer de la richesse pour le bénéfice des populations et du pays. Certes le chemin est long. Mais cet objectif pourrait être atteint avec de la discipline, de la constance et de l’obstination de la part de tous les acteurs impliqués dans ce dessein.

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