Agence Ecofin TikTok Agence Ecofin Youtube Agence WhatsApp
Avis d Expert
Agence Ecofin
Yaoundé - Cotonou - Lomé - Dakar - Abidjan - Libreville - Genève
logomenuagenceecofin

L’aide alimentaire a des effets pervers, surtout quand les récoltes sont bonnes

L’UE a annoncé le 22 mai l’octroi d’une aide alimentaire immédiate à destination de sept pays du Sahel : Mauritanie, Sénégal, Gambie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso, dans lesquels près de 4,3 millions de personnes risquent de connaître une situation de crise alimentaire pendant la période de soudure qui s’étendra de juin à août. Pourtant, la récolte céréalière au Sahel et en Afrique de l’Ouest a été meilleure que les années précédentes : elle est en effet en augmentation de 7% par rapport à l’année passée, avec une production totale de 61,6 millions de tonnes – sauf pour le mil qui connaît une baisse de 12%. La production de maïs a, quant à elle, augmenté de 15%, et celle de riz de 25%. La hausse de production se répartit équitablement entre la zone sahélienne et les pays du Golfe de Guinée (+7% environ dans chacune des régions). La production de tubercules et d’arachide est également en hausse.

Les populations en situation d’insécurité alimentaire semblent donc situées principalement :

1°) dans la bande de production du mil,

2°) dans les zones pastorales du Tchad, de la Mauritanie, du Sénégal, du Niger et du Mali, à cause d’un déficit fourrager d’une part, et d’une baisse du prix des bovins au Tchad du fait de la fermeture des frontières du Nigéria et de la Libye, principaux clients du pays, d’autre part,

3°) dans les zones touchées par les conflits et l’insécurité, et les zones périphériques où affluent les populations réfugiées et déplacées (Mali, Niger, Tchad, Mauritanie),

4°) dans les régions touchées par la sécheresse qui a affecté les récoltes en Gambie (-23% par rapport à l’année passée) et le Sénégal (-2%).

Les ménages concernés sont les familles les plus pauvres et les plus vulnérables qui pourraient ne pas être capables de faire face à la hausse des prix attendue pendant la période de soudure.

Pourtant, l’indice FAO des prix des produits alimentaires est tombé à son niveau le plus bas depuis juillet 2010. L’indice FAO du prix des céréales est en baisse, atteignant 167,6 points en moyenne en avril 2015, soit une baisse de 1,3% par rapport au mois précédent et de près de 20% par rapport au mois d’avril 2014. Les cours mondiaux du blé suivent une tendance à la baisse, tandis que les cours du maïs sont stables. Les cours du riz suivent également une tendance à la baisse et sont revenus à leurs niveaux d’avant 2008, tandis que les stocks exportables sont encore importants.

La bonne récolte de cette année au Sahel devrait donc maintenir le prix des produits locaux à un niveau raisonnable, tandis que les prix des produits importés sont en baisse. Les prix des céréales étaient d’ailleurs, en janvier-février, nettement plus faibles (de 5 à 25%) que la moyenne quinquennale au Niger, et stables à légèrement plus faibles (de +5% à -15%) dans la plupart des régions du Mali, du Burkina Faso, et de la Guinée. Ils marquaient une hausse modérée (de 5 à 15%) dans trois régions du Burkina, deux régions du Mali et trois régions du Sénégal. Le Ghana et certaines régions du Tchad étaient les seules à connaître des prix nettement plus élevés que la normale (plus de 15%).

S’il paraît indispensable de venir en aide aux populations victimes des conflits et de l’insécurité, qui ont dû abandonner leurs terres ou ne peuvent pas mener leurs activités productives normalement, il est en revanche plus questionnable d’intervenir dans les régions où les récoltes se sont déroulées normalement.

En effet, l’aide alimentaire, particulièrement lorsqu’elle est distribuée en nature, a tendance à faire baisser les prix sur les marchés locaux, ce qui ne permet pas aux producteurs et aux commerçants de dégager une rémunération aussi importante que prévue et envoie donc un stimulus négatif sur la production lorsque les prix ne sont pas suffisamment incitatifs. Les producteurs et les commerçants sont très réceptifs aux signaux du marché : si les prix augmentent dans une région, les commerçants vont presque immédiatement envoyer des produits à partir des régions les moins chères, permettant ainsi d’approvisionner le marché et de faire baisser les prix. Quant aux producteurs, dès que les prix d’un produit montent durant une certaine année, ils ont tendance à en augmenter massivement la production pendant la campagne suivante – les délais d’arrivée sur le marché sont bien évidemment plus longs.

Au final, les distributions alimentaires, au même titre que les importations massives de produits à bas coût, minent les filières agricoles locales en diminuant la rentabilité des productions, tant pour les producteurs (qui représentent 50 à 80% de la population dans les pays concernés) que pour les millions de commerçant(e)s qui ne dégagent déjà que des marges très faibles sur la vente des produits.

Des bons d’achat ou des distributions de produits locaux paraissent donc une solution plus appropriée, dans les situations où une aide alimentaire d’urgence est vraiment indispensable.

Toutefois, le renforcement des filières agricoles, non seulement au niveau de la production mais surtout de la commercialisation, doit devenir une priorité dans le domaine de la sécurité alimentaire. Nombreux sont ceux qui connaissent le dicton : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner du poisson ». L’aide alimentaire sert une vision à court terme de la solidarité internationale, mais entrave le développement à long terme des communautés.

Dans certains pays voisins du Sahel, tels que la Côte d’Ivoire, les pertes de manioc et de banane plantain sont évaluées à entre 40 et 50% de la production, par manque de débouchés. En effet, la demande nationale (et les besoins alimentaires) sont largement satisfaits, et les excédents pourrissent en brousse faute d’acheteurs. La difficulté pour les producteurs et les commerçants locaux, à aller prospecter à l’étranger pour trouver des clients, à organiser de nouveaux circuits de distribution pour l’écoulement des produits, à disposer d’un fonds de roulement suffisant pour affréter un véhicule de transport sur d’aussi longues distances, freinent le développement de la filière. Nul doute que des projets cherchant à favoriser et organiser les échanges transnationaux seraient bénéfiques pour chacune des deux parties.

D’autre part, l’organisation des filières de commercialisation à l’intérieur même de chaque pays, doit être mise en œuvre. Comment se fait-il que certaines régions du Burkina Faso exportent massivement des produits vivriers vers la Côte d’Ivoire, tandis que d’autres sont en situation d’insécurité alimentaire ? Comment se fait-il que le manioc coûte trois à quatre fois plus cher à Korhogo qu’à Yamoussoukro, pourtant distants de moins de 400 km ? Des solutions doivent être entreprises pour améliorer l’état des routes, diminuer le coût du transport, et faciliter l’accès au marché des producteurs…

 

Source : Note conjointe FAO/PAM sur la Sécurité Alimentaire au Sahel N°63, mars 2015. http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/wfp274556.pdf

OMC : la Chine accentue son aide en faveur des pay...
RD Congo : la lutte contre la pauvreté passe par l...

Avis d'expert Finance

No post has been created yet.

Avis d'expert Télécom

No post has been created yet.

Avis d'expert Agro

No post has been created yet.

Avis d'expert Mines

No post has been created yet.

Avis d'expert Comm

No post has been created yet.

Avis d'expert Droits

No post has been created yet.

Avis d'expert Energie

No post has been created yet.