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Abdou Diouf, l’OHADA et la Francophonie économique

Pas un article de presse, une étude de fond, une émission de télévision et/ou de radio portant en ce moment sur le continent africain qui ne mettent en exergue la croissance africaine, considérée comme une chance inouïe que l’Afrique pourrait saisir pour, enfin, décoller économiquement. Les diseurs de bonne nouvelle insistent surtout sur des indicateurs macro-économiques favorables, sur une urbanisation exponentielle, la vitalité de sa jeunesse, le développement des infrastructures et l’afflux de capitaux qui convergent vers le continent.

Si la croissance africaine dont on nous annonce même l’accélération fait pâlir d’envie certaines économies concurrentes, elle le doit entre autres aux importantes réformes structurelles du cadre législatif et réglementaire engagées au début des années 1990 d’abord au niveau des assurances avec l’instauration du Code CIMA (1) et quelques années plus tard avec l’avènement de l’OHADA (2) et de son droit matériel unifié.

L’OHADA, instrument d’intégration économique par le droit, a bénéficié de l’attention de la communauté internationale qui ne manque aucune occasion de saluer cette construction panafricaine unique. Quelques hommes (3) ont incarné cette réussite et l’ont portée littéralement à bout de bras. Abdou Diouf, ancien président de la République du Sénégal et actuel secrétaire général de la Francophonie fait partie de ceux-là qui, avec ses pairs de l’époque, a signé le traité fondateur de cette Organisation dans l’environnement du Sommet de la Francophonie tenu à Maurice le 17 octobre 1993. Voulue comme une réponse africaine aux problèmes d’hétérogénéité législative des Etats africains dont les intérêts et cultures sont le plus souvent proches, l’OHADA a mis fin au décalage des règles de droit et à la diversification des dispositifs nationaux qui venait brouiller la lisibilité juridique de l’espace concerné. En effet, la mosaïque des textes juridiques handicapait l’économie de ces pays et ne concourait au renforcement du processus d’intégration régionale amorcée par l’émergence du concept de mondialisation dont l’ADN repose sur la constitution de vastes pôles économiques. Il était anachronique d’entretenir des dispositifs législatifs singuliers et autonomes qui affectaient l’efficacité économique et qui allaient surtout à contre-courant de l’histoire et de l’émergence d’un espace juridique cohérent dont les caractéristiques principales reposent sur l’unité, l’applicabilité directe et la supériorité sur les droits nationaux.

A chaque étape du processus de consolidation de l’OHADA, le président Abdou Diouf joua un rôle essentiel dont seulsles initiés connaissent la portée. C’est tout naturellement vers Abdou Diouf et l’OIF que se tournèrent les pays membres de l’OHADA lorsque cette Organisation traversa sa première crise et qu’elle engagea une réforme tectonique de sa gouvernance par la modification substantielle du Traité de Port-Louis.

A la demande du Président du Mali, Abdou Diouf mit l’expertise de la Délégation à la Démocratie, des Droits de l’homme et de la Paix de l’OIF au service de l’Organisation. Son rôle fut déterminant dans la proposition et la tenue d’une réunion des « Forces Vives de l’OHADA » (4) dans un contexte politique où l’audace s’avéra déterminante pour libérer les énergies créatives au service du droit unifié

Ce fut encore Abdou Diouf qui, à la demande du Sénégal cette fois, joua les intermédiaires entre le Canada- et ce pays lors qu’il fallut réunir les chefs d’Etat et de gouvernement de l’OHADA pour la signature du Traité révisé de cette Organisation en marge du Sommet de la Francophonie à Québec le 17 octobre 2008.

C’est enfin en partie à l’influence de Abou Diouf que l’on doit l’adhésion de la RD Congo à l’OHADA. Il sut trouver les mots justes pour répondre aux besoins d’avenir, mais aussi aux craintes exprimées par certains juristes et les autorités politiques de ce pays.

Au moment où il quitte le poste de secrétaire général de la Francophonie et où les pays francophones ont décidé de donner un contenu plus précis à la Francophonie économique, l’OHADA se doit d’être au cœur de la nouvelle stratégie économique de la Francophonie en offrant un cadre juridique et judiciaire dynamique et incitatif à l’environnement des affaires en Afrique et en renforçant l’attractivité du droit continental, socle du droit OHADA mais également en mettant en exergue le lien consubstantiel entre le développement de l’économie africaine et l’influence du droit.

L’existence d’un véritable droit unifié des affaires outre le fait qu’il favorise la fiabilité et la prévisibilité de la règle de droit est un instrument protecteur face aux risques politiques ; il participe à la régulation de la vie économique. Dans ce contexte, le processus de révision des Actes uniformes engagés par l’OHADA avec l’appui technique et financier du Groupe de la Banque et de la France montre que le droit OHADA est un droit moderne, répondant aux exigences de la mondialisation et de l’environnement économique et social africain.

L’extension retenue de son arsenal juridique (crédit-bail, franchise, affacturage, coentreprise, etc.) s’inscrit dans le droit fil de cette volonté de consolidation du droit harmonisé en faveur de la création et du développement des entreprises et de leur accès au financement.

La Francophonie, dans sa stratégie d’influence devrait valoriser cet outil de performance économique  et de coopération internationale par le droit en travaillant à l’instar du Doing Business de la Banque Mondiale et de la Fondation Mo Ibrahim à mettre en place un Observatoire pertinent du droit issu de l’OHADA. Si les classements établis sur la base des critères du Doing Business et de l’indice MO Ibrahim Foundation sont loin d’être parfaits et ne le prétendent pas, ils ont au moins le méritent d’inscrire l’Afrique dans un cercle vertueux et d’éveiller les consciences. Cet observatoirepourrait s’attacher par exemple au choix de critères endogènes et qualitatifs liés à la mise en œuvre des différentes formes de statuts juridiques (statut de l’entreprenant, par exemple), à la mise en conformité des droits nationaux au droit communautaire, à la détermination des sanctions pénales aux infractions contenues dans les Actes uniformes et à l’informatisation du registre du commerce et du crédit mobilier. Indicateurs qui ne font pas l’objet d’un suivi actuellement mais dont l’absence biaise à certains égards la portée des réformes engagées.

Un autre enjeu porterait sur l’investissement dans le capital humain en améliorant l’offre de formation du droit par nos universités /centres de formation par l’exigence de formations hautement qualifiées de nos professionnels du droit et surtout par une révision de nos méthodes pédagogiques. L’instauration de formation professionnelle orientée vers la pratique et l’étude des cas concrets à l’instar des écoles de droit anglo-saxonnes doit être de mise. Bien entendu, ces formations doivent pouvoir bénéficier du soutien de la formidable percée des évolutions du numérique.

Enfin, un meilleur ancrage de l’OHADA, autour de l’intégrité et des performances judiciaires par le recours à des règles de procédure favorisant le développement de l’arbitrage et des modes alternatifs de règlement des différents, offrirait plus de réactivité et de célérité au traitement des litiges sans nuire aux relations entre acteurs économiques. De telles avancées seraient un signal fort pour les opérateurs économiques nationaux et les investisseurs internationaux et a fortiori pour la Francophonie économique pour surmonter le doute qui accapare encore certains esprits et pour mettre l’Afrique en état d’affronter plus sereinement les défis du XXIe siècle.

 

  1. (1)Conférence Interafricaine des Marchés d’assurance
  2. (2)Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
  3. (3)Hommage est rendu également aux pionniers aujourd’hui disparus que sont Keba MBAYE et Martin KIRSCH
  4. (4)La formule « forces vives » fut proposée par Abdou Diouf pour réunir les professionnels du droit, les acteurs de la justice et les partenaires techniques et financiers de l’OHADA lors d’une première édition tenue en 2007 à Douala ; la seconde édition eut lieu en 2013 à Cotonou
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