(Agence Ecofin) - La multiplication par 5 du capital social minimal des assureurs décidé en avril 2016 par la Conférence interafricaine des marchés d'assurance (CIMA), un organisme communautaire du secteur des assurances regroupant 14 pays de l'Afrique centrale et de l'Ouest, devrait déclencher une véritable révolution qui va secouer le secteur en profondeur durant plusieurs années, a estimé le cabinet de conseil spécialisé sur le continent africain Finactu dans une étude publiée le 12 octobre.
Intitulé «Le marché des assurances dans l’espace CIMA : à l’aube d’une révolution », cette étude suggère que la réforme va générer un mouvement de nettoyage et de concentration dans le secteur qui se manifestera inéluctablement par la disparition des petites compagnies et l’apparition de groupes ayant une taille critique.
La réforme préconise que le capital social minimum des sociétés anonymes d’assurances passe de 1 à 5 milliards de FCFA et le fonds d’établissement minimum des sociétés d’assurances mutuelles de 800 millions à 3 milliards de FCFA.
Les sociétés anonymes d’assurances en activité qui ont un capital social inférieur à ce minimum disposent d’un délai de trois ans pour porter leur capital social minimum à 3 milliards de FCFA et de cinq ans pour le porter à 5 milliards de FCFA à compter de la date d’entrée en vigueur du texte. En outre, leurs fonds propres ne doivent pas être inférieurs à80% du montant minimum du capital social.
S’agissant des sociétés d’assurances mutuelles en activité qui ont un fonds d’établissement inférieur à ce minimum, elles disposent d’un délai de trois ans pour porter leur fonds d’établissement à 2 milliards de FCFA et de cinq ans pour le porter à 3 milliards de FCFA à compter de la date d’entrée en vigueur des présentes dispositions.
Le point de départ de l’étude du cabinet Finactu est qu’un assureur qui, pour se conformer à la nouvelle réglementation, exige de ses actionnaires un capital de 5 milliards FCFA doit offrir un rendement à ce capital. Compte tenu du risque relatif que représente l’investissement dans une compagnie d’assurance par rapport à l’achat d’une obligation souveraine, on peut estimer qu’à moins de 15% net de rendement, un actionnaire pourra hésiter à investir dans une compagnie d’assurance.
Pour l’assureur, offrir 15% de rendement net à ses actionnaires revient à dégager un résultat net d’au minimum 750 millions de FCFA (15% x 5 milliards FCFA).
L’assurance étant une activité qui dégage une rentabilité d’environ 8% de son chiffre d’affaires en non-vie (plutôt 4% en vie), il faut donc que ce même assureur ait un chiffre d’affaires d’au moins 9,4 milliards FCFA en «non-vie», pour espérer réaliser son objectif de résultat, et de 18,8 milliards FCFA en «vie».
La première conséquence est que tous les assureurs qui réalisent moins que les seuils de
primes calculés par Finactu (soit 9,4 milliards FCFA en non-vie et 19 milliards FCFA en vie) doivent d’urgence s’interroger sur leur pérennité.
En effet, avec un chiffre d’affaires inférieur au seuil calculé, il leur sera très difficile de dégager le résultat nécessaire pour rentabiliser, et donc justifier, un capital de 5 milliards de FCFA sauf s’ils trouvent des actionnaires philanthropiques …
Sur les 131 assureurs opérant dans les 11 plus gros marchés de l’espace CIMA pour lesquelles les données sont disponibles, 92 (54 sur 86 en non-vie et 38 sur 45 en vie) n’ont ni le chiffre d’affaires, ni le résultat net suffisant pour convaincre des actionnaires de suivre leur besoin en capital social. Ils devront soit se regrouper, soit croître, soit disparaître…
Selon les projections de Finactu, le nombre minimal d’assureurs qui devront disparaître dans les 11 marchés étudiés ( Burkina Faso, Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Togo, Sénégal, Mali et Centrafrique) est de 58 (26 en non-vie et 32 en vie), soit plus de 4 compagnies sur 10.
L’étude de Finactu souligne, par ailleurs, que le relèvement du capital minimum exigé dans l’espace CIMA aura des retombées différentes en fonction du degré de maturité du marché des assurances dans chacun pays concerné.
Trois catégories de pays se dégagent dans ce cadre :
La première catégorie regroupe le Cameroun et la Côte d’Ivoire, qui ont chacun un marché suffisamment développé pour supporter sans difficulté la réforme, aussi bien en «vie» qu’en «non-vie», même si celle-ci entraînera la fermeture ou le regroupement de plusieurs acteurs.
La seconde catégorie regroupe 7 pays (Burkina Faso, Bénin, Congo-Brazzaville, Gabon, Mali, Sénégal et Togo). Tous ces pays jouissent d’un secteur non-vie bien développé, et certainement suffisant pour accueillir la réforme tout en maintenant un nombre suffisant d’acteurs pour animer la concurrence dans l’intérêt des assurés. Mais l’application de la réforme va poser un problème délicat en assurance vie, qui ne sera pas en mesure, même avec une croissance soutenue, de supporter la réforme et ses contraintes. Il semblerait opportun d’étudier un assouplissement de la contrainte pour les assureurs vie à l’instar du Nigéria et du Kenya qui fixent des seuils de capital différents pour chaque type d’assureur.
Enfin la dernière catégorie rassemble la Centrafrique, la Guinée Bissau, le Niger, le Tchad et la Guinée Équatoriale, marchés trop étroits pour supporter la nouvelle contrainte en l’état.
Lire aussi
14/04/2016 - Zone CIMA : 7 compagnies d’assurance agréées
02/04/2014 - La FANAF veut réglementer l’activité de réassurance dans l’espace CIMA d’ici fin 2014
11/07/2013 - 15 compagnies d’assurances d’Afrique de l’Ouest et centrale auditionnées par la CIMA
05/11/2012 - Première édition commentée du Code des assurances dans l'espace CIMA
Johannesburg, Afrique du Sud : « Faire place au changement : façonner la prochaine ère de prospérité de l’Afrique »